[Atterrissage controversé du jet privé Malgache] Le rapport révèle des manquements et des ramifications internationales

Le rapport détaillé du Secrétaire au Cabinet, daté du 14 octobre 2025 et rendu public par le gouvernement, lève le voile sur les circonstances troubles entourant l’atterrissage du jet privé en provenance de Madagascar à l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam dans la nuit du 11 au 12 octobre 2025. Cette affaire, qui a des ramifications politiques et financières, a conduit à des arrestations et à une enquête internationale, plaçant l’homme d’affaires malgache Mamy Ravatomanga au centre des investigations.

Une séquence d’événements chaotique pour un atterrissage “prémédité”

Le vol privé de la compagnie Trans Ocean Airways, un Cessna Citation immatriculé 5R-HMR, a atterri à 00h44 le 12 octobre avec cinq passagers et deux membres d’équipage. Parmi les passagers se trouvait Mamy Ravatomanga, figure économique puissante et controversée à Madagascar. Le rapport retrace une chronologie serrée et confuse :

21h30 : Premier contact de Jet Prime Ltd, une filiale d’Airport Holdings Ltd, s’enquérant d’une demande d’évacuation médicale… qui n’existait pas.
22h00 : Le pilote appelle depuis Madagascar pour obtenir son autorisation d’atterrissage. On lui répond clairement de ne pas décoller avant de l’avoir reçue.
22h19 (heure mauricienne) : L’avion décolle de Madagascar avant toute autorisation, comme l’a confirmé ultérieurement le contrôle aérien malgache.
23h12 : Jet Prime Ltd soumet enfin une demande officielle d’atterrissage pour un vol “touristique”, une demande qui, selon les règles, aurait dû être faite plusieurs jours à l’avance.
23h31 : L’avion, déjà en vol, est contacté par le contrôle aérien mauricien (ATC) qui lui ordonne de ne pas entrer dans l’espace aérien et de maintenir sa position. Le pilote annonce alors qu’il ne dispose que de 3h20 de carburant.

Face à cette situation, les autorités mauriciennes accélèrent les vérifications. Les services de l’immigration (PIO) donnent leur feu vert à 00h13, après avoir identifié un passager sensible : Louis Christian Ntsay, ancien Premier ministre de Madagascar, catégorisé comme « personne politiquement exposée » mais sans antécédents judiciaires problématiques.

Alors que le pilote signale qu’il ne lui reste plus que 1h05 de carburant et n’a d’autre option que d’atterrir à Maurice ou à La Réunion, l’Acting Director of Civil Aviation donne finalement l’autorisation d’atterrir à 00h20, invoquant la sécurité aérienne et les pratiques recommandées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Le rapport souligne que l’atterrissage était « évidemment pré-planifié ». Quatre personnes, dont Gilbert Noel, administrateur de Jet Prime Ltd et d’Airport Holdings Ltd, avaient demandé l’accès au salon Jet Prime bien avant l’atterrissage de l’appareil. Lui et une autre personne assistaient même à un dîner de gala co-sponsorisé par Jet Prime ce soir-là.

Mamy Ravatomanga, la figure centrale de l’enquête

La présence de Mamy Ravatomanga à bord du vol s’est rapidement révélée être un élément clé de l’affaire. Proche conseiller de l’ancien président déchu Andry Rajoelina, cet homme d’affaires influent est au cœur des suspicions. Les passagers ont déclaré séjourner chez Rabetokotany Andry, un résident mauricien. L’ancien Premier ministre malgache a, quant à lui, rapidement déménagé à l’hôtel Hilton de Flic-en-Flac. Son épouse l’a rejoint le lendemain, avant que le couple ne quitte Maurice pour Genève le 13 octobre.

Trois arrestations et une enquête internationale

L’enquête a rapidement pris une tournure judiciaire. Trois individus — Mamy Ravatomanga, David Jean Christian Thomas et Nasser Bheeky — ont été arrêtés par la Financial Crimes Commission (FCC) pour soupçons de blanchiment d’argent.

Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a précisé que ces interpellations ont été faites après consultation du Directeur des poursuites publiques et reposent sur « des soupçons raisonnables de commission d’infractions ».

Le dossier a depuis pris une dimension internationale : le FBI américain a sollicité des informations et proposé son assistance dans le cadre d’une enquête sur la vente illégale de Boeing 777 à l’Iran, en violation de l’embargo américain. Les autorités américaines soupçonnent des liens indirects entre ce trafic et certains passagers du jet malgache.

Mesures correctives et suites internationales

Le Cabinet a conclu à plusieurs manquements graves :

  1. Trans Ocean Airways et son pilote ont enfreint les règlements en décollant sans autorisation. Le DCA va engager des poursuites et signaler l’incident aux autorités malgaches.
  2. Les procédures pour les vols privés sont en cours de révision.
  3. L’approbation du Premier ministre sera désormais requise pour toutes les demandes “politiquement sensibles”.
  4. La licence d’exploitation de Jet Prime Ltd est passée en revue.

Cette affaire, qui mêle aviation, haute politique et finance, continue donc d’éclabousser la scène mauricienne et révèle les failles d’un système face à des opérations privées bien rodées. La figure centrale de Mamy Ravatomanga et ses connexions internationales complexifient une enquête qui dépasse désormais les frontières mauriciennes. La promesse de transparence du gouvernement sera mise à l’épreuve alors que l’enquête progresse sur la scène internationale.

L’enquête se poursuit autour du milliardaire malgache

L’homme d’affaires malgache Mamy Ravatomanga reste hospitalisé dans une clinique de Phoenix. Les autorités médicales n’ont pas encore autorisé sa sortie, retardant son audition par la Financial Crimes Commission (FCC).

Le Premier ministre a exigé une contre-expertise médicale, réalisée par des médecins du service public, afin de vérifier l’état de santé du milliardaire. Suite à cet examen, qui s’est déroulé mardi 28 octobre, les professionnels de santé dépêchés à la clinique ont estimé que son état nécessitait des examens complémentaires, retardant ainsi sa sortie de l’établissement où il est soigné sous surveillance policière depuis près de deux semaines.

La FCC souhaite interroger Mamy Ravatomanga sur deux affaires distinctes : un important transfert de fonds présumé de Rs 7,3 milliards vers des comptes mauriciens au début du mois d’octobre, ainsi que sur des allégations de tentative d’influence sur un membre de la commission pour obtenir un traitement favorable dans le cadre de l’enquête. Cette dernière affaire a déjà conduit à l’arrestation de Nasser Bheeky et de David Jean Christian Thomas, considéré comme le bras droit de Mamy Ravatomanga.

Parallèlement, les enquêteurs ont mis sous scellés une Porsche d’une valeur de Rs 4,3 millions, suspectée d’avoir été acquise avec des fonds provenant de sources douteuses par l’entourage de l’homme d’affaires. L’épouse de Mamy Ravatomanga, Ramy Ravatomanga, a déjà été entendue par la FCC, affirmant ne pas être impliquée dans les activités professionnelles ou financières de son mari.

Les autorités attendent désormais que l’état de santé de Mamy Ravatomanga permette son audition pour faire avancer cette enquête aux multiples ramifications.