Après les produits pharmaceutiques et l’huile, c’est maintenant au tour du prix du riz basmati de prendre l’ascenseur, qui connaitra une augmentation d’environ 10 % à partir de mars. Les observateurs sont unanimes à dire que les prix de plusieurs produits vont continuer de grimper, vu que la roupie mauricienne continue de se déprécier face aux monnaies étrangères.  Or, cette flambée des prix aura un impact très dur sur les familles au bas de l’échelle. Ce qui aggrave le tout, c’est l’absence d’une politique de contrôle sur les prix. Le point sur la situation.

Le 5 février, le Conseil des ministres avait imposé pendant un an un droit de douane de 10 % sur les importations d’huile comestible venant des pays du COMESA, dans un but de sauvegarder la production d’huile locale, assurée par Moroil. Ce qui fait que le prix de toutes les variétés d’huile, locale ou importée, ont connu une hausse. Ce qui aura sans doute un effet sur plusieurs aliments consommés couramment par les Mauriciens.

Les consommateurs ont à peine eu le temps de digérer ce fait, c’est maintenant au tour du riz basmati de connaître une hausse, qui sera aux alentours de 10 %, cela à partir du mois de mars.

 

Eric Ng Ping Cheun, économiste

Eric Ng« La dépréciation de la roupie continuera d’affecter le prix des produits »

« Le fait que la majorité des produits qui se vendent sur nos marchés sont importés, il est normal que la dépréciation de la roupie va continuer à affecter le prix des produits », note l’économiste Eric Ng.

Avec le dollar qui vaut plus de Rs 40, et avec les deux-tiers de nos importations qui sont payées en dollars, il est normal que les prix de beaucoup de produits connaitront une hausse, nous indique-t-il.

Il y a aussi le prix du fret qui a beaucoup augmenté, ce qui rend les articles encore plus chers.

Eric Ng note aussi que les entreprises ont été affectées par la hausse des coûts commerciaux, ainsi que par l’augmentation des prix des matières premières. Il ne faut pas oublier la compensation salariale, qui est un fardeau de plus pour les entreprises.

Selon Eric Ng, dans beaucoup de familles, 50 % de leur budget vont dans l’alimentation, donc plus le poids des augmentations se fait sentir, plus les familles vont être affectées, surtout celles qui sont dans la classe moyenne et celles qui sont au bas de l’échelle sociale.

Pour les pensionnaires qui n’ont pas reçu la compensation de Rs 375, Eric Ng explique que ceux qui reçoivent uniquement la pension de vieillesse peuvent être affectés, ce qui ne sera pas le cas pour ceux qui reçoivent d’autres pensions outre que celles fournies par l’État.

Il conseille donc aux foyers de réduire leurs dépenses superflues et se concentrer sur les dépenses essentielles, c’est un des moyens pour faire face à la crise.

 

Suttyadeo Tengur, APEC

Suttyadeo Tengur« Les prix vont continuer de grimper »

Suttyadeo Tengur, de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), est d’avis que les prix vont continuer de grimper car la roupie perd de sa valeur, tandis que le prix du fret a beaucoup augmenté.

Il y aussi le fait que Maurice n’est pas autosuffisante. En d’autres mots, le pays importe la majorité des produits alimentaires de l’étranger.

« Définitivement, ces augmentations vont avoir un impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs », nous dit-il. Mais Suttyadeo Tengur estime que les habitudes des consommateurs ne vont pas changer, les Mauriciens vont continuer à consommer le riz et les autres produits alimentaires qu’ils ont l’habitude de consommer.

En ce qui concerne les différences de prix chez les détaillants ou les grandes surfaces, cela est en raison de la manière dont sont gérés ces points de vente. Ces différences de prix dépendent ainsi des dépenses de ces points de vente.

 

Jayen Chellum, ACIM

jayen Chellum « Une politique de contrôle des prix des produits essentiels aurait pu aider à prévenir les abus »

Le secrétaire-général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), Jayen Chellum, note que les augmentations de prix ont commencé depuis l’année dernière. Ce qui est aussi le cas pour le prix de l’huile, ainsi que pour certains produits pharmaceutiques.

Mais le secrétaire-général de l’ACIM pense que s’il y avait un contrôle sur les prix des produits essentiels, surtout ceux qui sont fournis par des monopoles, cela aurait pu aider à prévenir les abus.

Toute augmentation, selon Jayen Chellum, a un impact sur la façon dont les gens consomment. Cet impact se fera sentir surtout pour ceux qui sont dans la classe moyenne, les pauvres, les chômeurs et les pensionnaires qui reçoivent uniquement la pension de l’État et qui n’ont aucune autre source de revenus.

Jayen Chellum devait faire référence à un rapport de Statistics Mauritius, qui fait ressortir que 20 % des gens au bas de l’échelle sociale consomme 45 % de leur salaire sur les produits alimentaires de base. Ce qui fait que toute augmentation, que ce soit pour les produits alimentaires ou pour les produits pharmaceutiques, ont un effet direct sur ces ménages.

Pour le moment, il n’y a pas eu de changement perceptible dans les habitudes alimentaires, quoiqu’une bonne partie de la population mauricienne a commencé à changer leur mode de vie.

Swaley, 83 ans, pensionnaire

« Les choses s’annoncent difficiles »

Nous nous sommes tournés vers Swaley, qui est pensionnaire et veuf, pour savoir l’impact de ces augmenattions de prix sur une famille qui vit dans des conditions difficiles. Cet habitant de Beau-Bassin de 83 ans trouve qu’il est pénible de pouvoir joindre les deux bouts car il a sous sa responsabilité un fils dans la quarantaine qui est malade, dont il doit s’occuper, ainsi que ses deux petits-enfants. L’un étudie à l’université et l’autre est au collège.

Pour l’octogénaire, les choses s’annoncent difficiles, avec uniquement sa pension. En raison de sa maladie, son fils ne peut pas travailler. Du coup, c’est Swaley qui doit tout faire pour son fils et ses deux petits-enfants. « J’ai sous ma responsabilité mon fils de 42 ans, c’est hyper difficile. En fin de mois, outre les dépenses pour la nourriture, il y a aussi les factures », nous dit-il.

Ce grand-père de 5 petits-enfants reçoit de temps en temps l’aide de sa fille, qui se trouve à l’étranger, mais toutefois, cette aide est loin de suffire.

« Maintenant, avec les hausses des prix, je crois devoir changer nos habitudes de consommation, ce qui est difficile pour moi car étant âgé, j’ai toujours été habitué à manger du riz. Les aliments ‘modernes’ tels que le pasta, c’est plus pour les jeunes », se désole Swaley.

Selon ce dernier, la compensation de Rs 375 aurait pu aider, mais pas beaucoup.

 

Rubina, enseignante

« Il va falloir changer nos habitudes alimentaires »

Nous nous sommes aussi tournés vers une famille de la classe moyenne.

Rubina, enseignante en langues, est mariée et mère de deux enfants, dont l’un qui travaille déjà et l’autre qui va prendre part aux examens du HSC cette année. Pour elle, ces augmentations de prix vont être difficiles par la famille, ayant pris un emprunt d’une banque pour la construction de leur maison.

Mais elle dit avoir de la chance car ses enfants, et même son époux, sont prêts à faire des sacrifices. « Il va falloir changer nos habitudes alimentaires et peut-être consommer plus de pain que de riz », ce qu’elle pense pourrait aider à limiter les dépenses sur l’achat de riz.

 

Hors-texte 1

Des familles qui vivent avec un seul repas par jour…

Selon le secrétaire-général de l’ACIM, Jayen Chellum, des rapports compilés durant le confinement font état de certaines familles qui, par manque de revenus, ont de l’argent pour un seul repas par jour, une situation qui est toujours d’actualité pour certaines familles, même aujourd’hui. Il est inutile de précisier quel impact ces augmentations de prix auront sur elles…

 

Hors-texte 2

L’augmentation du coût du fret en cause

Le propriétaire d’Ashfaaq & Co Ltd, qui est importateur de riz, entres autres denrées, explique que c’est l’augmentation du coût du fret qui a affecté le prix du riz par 10 %.

Est-ce que cette hausse va affecter les habitudes alimentaires des Mauriciens ? Il pense qu’au début, oui. Les consommateurs vont acheter moins de riz au début mais avec le temps, ils vont continuer de consommer comme ils avaient l’habitude de faire.

Neevedita Nundowah