Amendements ennuyants, agaçants, angoissants

Il fut un temps où l’actuel Attorney General était un ardent défenseur de la liberté d’expression et de la presse. Il fut un temps où cet ancien chargé de cours en « Media Law and Ethics » à l’Université de Maurice (UoM) luttait en faveur d’une « Freedom of Information Act ». Il fut un temps où l’avocat Maneesh Gobin défendait bec et ongles la dépénalisation de la diffamation criminelle. Mais tout cela remonte au temps, pas trop lointain, où il se trouvait dans l’opposition. Maintenant qu’il est décideur politique et conseiller légal du gouvernement, il se retrouve désormais sur l’autre côté du camp, abandonnant ses convictions – à moins qu’il ne fût pas sincère dans ses démarches – et défendant des amendements indigestes visant à faire courber l’échine des internautes trop critiques envers le gouvernement. Ce même bougre, pour ne pas dire ‘cholo’ au risque de le froisser, a trouvé un moyen super efficace pour casser les reins (pour reprendre une expression chère au Premier ministre) des Facebookers, mais aussi des journalistes indépendants. Car il suffit désormais que quelqu’un se sent agacé par une publication en ligne pour qu’il puisse entamer des poursuites contre son auteur.

La presse n’est pas épargnée non plus par ces nouveaux amendements apportés à l’ICT Act. Ceux-ci nous pèsent dorénavant comme une épée de Damoclès sur la tête. Or, au lieu de réunir toute la presse pour en parler, Maneesh Gobin a choisi de s’expliquer uniquement devant deux journalistes et un modérateur. Si les questions étaient complaisantes, les explications, elles, n’étaient nullement convaincantes. Bref, la population est restée sur sa faim sur ce sujet d’intérêt national. D’ailleurs, l’on digère mal cette ségrégation de la presse. Le motif, nous semble-t-il, était bien clair. Puisqu’il ne s’agissait en fait que d’un exercice de com visant à berner la population. Tout comme elle l’avait été durant les dernières élections générales quand on lui avait promis l’introduction d’une « Freedom of Information Act » ou l’avènement de la télévision privée. Mais au lieu d’ouvrir l’espace médiatique et donner libre accès à l’information, le gouvernement de Pravind Jugnauth, aidé par Maneesh Gobin, fait exactement le contraire en cherchant à museler la presse. C’est là un des principaux objectifs du régime en place. Toutes les autres excuses ne tiennent pas la route puisque des lois visant à protéger les droits des citoyens existaient déjà.  

À y voir plus près, ces amendements pourraient aussi se retourner contre le gouvernement lui-même. Nos élus, dont ceux qui aiment bien nous « pisser » dessus ou encore ceux qui aiment traiter leurs adversaires de « cholo », gagneraient à bien se tenir. Ceux se sentant agacés par de tels propos, une fois qu’ils soient mis en ligne, peuvent bien s’en remettre à la justice. Nos dirigeants pourraient ainsi, contre toute attente, être pris dans leur propre filet…