« 12 mars 1968 : un moment inoubliable de notre histoire »

Dr Dawood Oaris

Comme tant de Mauriciens qui s’en souviennent, le Dr Dawood Oaris, directeur de la clinique Chisty Shifa, se remémore ce 12 mars 1968. Fierté et gloire d’être un citoyen d’un  pays libéré du joug du colonialisme. Que d’eau a coulé sous les ponts depuis. En trois volets, le spécialiste en ENT nous ouvre son cœur.

SIDDICK NAUDEER

« Historique »

« En 1967, les Mauriciens avaient choisi dans leur majorité l’option indépendance, principalement ceux venant des régions rurales, 44 % de l’électorat privilégiant une intégration avec la Grand Bretagne, en particulier les résidents des villes. Mon père était un partisan farouche de l’indépendance, soutenant l’alliance Ptr / CAM/ IFB. C’est sans surprise que je me retrouvais à ses côtés dans les loges du MTC. C’était un grand moment de fierté non seulement pour le jeune homme de 20 ans que j’étais, mais pour tous ceux qui étaient au Champ de Mars, témoignant du lever de notre drapeau national à la place du Union Jack, écoutant avec émotion l’hymne mauricien, ‘Glory to Thee…’

« Économie »

« Mais l’indépendance d’un pays c’était aussi se mettre debout sur ses propres pieds et voler de ses propres ailes. Pays à vocation mono-culture, la canne à sucre, Maurice dépendait aussi entièrement sur les fils du sol pour faire démarrer notre économie. Très vite, les Mauriciens avaient retroussé leurs manches pour se mettre à l’ouvrage. On tâtonnait, mais on  avançait. La création de la Zone Franche allait jouer un rôle très important dans la relance économique. En 1975, nous avions connu notre ‘boom’, mais suivi de deux dévaluations en 1979. Le pays s’est ressaisi, heureusement, et notre travail dur a porté ses fruits. Aujourd’hui, nous jouissons d’une bonne réputation au niveau mondial dû à une gestion économique stable et visionnaire. Mais je dirai qu’avec plus de discipline et de rigeur, on aurait pu faire mieux. En 2018, le laisser-aller perdure.

 

« Education »

« Nous avons fait d’immenses progrès dans le domaine éducatif même si au fil des années, il y a eu pas mal de changements d’orientation. Juste après l’indépendance, nous avions hérité des centaines de bourses des pays amis, dont l’Inde, la Russie, le Pakistan, la France, qui ont beaucoup aidé les étudiants pauvres à en profiter, et qui sont revenus servir le pays, occupant des postes importants. Auparavant nous bénéficiions des bourses d’Angleterre pré-indépendantes. De tout temps, l’éducation primaire était gratuite. L’introduction de la gratuité au niveau secondaire a largement contribué à l’avancement non seulement du pays mais surtout à celui des Mauriciens de la classe pauvre en général. Je pense que l’éducation civique devrait, après 50 ans d’indépendance, occuper une place prioritaire dans nos écoles, pour que nous continuions à produire de bons citoyens.

« Santé »

« La santé, suivant la tradition bien british, a toujours été au cœur des préoccupations de tous les gouvernements qui se sont succédé. Comme l’éducation, la santé publique gratuite est le fait d’un welfare state bien établi.

« On a mis, certes, du temps à moderniser nos services. C’est l’un des plus fiables à exister sur le continent africain. Avant l’indépendance, et même après, c’était un infirmier qui était en charge d’un dispensaire, que ce soit dans nos villages ou dans les cinq villes de l’époque. Un médecin généraliste s’y rendait une ou deux fois par semaine. On avait deux hôpitaux régionaux, Civil à Port Louis et PMOC à Candos, les patients étaient desservis par les hôpitaux de district dont Mahébourg, Flacq, Rose Belle et Mt Longue. Peu à peu le nombre des dispensaires a augmenté et les hôpitaux publics ont été ‘upgraded’. Sont venus s’ajouter l’hôpital du Nord, celui de Moka et l’hôpital ENT, après l’indépendance.

« Parallèlement des cliniques privées faisaient leur apparition dans le pays et qui continuent à offrir leurs services à la population. Outre les cliniques Darné, Ferrière, Lorette, Bon Pasteur, City Clinic fut créé en 1968, suivi bien plus tard par Chisty Shifa et d’autres. C’est autant dire que la santé se porte bien, offrant des soins Hi-tech, en dépit des failles et autres lacunes.

« Pour résumer, je dirai qu’il y a encore, comme dirait l’Anglais, ‘room for improvement’. Je conclurai par cet extrait d’un article que j’ai écrit dans le magazine pour marquer les 100 ans du collège Royal de Curepipe, où j’ai été étudiant, ‘the journey of life of a person is not considered to be driven by FATE or DESTINY…. Your FATE is continuously part and parcel of life, as if programmed in the most powerful computer of the universe, that of the Almighty.

Ainsi est le destin fabuleux de notre pays.