La crise de covid-19 nous a fait prendre conscience de plusieurs enjeux. Premièrement, que le pays dépend beaucoup des importations. Deuxièmement, qu’une crise comme la pandémie de covid-19 peut bouleverser à n’importe quel moment nos approvisionnements de l’étranger. Et finalement, dans ce contexte, nous avons aussi pris conscience de l’importance de la production locale d’aliments. Pourquoi importer quand on peut produire localement ? Mais pour cela, il faudrait une volonté réelle du gouvernement et des entreprises, sans parler des citoyens eux-mêmes.

L’emphase doit être mise sur la production alimentaire locale

Selon l’économiste Pierre Dinan, « Le moment est venu de produire beaucoup plus localement. Et ce n’est pas seulement une question de produire localement mais il faut aussi acheter localement. On a l’impression que les Mauriciens choisissent plus les produits importés que ceux produits localement quand ils partent au supermarché », indique-t-il.

Selon lui, l’emphase doit être mise sur la production locale des aliments car la covid-19 nous a fait réaliser que le coût du fret devient de plus en plus cher, entre autres. L’économiste fait ressortir qu’on ne produit pas assez de légume à Maurice. En outre, bien qu’on soit entouré par une zone maritime étendue, on ne pêche pas assez de poissons, et on dépend des compagnies maritimes d’autres pays pour être approvisionnés en poissons et autres produits de la mer.

Que ce soit pour la production agricole locale ou pour la pêche, Pierre Dinan souligne qu’il faut avoir le financement nécessaire, mais qu’il faut aussi une volonté du gouvernement, des entreprises et des citoyens.

Prenant comme exemples la pandémie de covid-19 et les récentes émeutes en Afrique du Sud, il fait ressortir  qu’à n’importe quel moment, il peut y avoir une crise dans d’autres pays qui peut bouleverser nos importations de produits essentiels. « Il faudrait des lors qu’on commence à produire localement ce qu’on peut faire dans le pays, et cela le plus tôt possible. Toutefois, on devrait produire des produits de qualité, pour que la population ne vienne pas se plaindre que les produits importés sont meilleurs ».

Pierre Dinan devait aussi avertir qu’il ne faudrait pas qu’il y ait un ‘profiteering’ exagéré des commerçants aux dépens des consommateurs en ce qui concerne la production locale.

Nous ne sommes pas à l’abri des perturbations mondiales

Pour l’économiste Manisha Dookhony, depuis le début de la pandémie de covid-19, il y a eu d’énormes perturbations de la chaîne d’approvisionnement. L’économiste fait ainsi rappeler que quand les usines en Chine ont dû fermer début 2020, beaucoup de produits avaient été bloqués. « Comme notre économie est ouverte vers le monde, nous ne sommes pas à l’abri de ce type de perturbations », met-elle en garde.

Avec le premier confinement, il y a eu un grand élan et une prise de conscience qu’il fallait soutenir l’industrie locale. Elle plaide ainsi pour qu’une stratégie soit élaborée en ce qui concerne la production locale. « Les labels du genre ‘Made in Moris’, par exemple, sont un pas dans la bonne direction », dit-elle, quoiqu’il y ait encore beaucoup de chemin à faire.

« Il faudrait voir comment faire pour que les prix des produits fabriqués à Maurice deviennent compétitifs et il faudrait aussi voir comment positionner nos produits sur de nouveaux marchés, tel que l’Afrique ou encore la Chine », déclare-t-elle.

Eric Ng ajoute pour sa part que cela fait longtemps que l’on parle d’encouragement de la production locale, notamment en matière alimentaire. « Il y a Landscope qui a mis sur pied le ‘Landbank’, mais on ne voit pas beaucoup de personnes qui viennent demander un terrain pour planter. Est-ce qu’il y a un manque d’incitation ? C’est peut-être parce qu’il n’y a pas la même marge de profit par rapport à l’immobilier. On doit trouver les moyens d’encourager les industriels à se tourner vers la production des produits alimentaires », dit-il.

Eric Ng soutient qu’aujourd’hui, il peut y avoir un ‘yield’ important en ce qui concerne la production d’alimentaire, vu l’apport de la technologie, et vu que de nos jours, la production agricole dépend beaucoup de la technologie.

« Qu’est-ce qu’il va se passer si jamais une crise se produit dans un des pays sur lequel nous dépendons beaucoup pour nos importations ? », s’’interroge-t-il.  L’économiste indique qu’on doit ainsi rester ouvert à tous les pays pour mieux garantir notre approvisionnement.

Plusieurs problèmes entravent la production locale alimentaire

Krepalloo Sunghoon, le président de la Small Planters Association (SPA),devait affirmer d’emblée que la sécurité alimentaire du pays est extrêmement importante, vu que nous ne produisons pas tout ce que nous consommons à Maurice.

Selon lui, avec la pandémie de covid-19 et les aléas climatiques, notre production de produits alimentaires a chuté. Il devait expliquer qu’on doit empêcher cette production de produits alimentaires de baisser davantage.

Quels sont les problèmes qui entravent la production locale agroalimentaire ? Krepalloo Sunghoon devait expliquer que la communauté des planteurs vieillit tandis que les jeunes ne veulent pas se retrousser les manches dans les plantations. Il faudrait ainsi voir à ce que la production agricole locale soit profitable pour attirer les jeunes dans ce secteur, selon lui. Outre le problème de main d’œuvre dans le secteur agricole, les vols sur les plantations commencent à prendre des proportions alarmantes.

Une stratégie de production devra être définie

Krepalloo Sunghoon devait dire qu’il faudrait développer une stratégie de production qui devra définir les objectifs suivants, entre autres : Qui produira quoi ? Où produire ? Avec quelle méthode de production ?

Il avait suggéré au ministre des Finances dans le contexte du dernier Budget de mettre sur pied des ‘think tanks’ qui réfléchiront sur des questions cruciales telles que la sécurité alimentaire et l’autosuffisance, ce qui serait un bon point de départ. En outre, il faudrait un ‘Monitoring Committee’, qui évaluera périodiquement les objectifs et l’orientation de la stratégie adoptée.

Un autre point qu’il faudrait prendre en considération, c’est le budget des consommateurs. « Il faudrait que l’on puisse produire des produits alimentaires à des prix abordables et de qualité », devait-il dire.

Pour Krepalloo Sunghoon, il faudrait investir massivement dans la mécanisation du secteur agricole pour booster notre productivité. Selon ses estimations, avec une bonne stratégie, Maurice pourra produire jusqu’à 30 % de ce qu’elle consomme.

Il devait aussi mettre en avant le concept de ‘community garden’, où les familles pourraient planter elles-mêmes certains légumes, ce qui leur permettra de réaliser des économies. Outre la production locale, Il faudrait ainsi accorder au secteur de la distribution toute son importance car la chaine de distribution a été sévèrement mise à mal par la covid-19. Krepalloo Sunghoon devait aussi dire que Maurice doit aussi se tourner aussi vers les industries de transformation (‘processing’) des produits agricoles. Il suggère des centres de ‘processing’ à Maurice, où les planteurs pourraient y apporter leurs produits.

Hors-texte

Nos importations en chiffres

Pour le premier trimestre 2021, les exportations totales ont été évaluées à Rs 17 353 millions, contre des importations totales de Rs 44 390 millions. Les exportations totales et les importations totales ont diminué de 10,9% et 6,3% respectivement par rapport au trimestre précédent.

Les exportations totales pour l’année 2021 sont estimées à environ Rs 75 000 millions et les importations totales seront d’environ Rs 180 000 millions.

Le déficit commercial pour 2021 devrait être d’environ Rs 105 000 millions par rapport à Rs 95 944 millions en 2020.

Nos principaux marchés d’importation

Au cours du premier trimestre 2021, nos importations provenaient de cinq pays principaux, à savoir : la Chine (16,8 %), l’Inde (12,0 %), les Émirats arabes unis (11,4 %), l’Afrique du Sud (7,7 %) et la France (7,7 %).

Parmi les continents, l’Asie était notre principal fournisseur, avec une part de Rs 24 371 millions, représentant 54,9 % des importations totales, suivie de l’Europe, avec une part de Rs 11 293 millions, représentant 25,4 % des importations totales et de l’Afrique, avec une part de Rs 5 402 millions, soit 12,2 % des importations totales.

Par rapport au premier trimestre de 2020, les importations totales en provenance de Chine, d’Inde, de France et d’Afrique du Sud ont augmenté respectivement de 34,5 %, 26,7 %, 24,6 % et 6,7 %.