Arshad Jan Pathan, Haut-commissaire du Pakistan à Maurice « Les possibilités coopération sont énormes »

« Nous allons œuvrer pour que la prochaine conférence puisse être tenue à Maurice »

En marge du 75ème anniversaire de l’indépendance du Pakistan qui est célébré aujourd’hui, dimanche 14 août 2022, le haut-commissariat pakistanais basé à Floréal organise, du 2 au 8 septembre, une ‘Pakistan Week’. Un événement qui se veut exceptionnel. Le Haut-commissaire Muhammed Arshan Jan Pathan nous en parle dans l’entretien qui suit. Ce qui a aussi été une occasion pour nous d’évoquer ses priorités pour Maurice sur le plan des relations diplomatiques et bilatérales.

Zahirah RADHA

Q :  Maurice a eu le privilège de vous accueillir pour votre première affectation en tant que Haut-commissaire du Pakistan chez nous. Comment votre mission se présente-t-elle ?

C’est effectivement la première fois que j’occupe des fonctions d’ambassadeur. Je suis en poste à Maurice depuis le 4 janvier 2022. J’ai auparavant assumé des responsabilités diplomatiques en Russie, au Royaume-Uni et aux Émirats arabes unis (EAU), entre autres. Dans un sens, c’est moi qui ai choisi de venir ici, ayant déjà occupé les fonctions de directeur général à la division africaine au ministère pakistanais des Affaires étrangères. Je faisais d’ailleurs partie de l’équipe qui avait élaboré l’‘Engage Africa Policy’. Ce qui avait nécessité des recherches approfondies sur nos relations avec l’Afrique et les pays africains. Je suis très chanceux d’avoir été posté ici pour promouvoir nos intérêts communs.

Q : Quels sont ces intérêts communs au juste ?

Nos intérêts résident dans la promotion et le renforcement de nos relations économiques, dont l’investissement et le commerce. Il n’y a aucune raison qui pourrait expliquer pourquoi le commerce entre nos deux pays ne s’est pas amélioré depuis les cinq à dix dernières années. Nous avons, au Pakistan, tout ce que Maurice importe ailleurs à travers le monde. D’autant que nous ne sommes pas du tout en compétition avec un pays ou un bloc quelconque, que ce soit sur le plan économique ou autre. Le Pakistan est très désireux à améliorer et consolider nos relations existantes.

Q : Maurice figure-t-il dans la stratégie pakistanaise connue comme l’‘Engage Africa Policy’ ?

Tout à fait. Cette stratégie que le Pakistan a introduite en 2019 vise à tirer le maximum de bénéfices des opportunités existantes en Afrique, et que nous n’avons jamais vraiment exploré. Nous nous étions limités uniquement à quelques pistes de coopération auparavant. L’‘Engage Africa Policy’ est une stratégie dynamique qui inclut des discussions au niveau politique pour voir comment le Pakistan peut davantage s’engager auprès des pays africains pour booster les relations économiques des pays concernés. Je ne parle pas uniquement des exportations du Pakistan vers l’Afrique, mais aussi les possibilités d’importations de l’Afrique, incluant Maurice. Cette stratégie est soutenue par un plan d’action concret qui vise à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Q : Quel a été le ‘response’ au niveau des autorités africaines ?

L’un des objectifs du ‘Engage Africa Policy’ consiste à accroître le nombre de missions diplomatiques que nous avons sur le continent africain. Rien que l’année dernière, cinq nouvelles ambassades pakistanaises ont vu le jour sur le continent africain. Le nombre de nos ambassades dans la région africaine est ainsi passé de 15 à 20. Nous comptons l’augmenter davantage tous les trois ou quatre ans. C’est le résultat qui découle d’une volonté politique au niveau des gouvernements africains pour faciliter notre présence dans la région.

L’‘Engage Africa Policy’ a aussi entrainé une hausse de 15% au niveau du commerce sur le continent africain. Ce qui est, à mon avis, une hausse considérable. Durant ma mission à Maurice, je me concentrerai à organiser des foires commerciales et des expos ainsi qu’à faciliter les échanges de délégations, y compris au niveau de l’État. Nous aimerions que le président de la République et le Premier ministre mauricien visitent le Pakistan. Ce qui renforcera nos liens diplomatiques et bilatéraux. 

Q : Vous affirmez que le commerce sur le continent africain a connu une hausse de 15%. De ces 15%, quel pourcentage est-il attribué à Maurice ?

L’économie mondiale a beaucoup souffert durant ces trois dernières années en raison de la Covid-19. Il n’y a donc pas eu de hausse conséquente en ce qu’il s’agit du commerce avec Maurice. Notre priorité, c’est de promouvoir les opportunités commerciales qui existent entre nos deux pays. C’est un manque de visibilité et d’informations qui fait défaut. Nous nous attelons à y remédier.

Q :  Outre le commerce, dans quels autres secteurs le Pakistan pourra-t-il nous aider ?

Les possibilités sont énormes. Des opportunités de coopération existent dans la pharmaceutique, l’agriculture, ainsi que le Fintech. Le Pakistan peut soutenir Maurice dans ces trois secteurs clés. Au niveau de la sécurité alimentaire par exemple, nous pouvons vous offrir des plantes, des semences et même des équipements.

Q : Le manque d’un ‘free trade agreement’ entre Maurice et le Pakistan n’est-il pas un handicap dans la promotion de nos échanges commercieux ?

Nous devons réviser, à la lumière du contexte actuel, la liste des articles que nous avions inclus dans l’accord commercial préférentiel conclu en 2004. Le gouvernement mauricien, notamment les ministères du Commerce et des Affaires étrangères, a déjà accepté pour que nous passions en revue cette liste lors de la 11ème session du ‘Joint Working Group’ afin de la réactualiser. Nous espérons pouvoir le concrétiser d’ici la fin de cette année. D’ailleurs, le ministre des Affaires étrangères mauricien a également accepté de s’entretenir avec son homologue pakistanais pour évoquer nos intérêts communs et de trouver des pistes potentielles de coopération.

Q :  L’absence de vols directs entre Maurice et le Pakistan ne freine-t-il pas nos échanges commerciaux ?

Évidemment, l’absence de vols directs est un gros obstacle à l’accroissement de nos échanges commerciaux. Je rencontre incessamment les responsables d’Air Mauritius pour en discuter. J’ai déjà demandé au ‘Pakistan International Airline’ de travailler sur un plan de faisabilité. Nous travaillons également sur des options de partage de sièges avec des compagnies aériennes ayant des vols sur Maurice. C’est un long processus, mais les démarches sont en cours. Insha allah (ndlr : si Dieu le veut), il y a une forte probabilité pour que ce soit fait dans les mois suivants ou sinon, dans l’année qui suit.

Q : N’êtes-vous pas trop optimiste ?

Il faut toujours qu’on soit optimiste. Je me fixe toujours un délai pour réaliser mes objectifs. C’est ma façon d’opérer. Je crois fermement que rien n’est impossible.

Q : Vous comptez bientôt organiser une ‘Pakistan Week’ dans le cadre des activités marquant le 75ème anniversaire de l’indépendance du Pakistan. Parlez-nous-en…

C’est la première fois qu’un tel événement, long d’une semaine, soit organisé par le haut-commissariat. Cette ‘Pakistan Week’ se tiendra, comme vous l’avez dit, dans le cadre du 75ème anniversaire de l’indépendance du Pakistan. Elle coïncidera également avec le début de la 55ème année de l’établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays. Le Pakistan avait été parmi les premiers pays à avoir reconnu Maurice comme un état indépendant il y a presque 55 ans de cela. Nous aurons donc une double occasion pour célébrer ces événements.

Toute une panoplie d’activités figure au programme de cette ‘Pakistan Week’ qui se tiendra au début du mois de septembre. Un festival de films pakistanais, étalé sur trois jours, marquera le coup d’envoi des activités. Ce sera la première du genre à Maurice. Six à huit films pakistanais seront ainsi projetés dans les trois salles McCiné à Caudan, Flacq et Trianon du 2 au 4 septembre. Un match de cricket sera au rendez-vous le 3 septembre prochain au SSR National Cricket Ground à Mapou. Deux équipes, regroupant d’un côté des représentants du ministère des Affaires étrangères et des corps diplomatiques et de l’autre la ‘Mauritius Cricket Federation’, s’opposeront. Il y aura, le 5 septembre, une ‘Sufi Qawali Night’ au théâtre Serge Constantin à Vacoas.

Les 6 et 7 septembre, il y aura un ‘food festival’ qui mettra en exergue la cuisine pakistanaise, notamment celle des quatre provinces, sous toutes ses coutures. C’est à l’ICC à Port-Louis que se tiendra ce festival culinaire. L’ICC accueillera parallèlement durant ces deux jours, une exposition de peintures, de calligraphies et d’artisanat pakistanais. Les activités culmineront le 8 septembre avec un concert musical qui sera animé par Faisal Kapadia de l’ex-‘Strings Band’ à l’auditorium J&J.

L’accent, comme vous le voyez, a été mis sur l’art, la culture, la musique, le sport et par-dessus tout, le côté social. Je suis très reconnaissant envers le gouvernement mauricien pour avoir facilité l’organisation de cet événement. Nous invitons tout le monde à venir pour en profiter.

Q : Le commerce ne figure nullement parmi ces activités qui sont prévues alors que vous en avez fait l’une de vos priorités. Pourquoi ?

C’était intentionnel. Nous comptons faire venir une forte délégation pakistanaise pour la tenue d’un ‘single country exhibition’ ici. Nous allons aussi œuvrer pour que la ‘Pakistan-Africa Trade Development Conference’ puisse être prochainement tenue à Maurice. Cette conférence fait partie de l’‘Engage Africa Policy’. Jusqu’ici, deux conférences ont déjà été organisées à Nairobi au Kenya en 2019 et à Abuja au Nigéria en 2021. En ce mois de septembre, une troisième conférence se tiendra à Johannesburg. Nous sommes d’ailleurs en contact avec la communauté des affaires ainsi que les autorités concernées pour que Maurice puisse y participer, d’autant que plus de 200 compagnies pakistanaises, regroupant 27 différents secteurs, y exposeront. Notre but, c’est que Maurice serve aussi de plateforme pour la tenue d’une de ces conférences. Ce qui attirera alors des participants du Pakistan et de l’Afrique.