[Affaire Lilram Deal] L’ACP, au cœur d’un scandale à Rs 250 millions, reste en détention

L’assistant-commissaire de police (ACP) Lilram Deal, ancien chef de la Counter Terrorism Unit (CTU), restera en détention. Sa demande de libération sous caution a été rejetée par la cour de district de Port-Louis, alors que l’enquête de la Financial Crimes Commission (FCC) sur un présumé scandale de blanchiment d’argent et de détournement de fonds publics lié à la Reward Money bat son plein. A nouveau présenté en cour ce jeudi, il a été reconduit en cellule jusqu’au 10 juillet prochain.

Ce dossier explosif, qui pourrait impliquer plusieurs hauts gradés de la police, repose notamment sur une enveloppe estimée à Rs 250 millions, censée récompenser les informateurs ayant permis des saisies de drogue majeures. Toutefois, selon les premières conclusions des enquêteurs, une partie substantielle de ces fonds aurait été indûment perçue ou détournée par des officiers supérieurs.

Lilram Deal est soupçonné d’avoir encaissé Rs 4,5 millions, retrouvés sur un compte bancaire conjoint avec son épouse. Une partie de cet argent aurait été transférée vers son compte personnel, puis utilisée pour acquérir un véhicule, aujourd’hui sous séquestre. Il aurait également remis Rs 500 000 à un autre haut gradé, selon ses propres aveux. Les autorités cherchent désormais à retracer le sort des fonds restants et à vérifier s’ils ont servi à l’achat ou la rénovation de plusieurs biens immobiliers, ou encore pour l’acquisition de terres agricoles.

La juge évoque un risque élevé de manipulation

Lors de l’audience, la magistrate Naazish Sakaulloo a estimé que les garanties avancées par la défense – notamment les attaches locales de l’accusé – n’étaient pas suffisantes pour écarter le risque de fuite, de falsification de preuves ou d’ingérence auprès de témoins clés. La FCC a en effet souligné que Lilram Deal dispose de liens familiaux au Canada et qu’il a voyagé régulièrement à l’étranger. Des documents cruciaux, tels que des relevés bancaires et titres de propriété, sont toujours manquants. Face à ces éléments, la magistrate a conclu que la remise en liberté conditionnelle de l’accusé compromettrait l’intégrité de l’enquête. L’ACP Deal devra donc rester en détention au Moka Detention Centre jusqu’à sa prochaine comparution.

Silence, stratégies et Interdiction Order

Depuis son incarcération, Lilram Deal adopte une posture de réserve face aux enquêteurs. Il invoque son état de santé et se retranche derrière les dispositions de l’Official Secrets Act pour éviter de répondre à des questions portant sur les circuits financiers et l’identité de ses informateurs au sein de la CTU. Cette attitude entrave le travail de la FCC, qui s’efforce d’établir le modus operandi du décaissement de ces fonds, notamment après la saisie record d’héroïne en 2022 dans le Nord du pays.

En parallèle, la carrière de l’ACP Deal semble définitivement compromise. Il a été suspendu de ses fonctions à la suite d’un Interdiction Order émis après son passage en Cour. Ce qui enterre également ses espoirs de bénéficier de ses droits à la retraite.

Des ramifications au sein des Casernes centrales

Le scandale ne s’arrête pas à l’ACP Deal. D’autres officiers de haut rang, dont certains proches de l’ancien pouvoir politique, sont dans le viseur de la FCC. L’un d’eux, qui aurait perçu Rs 500 000 via le même système de récompenses, aurait négocié une prolongation de service jusqu’à novembre alors qu’il devait prendre sa retraite en avril. Si des accusations formelles sont retenues contre lui, il pourrait, à l’instar de Deal, être suspendu et perdre ses droits à la retraite.

Deux autres officiers, ayant défié dans le passé l’autorité du Directeur des Poursuites Publiques sous l’ancien commissaire Anil Kumar Dip, seraient également cités dans cette affaire. Leur convocation ‘under warning’ est imminente, mais conditionnée à la réception de documents bancaires et fonciers.

La suite de l’enquête

La FCC a sollicité la collaboration d’une concession automobile pour retracer l’achat du véhicule saisi. Elle s’attache également à établir si les procédures de ‘due diligence’’ prévues par la Financial Intelligence and Anti Money Laundering Act ont été respectées.

Dans les jours à venir, les enquêteurs espèrent obtenir les documents manquants pour pouvoir confronter les déclarations de Lilram Deal à des éléments tangibles. En attendant, l’affaire continue de secouer les Casernes centrales et pourrait bien ébranler davantage encore les fondations de l’appareil sécuritaire de l’État.