Allègement du cursus scolaire : Un exercice de ‘dumbing down’ du ministère ?

Un exercice d’allègement du cursus scolaire effectué par le ministère de l’Éducation est actuellement en cours. Cela concerne ‘Science et ‘Histoire Géo’ pour les grades 6 et 7. Or, cela soulève une désapprobation dans le secteur de l’éducation… En effet, certaines parties prenantes dans ce secteur n’hésitent pas à affirmer qu’on est en train d’alléger le fardeau pour qu’il y ait un pourcentage plus élevé de ‘Pass’ et pour qu’on puisse ensuite venir dire que le système éducatif mauricien porte ses fruits. Or, cette pratique, connue comme le ‘dumbing down’, peut se révéler néfaste pour l’avenir de nos enfants.

Munsoo Kurrimbaccus, UPSEE : « On ne fait que transférer le problème »

Munsoo kurrimbaccus Munsoo Kurrimbaccus, de l’UPSEE, déplore qu’on a étendu le calendrier scolaire pour que les écoliers aient plus de temps pour bien compléter leur syllabus mais que de l’autre côté, on a éliminé des chapitres.

Il fait savoir que les enseignants,  eux, avaient depuis le début demandé le contraire : alléger le cursus scolaire, ne pas étendre le calendrier scolaire.

Il va même plus loin : « Ces changements sont effectués afin de faire réussir encore plus d’élèves, pour qu’on puisse ensuite venir dire par la suite qu’il y a eu une amélioration dans les résultats des élèves du PSAC. »

Commentant  le fait que les chapitres qui seront éliminés dans le primaires vont être enseignés au niveau du grade 7, il dénonce : « On ne fait que transférer le problème et le renvoyer pour plus tard. Ce n’est pas bon du tout pour le secteur de l’éducation. »

Depuis le début, il y a eu une mauvaise planification de la part du ministère, selon lui. Il maintient qu’il faudrait avoir une bonne planification et dénonce « l’amateurisme extraordinaire de la part du ministère ».

Il fustige le fait que les officiers du ministère ne savent même pas quelle direction prendre. Ils se contentent de réagir quand les problèmes surgissent. Qui plus est, ces décisions ne sont pas prises en consultation avec les pédagogues et les parties prenantes dans le domaine. Après ce processus de ‘decision-making’ qui laisse à désirer, ce n’est qu’à la fin que les enseignants sont mis au courant des décisions prises, ce qui n’est pas correct. « L’éducation est une chose sérieuse. Nous ne pouvons nous permettre de jouer avec l’avenir de nos enfants », assène-il.

Faizal Jeerooburkhan : « Une décision complètement illogique »

Faizal Jeerooburkhan, pédagogue, nous dit d’emblée : « Je ne pas comprends pas du tout la logique de cette décision ». Il indique la contradiction : le ministère a réduit les chapitres de certains sujets et en même temps, le calendrier scolaire a été augmenté. « Vous pouvez me dire qu’elle est l’utilité d’alléger le syllabus et en même temps étendre le calendrier scolaire ? », nous demande-t-il.

L’éducation est dynamique, et non pas statique, nous fait-il comprendre. De ce fait, tous les ans, l’éducation doit être améliorée. « Les jeunes de la nouvelle génération doivent apprendre plus que les générations d’avant, surtout qu’on vit dans une société de plus en plus complexe, et la connaissance dans le monde augmente à une vitesse incroyable. Et non pas l’inverse », affirme t-t-il d’un ton amer.

De ce fait, le pédagogue explique que chaque nouvelle génération doit apprendre plus mais au lieu de ça, on peut voir que les nouvelles générations apprennent moins que celles du passé. D’année en année, le ministère de l’Éducation enlève des chapitres du cursus scolaire sous le prétexte de « deloading ». « Je ne comprends pas pourquoi il faut faire du ‘deloading’ ? Toute l’information que cherche l’étudiant se trouve sur Internet, sur des sites éducatifs. Je ne trouve pas la nécessité de faire du ‘deloading’ », explique Faizal Jeerooburkhan.

Le pédagogue formule une hypothèse qui explique la raison derrière ce changement. « Le gouvernement voit que le système éducatif ne marche pas comme il faut, c’est-à-dire le taux de ‘Pass’ a diminué à tous les niveaux dans le secteur de l’éducation et cela reflète mal le niveau du système de l’éducation dans son ensemble. De ce fait, le ministère de l’Éducation diminue les chapitres dans certains sujets. On va peut être revoir le système d’examens, notamment les façons de poser les questions, entre autres. Si c’est le cas, c’est indubitablement pour augmenter le taux de ‘Pass’ pour dire que voilà, le système a aidé pour changer les résultats en mieux. Tout ce processus est bancal et dangereux. »

Faizal Jeerooburkhan explique que dans les autres pays, le système éducatif est en train de changer pour atteindre un plus haut niveau alors que le nôtre connait une régression. Il dit ne pas comprendre ce système mais cela fait toujours peur car c’est l’avenir de nos enfants qu’il s’agit.

« Le ministère de l’Education met l’emphase sur le contenu alors que ce devrait sur la pédagogie. C’est-à-dire qu’il faut montrer aux enfants comment apprendre : comment rechercher l’information, comment sélecter l’information, comment distinguer entre les informations qui sont vraies et celles qui sont fausses », explique-t-il.

En outre, il souhaite que les enfants doivent avoir l’opportunité d’apprendre ce qu’ils veulent apprendre, par exemple l’astronomie, entre autres. Mais chez nous ce n’est pas le cas, bien au contraire ! Les enfants sont restreints à ce qu’ils apprennent, et le système d’éducation ne les aide pas à devenir des ‘life-long learners’, se désole Faizal Jeerooburkhan.

Vinod Seegum, GTU

« C’est là une pratique courante »

Vinod SeegumLe délégué du Government Teacher’s Union (GTU), Vinod Seegum, essaie quant à lui de relativiser.

Il affirme que c’est là une pratique courante dans ce secteur : après une période de deux ou de trois ans, le MIE sonde tous les enseignants du primaire pour revoir le cursus scolaire.

Il explique qu’en tant qu’enseignant, il a lui-même, dans le passé, recommandé l’élimination ou l’allègement de certains chapitres de certains sujets au niveau du primaire, car il y avait un consensus parmi beaucoup d’enseignants dans le primaire que ces chapitres étaient très difficiles pour les écoliers. Il se rappelle ainsi des anciens questionnaires qui contenait des chapitres tellement difficiles que même les enseignants n’arrivaient pas à les comprendre. De ce fait, ces questionnaires peuvent avoir un impact sur les écoliers. Il nous affirme que pas plus tard que l’an dernier, des chapitres avaient déjà été enlevés pour certains sujets. « Ceux qui compilent ces bouquins ne sont pas des enseignants. Ce sont des personnes qui n’ont pas d’expérience dans le domaine de l’enseignement, ce qui fait qu’il y a tant de chapitres difficiles », explique-il.

Aussi, des chapitres ont aussi été ajoutés au syllabus de ‘Science’ ou d’Histoire Géo’. Toutefois, il dit que certaines choses qui ont été ajoutées sont « farfelues », ce qui n’est évidemment pas dans l’intérêt des enfants.

Il se dit plutôt contre l’élimination complète des chapitres et se prononce plutôt pour l’allègement des chapitres, en gardant uniquement les choses basiques.

Hors-Texte 

Nous avons essayé d’avoir de plus amples clarifications au niveau du ministère de l’Éducation mais un préposé du service de presse nous a fait comprendre que d’ici la semaine prochaine le ministère va faire le nécessaire pour répondre à nos questions. Nous y reviendrons.

Neevedita Nundowah