Après les extravagances,l’austérité

Le réveil est brutal à l’hôtel du gouvernement. Après avoir pratiquement dilapidé les caisses de l’État durant ces dernières années, le chef du gouvernement réalise subitement que la situation économique est difficile et qu’il lui faut adopter une politique d’austérité. Bien entendu, Pravind Jugnauth tient le Coronavirus responsable de cette situation. C’est l’excuse parfaite pour appeler la population à se serrer la ceinture, quoi !  Oui, la nouvelle pandémie, qui a déjà fait plus de 3 000 morts à travers le monde, représente une réelle menace pour notre économie. Tout le monde en a conscience et nous ne dirons pas le contraire. Mais il ne faut surtout pas croire que c’est le Coronavirus seul qui est à blâmer si nos indicateurs clignotent dangereusement.

Notre économie avait déjà commencé à sombrer dans un état comateux, surtout depuis les trois dernières années. En cause: des gaspillages tous azimuts, le coût faramineux des projets dont la viabilité reste douteuse, des dépenses mirobolantes dans des opérations de séduction et de coupe-rubans et surtout des bribes électoraux pour appâter l’électorat. Le seul responsable n’est nul autre que Pravind Jugnauth lui-même. « Mo fer kumadire sa l’argent là, li mo l’argent sa », a-t-il dit lors d’une fonction à Baie du Tombeau durant la semaine. C’est exactement ça qu’il a fait. Car il n’a pas hésité d’utiliser cet argent, qu’il considère être le sien, pour arriver à ses fins. Plus précisément celles d’être reconduit au pouvoir. Peu importe le prix.

En dépit des avertissements des économistes et de l’opposition, Pravind Jugnauth, en tant que Premier ministre et ministre des Finances d’alors, a préféré faire la sourdre oreille, prétextant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Des largesses, il s’en est permis à la pelle. Comme en témoignent les nombreuses promesses faites à la veille des élections sans qu’il ne prenne en considération les préoccupations économiques. Parallèlement, rien n’a été fait pour réduire les énormes gaspillages des fonds publics, comme l’attestent les différents rapports de l’Audit. Au lieu d’une gestion rigoureuse des finances de l’État, il s’en est donné à cœur joie pour distribuer des « cadeaux » à gauche et à droite sans se soucier des conséquences qui en découleraient. Pire, il a continué à endetter le pays de façon vertigineuse, quitte à puiser ensuite des réserves de la Banque centrale pour rembourser les dettes.

Maintenant que les élections sont derrière nous et qu’il est à l’entame d’un second mandat, il fallait impérativement qu’il serre la vis. D’autant que les investisseurs peinent à montrer le bout de leur nez. « Je dirais que c’est l’année de tous les dangers. C’est la première année d’un nouveau gouvernement et c’est là qu’il devra faire ses preuves en montrant sa vision. Ce sont les mesures qu’il prendra durant cette année qui détermineront l’avenir de notre économie pour les cinq prochaines années », nous disait l’économiste Eric Ng Ping Cheun au début de cette année. Il avait vu juste. Pravind Jugnauth vient, lui, de le découvrir. Tant mieux. Qu’il élabore maintenant un véritable plan d’action, outre la réduction des dépenses courantes qu’il a annoncée durant la semaine, pour nous tirer d’affaire sans que nos porte-monnaie n’en souffrent trop et pour que notre économie, déjà fragile, n’en pâtisse davantage.