Ayushi Gooroochurn, cheffe, créatrice et communicante culinaire

 « La femme commence à prendre le règne un peu partout »

 « Je retrouve une force quand on me dit que je ne peux pas faire quelque chose. Cela est ma plus grande motivation ! », nous confie Ayushi Gooroochurn, 32 ans, habitant Curepipe, mieux connue comme ‘Chef Yu’ au restaurant La Potinière à Curepipe.

Vous l’avez peut-être vue sur la page Facebook de Chantecler, dans des clips où elle offre ses ‘Astuces du Chef’ pour mieux préparer le poulet, et où elle offrait ses recettes à elle.

« Il ne suffit plus à une femme d’avoir de longs cheveux soyeux, un maquillage sublime et d’autres atouts féminins. Il faut qu’elle aie le courage d’affronter les défis et les difficultés de la vie », affirme Ayushi Gooroochurn, qui a elle-même fait face à plusieurs obstacles pour arriver là où elle est aujourd’hui.

Elle avait perdu son père à l’âge de 18 ans, et s’est retrouvée avec sa mère et ses deux petites sœurs sous sa responsabilité. Ayushi a ainsi dû prendre les choses en main, alors qu’elle n’était qu’une jeune fille. Elle devait décider de suivre une formation pour devenir cuisinière.

À l’époque, nous indique Ayushi, vouloir suivre une formation en cuisine était considéré comme une « erreur ». Des équipements et des ustensiles lourds, la chaleur, les cris, tout ceci constituait l’univers de la cuisine, selon notre interlocutrice. Les filles ne voulaient pas trop s’y aventurer, mais Ayushi est une forte tête.

 « Au début, il y avait beaucoup d’embuches. Dans mon batch à l’école hôtelière, il y avait moins de 10 filles pour la formation de cuisinier. Quand j’ai fait mon entrée pour la première fois, le moniteur de cuisine m’a demandé ce que je faisais là. Il m’avait même dit que ma place n’était pas là. Autant vous dire que c’est un monde dominé par les hommes ! », nous confie notre interlocutrice. Au fil de ses stages, Ayushi se souvient toujours qu’il y avait des « brigades » d’hommes et que les filles étaient reléguées à la section pâtisserie.

Elle voit cela comme contradictoire, quand quelqu’un vient dire que les femmes ont leur place dans la cuisine à la maison mais qu’elles n’ont pas leur place dans une cuisine professionnelle. « Comment peut-on dire que c’est la femme qui doit faire la cuisine à la maison et dire que c’est un homme qui doit diriger une équipe d’environ 20 personnes dans un hôtel ? », questionne-t-elle.

Ayant par la suite travaillé sur un bateau de croisière, sous quatre contrats, Ayushi tenait des casseroles et des spatules bien grands pour sa taille, mais cela ne l’a jamais fait peur. « Si j’avais pris tous les obstacles en considération, je ne serais jamais arrivée là où je suis aujourd’hui. La persévérance est quelque chose de très important », dit-elle.

Cela fait maintenant déjà 10 ans qu’Ayushi est cheffe de cuisine. Elle donne le meilleur d’elle-même pour réussir ce qu’elle entreprend. « Quand j’ai établi un record, j’essaie toujours de le surpasser la prochaine fois », nous indique Ayushi.

Elle a noté une évolution positive, vu que maintenant, beaucoup de filles essayent de revêtir la toque de chef dans les cuisines. Cela la fait rire quand elle entend les mêmes personnes qui lui demandaient ce qu’elle faisait dans la cuisine de lui adresser maintenant comme ‘Cheffe’. « Il y a actuellement beaucoup plus de filles que de garçons dans les formations de cuisinier car ces derniers se penchent maintenant plus vers la pâtisserie », nous dit-elle.

Ayushi souhaite ouvrir une école de cuisine, offrant une formation gratuite, afin de réaliser le rêves des filles, et des enfants en général, car elle estime que tout le monde n’a pas les mêmes opportunités.

Ayushi se sent redevable envers ses proches qui lui ont donné, ainsi qu’à ses sœurs, la chance en tant que fille de faire ce qu’elles voulaient faire. « L’encouragement venait plus de mon père. Quand nous voulions faire des activités extrascolaires, il ne nous en a jamais empêché ».

Ses points de vue sur la condition féminine

Ayushi nous partage ses points de vue sur certains enjeux concernant la femme.

Pour elle, les filles doivent apprendre à combattre toutes les formes de violence à leur égard, surtout le harcèlement sexuel. « Il faut avant tout avoir la volonté de sortir de tout cela et de dénoncer son calvaire à une tierce personne. Si on se laisse dominer par la peur, on en sortira perdante », nous dit Ayushi.Elle insiste qu’il n’y a rien à avoir peur quand on veut faire entendre sa voix. En tant que ‘Chef Yu’, elle se fait volontiers la porte-parole de celles – et de ceux – qui ont peur de parler. Elle est là pour écouter, et selon ses capacités, aider la personne.

Selon notre interlocutrice, si les parents ne peuvent pas enseigner l’égalité aux enfants, « À quoi cela sert-il d’être parents ? », demande-t-elle.

Par ailleurs, elle a remarqué que plusieurs femmes qui sont à la tête des entreprises sont des femmes qui ont commencé au bas de la hiérarchie, et qui ont pu arriver au sommet en surmontant les obstacles. « C’est la femme qui commence à prendre le règne un peu partout », termine-t-elle.