90e anniversaire de la naissance de Sir Gaëtan Duval : Le couple Azad et Fatimah Dhomun nous raconte cet homme ‘extraordinaire’

 

«  Comme tous les humains, Gaëtan Duval avait ses défauts. Mais ses qualités exceptionnelles faisaient de lui un homme inénarrable, un homme dont la sensibilité dépasse notre imaginair ». C’est Fatimah Dhomun, épouse d’Azad, qui résume à sa façon la grandeur de cet homme hors-pair qu’était Sir Gaëtan Duval.

Pour l’avoir côtoyé pendant plus de 20 ans, Fatimah nous lit le regretté GaeGae comme dans un livre ouvert. D’anecdote en anecdote, cette ancienne hôtesse d’Air Mauritius ne tarit pas d’éloges pour celui qui continue à faire semblant de dormir.

Azad Dhomun lui, s’interroge sur les leçons que veulent nous donner des potentats de bas étages sur le mauricianisme. « Le seul Mauricien qui pourrait se gargariser de ce terme, s’il était encore parmi nous n’est autre que l’unique Gaëtan Duval », fait-il ressortir.

Le banquier rappelle pour nos lecteurs comment en 1967, lors des élections cruciales menant à l’indépendance, Duval n’hésita pas à placer des candidats dans des circonscriptions difficiles. C’est ainsi que furent élus Mohilin (Marc) Ah Chuen , Ajum Dahal, Sham Panchoo et Krishna Ramlagun, dans des circonscriptions ayant un profil ethnique très particulier.

C’est toujours Sir Gaëtan Duval qui ouvrit la porte de la diplomatie aux pays arabes. En 1983, nommé « deputy Prime Minister » et Attorney General, suivant la victoire de l’Alliance MSM/PTr/PMSD aux législatives, Gaëtan Duval fit la promotion de Maurice auprès des pays du Golfe, particulièrement Bahrein et Qatar, nous explique Azad Dhomun. C’est ainsi que des milliers de Mauriciens trouvèrent des emplois bien rémunérateurs dans ces deux pays, sans compter l’Arabie Saoudite.

Une grande amitié lia Gaëtan Duval à l’Emir de Bahrein. Lors d’une visite officielle dans ce pays, comme l’Emir ne s’y trouvait pas, il voyagea dans son jet privé pour demander à Gaëtan Duval de dîner avec lui, l’obligeant même à rester à Bahrein pendant une semaine. Sinon en cas de refus l’Emir serait prêt, nous raconte Azad Dhomun, alors ambassadeur itinéraire du gouvernement auprès des pays du Golfe, à fermer l’aéroport.

« Sir Gaëtan Duval était un homme épatant, voire flamboyant. Avec sa bonne humeur contagieuse, il vous terrassait avec son sourire radieuse », nous confie Fatimah.

 

 

 

Pour l’épouse d’Azad Dhomun, cette rare perle qu’était Sir Gaëtan dégageait une chaleur humaine inéluctable. Doué d’une ‘sparkling intelligence’, il était d’une générosité à faire pâlir et une capacité de pardonner même à celui qui lui aurait fait le plus grand tort. Selon elle, Gaëtan Duval était admiré non seulement pour sa grande humilité, mais surtout pour son humanisme.

Fatimah raconte comment Gaëtan Duval se mit en quatre pour que son ami intime Bébé Emamally puisse déjeuner sur la même table que l’ancien président  français Jacques Chirac à Matignon. Selon l’anecdote, le nom de Bébé n’était pas sur la liste des invités. Quand Sir Gaëtan remarqua que Bébé n’avait pas sa place sur la table d’honneur, il se leva et dit à Bébé « a nou alé ». Ce qui provoqua un brouhaha. Il a fallu tout le tact de Jacques Chirac pour que Gaëtan revienne à la table, mais cette fois refaite pour faire de la place à Bébé.

Pour Fatimah, aucun autre Mauricien n’aurait agi ainsi, au risque de mettre en péril les relations diplomatiques entre Maurice et la France. « Je suis parmi les rares privilégiés d’avoir été si intimement liés avec Gaëtan. Il était omniprésent chez nous. Il était partie prenante de notre vie quotidienne. Il était là pour mes fiançailles avec Azad, pour notre nikah, (agissant même comme le père d’Azad), pour la naissance de nos enfants, » se remémore Fatimah.

Azad Dhomun intervient pour nous raconter une anecdote vraiment insolite. L’Emir de Qatar était réputé pour être un homme très sévère qui ne souriait jamais. Durant une visite dans ce pays, l’Emir demanda à Gaëtan Duval « when is best for me to visit Mauritius ? » sur ce, ce dernier répondit « when I am there ». Une phrase qui provoqua la fou-rire chez l’Emir. Si bien que ce rire fit la UNE de la télévision qatarite le soir même.

Fatimah se souvient dans quelles circonstances Habib Bank A.G.Zurich put s’implanter à Maurice. Cadre de cette banque, son époux multipliait des démarches pour qu’elle obtienne sa licence pour opérer. Mais c’était sans compter le lobby d’une autre banque étrangère déjà opérationnelle à Maurice et l’opposition farouche de l’ancien ministre des finances, Sir Veerasamy Ringadoo. Gaëtan Duval alla voir le PM d’alors Sir Seewoosagur Ramgoolam et menaça de quitter la coalition gouvernementale en cas de refus de la licence à Habib Bank A.G.Zurich. Sir Seewoosagur Ramgoolam profita de l’absence au pays de Ringadoo pour octroyer la licence à la banque pakistanaise.

« Une des qualités intrinsèques de Gaëtan était sa grandeur d’âme. Malgré toute la campagne de dénigrement et les insanités que l’on rapportait sur lui, il ne m’en démordait pas,  » confie Fatimah

Pour ceux qui n’étaient nullement reconnaissants envers lui pour les avoir amplement aidés, Gaëtan ne leur tenait aucune rigueur, se rappelle Fatimah. Même ceux qu’il a fait échapper à la prison et qui se sont retournés contre lui. Et quand on lui demandait s’il n’était pas choqué par cette attitude ingrate Gaëtan répondait « Je n’ai pas acheté leur âme. »

Fatimah se souvient lui avoir demandé une fois pourquoi il défendait Sir Binod Bacha, soupçonné d’avoir mis le feu à sa maison, causant la mort de son épouse et de son fils, Gaëtan trouva réplique facile « Kifer mo pa bizin défan li ? »

« Et si Lady Kathleen était votre sœur ? »

« J’aurais défendu mon beau-frère en qui j’ai toute ma confiance »

« Vous voyez, il était tellement incontournable, tellement extraordinaire, » lâche Fatimah.

Avant de prendre congé de nous, cette dernière nous fait découvrir la facette culture de Gaëtan Duval. Lors d’un de ses multiples déjeuners chez ses « enfants chéris », Fatimah lui demanda s’il voulait prendre un dessert et lui proposa une salade de fruits ou du yaourt nature et finalement du « halwa ». Gaëtan Duval s’enquérit si c’était du « halwa dalgram ». A quoi répondit Fatimah « oui ».

Et l’énigmatique et l’inégalable Gaë Gaë de conclure « mo mama ti p kwi. Li ti pren recette avec nou voisine ».

SIDDICK NAUDEER