[Affaire Steve Jacquelin Juliette] Contre-autopsie : Les conclusions très attendues

Photo : Défimédia

Le jeudi 24 avril 2025, le corps de Steve Jacquelin Juliette, décédé en janvier 2023 à l’âge de 36 ans après son interpellation par la brigade antidrogue, a été exhumé au cimetière de Poudre-d’Or pour une contre-autopsie. Cette procédure exceptionnelle a été ordonnée par la magistrate Neela Ramdewor-Naugah à la demande du Bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), dans le but d’éclaircir les circonstances exactes du décès.

Un important dispositif de sécurité, incluant la police et la Special Mobile Force, a encadré l’opération. Étaient également présents Me Nataraj Muneesamy, représentant du DPP, ainsi que plusieurs membres de la famille du défunt et leurs avocats.

Pour mener la contre-autopsie, le DPP a sollicité le Dr Pierre Perich, médecin légiste français à la réputation internationale. « Nous avons fait beaucoup d’efforts pour faire venir un expert compétent à Maurice », a indiqué Me Muneesamy. Chercheur associé à l’université Aix-Marseille, le Dr Perich est également expert auprès de la Cour pénale internationale, du Comité international de la Croix-Rouge, de la gendarmerie nationale française et des Nations Unies. « Son expérience et ses qualifications ont motivé notre décision », a-t-il ajouté.

Il sera assisté dans cette démarche par le professeur sud-africain Gert Saayman, mandaté par la police en tant qu’observateur. Le corps a été transféré à l’hôpital du Nord, où l’autopsie a été pratiquée. Les résultats seront présentés devant le tribunal de Pamplemousses le mercredi 30 avril.

Une version officielle remise en question

Steve Jacquelin Juliette, habitant de Goodlands, est décédé le 5 janvier 2023 après son arrestation dans le cadre d’une affaire de stupéfiants. Selon la police, il aurait résisté à son interpellation. Mais plusieurs témoins contredisent cette version. « Nous l’avons vu se faire frapper ce jour-là, mais nous n’avons rien pu faire. Son tee-shirt était couvert de sang », relate sa sœur. Une autre membre de la famille ajoute : « Il doit reposer en paix. Mais on a dû l’exhumer. Nous n’avions pas le choix, nous voulons des réponses de la justice. On savait qu’il était mort sous les coups, mais on n’avait pas de preuve. »

La première autopsie, conduite par le Chief Police Medical Officer, le Dr Sudesh Kumar Gungadin, assisté des Drs Monvoisin et Chamane, avait conclu à une occlusion coronarienne aiguë d’origine naturelle. Un diagnostic que la famille a toujours contesté.

En novembre 2024, l’affaire a connu un rebondissement majeur. Un lanceur d’alerte anonyme, connu sous le pseudonyme de Missié Moustass, a diffusé des enregistrements audio dans lesquels des hauts responsables discuteraient de la nécessité « d’étouffer l’affaire ». Bien que ces enregistrements ne constituent pas des preuves formelles, ils ont suffi à relancer la procédure judiciaire. « Après les révélations de Missié Moustass, nous avons repris espoir. Cela nous a donné la force d’aller plus loin », confie une sœur du défunt.

Pour Me Anoup Goodary, cette affaire dépasse le seul cadre familial. « C’est triste de voir la famille Juliette traverser une telle épreuve. Il est regrettable qu’on doive exhumer un corps deux ans après son enterrement, simplement pour obtenir justice. Pourquoi en est-on arrivé là ? Les responsables ne doivent-ils pas répondre de leurs actes ? Notre combat est celui d’une île Maurice plus juste, plus intègre. »

Les conclusions du Dr Perich, très attendues, pourraient marquer un tournant décisif dans cette affaire, devenue symbole d’une lutte plus large pour la vérité, la transparence et le respect des droits humains à Maurice.