Afzal Hussein : L’homme derrière le groupe Plaine-Verte sur FB

Sa mission : faire revivre l’histoire de ce quartier port-louisien

Plaine-Verte, un quartier vivant, un patrimoine chargé d’histoire. Et pour faire connaître et revivre cette histoire et les personnalités qui l’ont marquée, un homme se démarque, se démène et se dévoue à cette cause. Il s’agit de Sheik Afzal Hussein. Marié et père de deux enfants, ce quinquagénaire s’est fixé comme objectif de promouvoir la Plaine-Verte à travers un groupe portant le nom de cet endroit sur Facebook. Une page qui ne laisse pas insensible, attirant des membres de tout âge et communauté, incluant les émigrés. Elle ressemble, bien souvent, à une archive retraçant l’histoire et le parcours de Plaine-Verte à différentes époques. Un trésor inestimable pour ceux qui ont soif d’apprendre ou simplement ceux qui veulent se remémorer du bon vieux temps. Bref, une plateforme de découverte qui émerveille son audience.

Avant le succès que connait ce groupe auprès des habitants de Plaine-Verte, pas grand monde pouvait prétendre connaître Afzal Hussein. S’il s’est forgé un nom, c’est grâce à la page qu’il a créée. Il l’avoue d’ailleurs en toute modestie. Cette idée, il ne l’a pas eue sur un coup de tête. Dès sa jeunesse, il caressait l’espoir de pouvoir un jour revaloriser la Plaine-Verte. « Je me souviens quand j’étais jeune et quand j’étais à la recherche d’un emploi dans les années 80-90, on me refoulait parce que je venais de la Plaine-Verte. Cet endroit était stigmatisé à l’époque. Je m’étais promis qu’un jour, je ferais de sorte de projeter ses vraies valeurs et de lui donner ses lettres de noblesse », nous avoue-t-il. Pourtant, il n’était pas né à Plaine-Verte. « À ma naissance, ma famille habitait à Vallée des Prêtres. Elle a déménagé pour trouver refuge à Plaine-Verte durant la bagarre raciale et depuis, c’est ici qu’on s’est établie », poursuit-il. Il n’avait alors qu’un an.

Plus de quatre décennies plus tard, soit en 2016, Afzal Hussein, désormais ‘Graphic Designer’, décide, avec l’appui des nouvelles technologies, de créer une page Facebook pour accomplir son souhait le plus ardent : celui de faire connaître la Plaine-Verte d’antan, projetant ainsi une autre facette de cette localité que la jeune génération n’a pas connue. « La Plaine-Verte est imprégnée d’histoires. Il y a de nombreuses personnalités qui ont grandi et vécu ici, comme le Dr Ramgoolam ou encore Cassam Uteem », précise-t-il, concédant qu’il peut compter sur le soutien et la collaboration de certaines personnes, dont des historiens, pour promouvoir le côté historique et culturel de cette région port-louisienne. Il dit d’ailleurs constater un engouement pour les photos de la Plaine-Verte d’autrefois. Graduellement, nous dit-il, cette plateforme a également permis à de nombreuses personnes de retrouver leurs amis ou leurs proches longtemps perdus de vue.

D’une dizaine de membres depuis sa création en 2016, le groupe compte aujourd’hui environ 29 000 membres. Il a connu un bond spectaculaire de popularité durant le premier confinement. Ce dont se réjouit l’administrateur de la page, bien qu’il ne s’agisse pas, selon lui, d’une tâche facile pour modérer les publications et les commentaires et de répondre aux messages en privé. « On doit filtrer presque une centaine de ‘posts’ par jour. Il y a beaucoup d’entre eux qui ne sont pas appropriés pour diverses raisons, soit parce qu’ils sont des publicités, soit ils ne se focalisent pas sur le sujet qu’est Plaine-Verte, entre autres », confie Afzal Hussein qui concède néanmoins que c’est la preuve de l’intérêt que portent les internautes à ce groupe. Il dit être conscient des critiques que ce filtrage entraînent, mais soutient qu’il n’a d’autre choix que de rester ferme à l’idéologie que prône le groupe. « J’accepte des critiques constructives, mais je ne tolère pas les insultes et les humiliations. Ce n’est pas une plateforme où on dénigre les gens. Je suis intransigeant dans ce genre de cas », martèle notre interlocuteur.

Fédérer et non diviser

D’ailleurs, il précise qu’il se fait un devoir de conserver la neutralité du groupe en ce qui concerne la politique ou la religion. « Ce sont des sujets qui divisent. Il ne faut pas oublier qu’il y a des divergences de vue et d’opinions concernant la politique et qu’au niveau de la religion, il y a différentes écoles de pensée alors mon objectif, c’est de rassembler et de fédérer les habitants de cette région derrière une seule cause : l’histoire, la culture, le bien-être et la reconnaissance de Plaine-Verte, tout en rendant hommage aux aînés, travailleurs sociaux et professionnels de l’endroit », insiste Afzal Hussein. Il rejette aussi des sollicitations malveillantes, bien que les ‘posts’ de ceux en difficulté et qui recherchent l’aide des habitants de la région sont autorisés. Ce qui a permis à de nombreux membres de résoudre divers problèmes, se félicite l’administrateur du groupe.

Le fruit de sa passion, il le savoure pleinement quand il est félicité pour le bon travail qu’il accomplit. « Certes, il y a aussi beaucoup de critiques. Mais je tiens bon. Si mo ti envi servi groupe la pou vine famous, mo ti pou met mo foto tous les semaines, mais mo pas fer sa », balaie-t-il d’un revers de la main. Mais pourquoi ne projette-t-il pas suffisamment le parcours des femmes issues de l’endroit sur sa page ? À cette question, Afzal Hussein nous répond que les femmes sont toujours timides quand elles sont sollicitées. Face à notre étonnement, il maintient que les femmes hésitent de se mettre à l’avant-plan. « Bane madam bizin change sa mentalité la. Je lance un appel à toutes celles qui veulent figurer dans la ‘Photo of the Week’ de me contacter », réagit-il promptement. Mais il s’empresse de se féliciter lorsqu’on lui fait remarquer que d’autres groupes lui ont emboîté le pas pour promouvoir d’autres quartiers port-louisiens sur Facebook. « Cela me fait chaud au cœur », dit-il, non sans fierté.

Afzal Hussein se donne à fond dans la promotion et le développement de son groupe pour mieux le faire connaître auprès des internautes. Il dit ainsi accueillir des suggestions visant à améliorer le contenu et la qualité de la page. Son désir, avoue-t-il, c’est que cet objectif qu’il s’est fixé se poursuive. « J’aimerai que le groupe s’agrandisse et qu’il reste vivant, même après ma mort. Ma fille m’aide pour administrer la page, mais elle vit en France », admet-il. Ce qui n’aide pas à la concrétisation du projet qu’il a en tête : celui de pouvoir éventuellement créer une association pour venir en aide aux habitants de la région. Une tâche qu’il ne peut accomplir seul. « Mo souhaiter ki bane jeunes et mo garçon osi kapave prend la relève et ki zotte aide pou matérialise mo souhait pou créer sa association la pou ki dimoune dans l’endroit pas manque nanrien ». Voilà une nouvelle mission dont il s’octroie…

Zahirah RADHA