[Accès gratuit à internet pour les 18-25 ans] Un cadeau empoisonné ?

Le collectif ‘Pas tousse nou sim card’ a tenu une conférence de presse jeudi dernier, axée sur trois sujets importants : l’accès gratuit à l’Internet pour les jeunes de 18 à 25 ans, la collecte de données par la Mauritius Revenue Authority (MRA) et le réenregistrement obligatoire des cartes SIM. Ces mesures soulèvent des questions sérieuses concernant la vie privée et la sécurité des données.

Parmesh Pallanee, expert en informatique et membre du collectif, met en lumière plusieurs aspects préoccupants liés à ce qu’il qualifie de “cadeau” du gouvernement pour les jeunes de 18 à 25 ans, ainsi que leurs dangers et conséquences.

Aspects préoccupants :

  1. Enregistrement via la MRA

L’enregistrement obligatoire des cartes SIM est perçu par le collectif comme une autre forme de surveillance accrue, mais cette fois-ci pour les jeunes. Les informations personnelles recueillies lors de ce processus pourraient être partagées avec d’autres agences gouvernementales encore une fois, sans le consentement des jeunes.

  1. Collecte de données biométriques

L’enregistrement des cartes SIM oblige les utilisateurs à fournir une photo (selfie). Cette photo pourrait être utilisée pour vérifier l’identité des utilisateurs. Le fait que les photos doivent être converties en photos biométriques pour la reconnaissance faciale signifie que ces photos biométriques, qui sont en réalité des données algorithmiques, pourraient être utilisées de manière malveillante avec l’aide de l’intelligence artificielle, posant ainsi des problèmes potentiels en matière de vie privée.

  1. Absence de consultation avec la société civile

Aucune consultation publique n’a été menée avant l’introduction de ces mesures, ce qui laisse la société civile sans voix face à une initiative aux implications lourdes pour la vie privée.

  1. Risques de surveillance  

Les données collectées, y compris les photos, pourraient être comparées avec la base de données nationale, qu’ils soupçonnent d’exister toujours, de la carte d’identité, ce qui pourrait exposer les citoyens à une surveillance excessive.

Dangers et conséquences :

  • Vol d’identité et fraude/piratage

Les informations biométriques (photos) et autres données personnelles collectées pourraient être utilisées à des fins de vol d’identité, de fraude bancaire ou même de piratage de comptes e-mail.

  • Surveillance excessive

La collecte de données pourrait permettre aux autorités de surveiller de près les comportements et activités des jeunes, sans leur consentement clair.

  • Manque de cadre légal

L’absence de cadre légal précis encadrant ces initiatives pourrait exposer les citoyens à des abus, notamment en matière de cybercriminalité et de protection des données personnelles.

  • Vulnérabilité des jeunes

Les jeunes, particulièrement les moins informés sur les risques liés à la protection de leurs données, pourraient se retrouver plus vulnérables face à ces dangers.

  • Partage non-contrôlé des données

Les données personnelles recueillies pourraient être récupérées et partagées sans contrôle par des hackers sur des plateformes publiques ou commerciales, augmentant ainsi les risques pour la vie privée.


Témoignages


Harsha, 22 ans, étudiante

« Je ne comprends pas pourquoi je devrais enregistrer mes données biométriques pour obtenir une carte SIM, alors qu’il y a un jugement en cours qui n’a même pas encore été rendu. Ça manque vraiment de clarté. À la maison, mes parents ne veulent pas non plus passer par ce processus de réenregistrement. Ils trouvent que ça manque de transparence. En tant que jeune, ça ne me rassure pas du tout. Le gouvernement nous donne déjà une aide de 20 000 roupies et d’autres allocations, je pense qu’ils pourraient soutenir les jeunes autrement, surtout ceux qui veulent ouvrir leur propre entreprise. Alléger leurs investissements aurait plus d’impact que ce « cadeau ». Et puis, une fois que nous serons dans ce système, je me demande ce qui se passera quand on commencera à toucher un salaire. Est-ce qu’on ne sera pas déjà en train de payer des taxes sans même le savoir ? Nos parents contribuent déjà beaucoup au pays, mais nous, les jeunes, avec si peu de formation et d’opportunités, on a l’impression de le payer « le cadeau » déjà, d’une certaine manière, même si je vis sous le toit de mes parents. »

Awnish, 25 ans, diplômé
« Je ressens que cette collecte de données via la MRA est clairement dirigée vers nous, les jeunes. On sait tous que la MRA est une institution sous le contrôle de l’État, et ça me donne l’impression qu’ils veulent utiliser nos informations pour des campagnes politiques, surtout à l’approche des élections. D’ailleurs, on voit déjà des messages très ciblés qui circulent sur les réseaux sociaux. En ce qui concerne la protection des données, je ne suis pas du tout rassuré. En tant que jeune, je remarque souvent des publications sur Facebook concernant des adversaires politiques, ce qui me fait douter de la sécurité de nos informations personnelles. Franchement, je ne suis pas à l’aise avec cela. À l’approche des élections, il est évident que nous, les jeunes de 18 à 25 ans, sommes dans leur viseur. Nous sommes inscrits sur les listes électorales et je crains vraiment que toutes ces données soient utilisées à des fins politiques. On pourrait très bien se retrouver avec des partis qui exploitent ces informations pour influencer notre vote. »


Pour rappel, Me Pazhany Rangasamy a déposé une plainte en Cour suprême en février 2024 pour s’opposer au réenregistrement des cartes SIM, demandant la suspension des règlements avant leur entrée en vigueur le 30 avril 2024. Selon lui, ces nouvelles mesures permettraient au gouvernement de surveiller les communications privées des citoyens, en particulier celles des opposants politiques, à l’approche des élections. Il a également dénoncé l’absence de consultation publique et s’est inquiété des dangers liés à la collecte de données personnelles, telles que les photos et informations biométriques, qui pourraient être mal utilisées. D’autres opposants, dont Me Rama Valayden et Ivor Tan Yan, partagent ces préoccupations, craignant une surveillance accrue de la part de l’État. Jusqu’à présent, aucun verdict final n’a été rendu.