Baisse du FDI en 2021 alors que la croissance mondiale est de 75% Kevin Teeroovengadum : « Quel est le rôle de l’EDB qui bouffe un budget conséquent ? »

« Quel est le rôle de l’EDB qui bouffe un budget conséquent ? »

Plus de Rs 70, 2 milliards. C’est ce que le pays a enregistré en termes d’investissements pour l’année 2021, selon le Premier ministre qui avait révélé ce chiffre lors de son message de Nouvel An le 1er janvier dernier. De ce montant toutefois, l’investissement direct étranger ne s’élève qu’à environ Rs 8, 4 milliards d’après les derniers chiffres publiés, lundi, par la Banque de Maurice pour la période de janvier à septembre 2021. Un taux qui est nettement inférieur, selon l’économiste Kevin Teeroovengadum, à ce que le pays avait enregistré pour la même période en 2020.

En dépit du premier confinement provoqué par la pandémie de Covid-19, la toute première fermeture des frontières et de toutes les répercussions économiques y découlant, Maurice avait quand même pu recueillir des investissements directs étrangers s’élevant à Rs 10, 6 milliards en 2020. Alors que ceux engrangés pour les trois premiers trimestres de l’année dernière ont baissé par Rs 2, 2 milliards. Ce qui n’est pas acceptable, martèle notre interlocuteur. Il précise que 2021 aurait dû être meilleur au niveau de l’investissement direct étranger puisque la situation économique avait évolué, d’autant que le FDI a fait globalement une performance record avec une croissance de 75%. Pourquoi donc Maurice est-il toujours à la traîne ?

D’ailleurs, explique Kevin Teeroovengadum, il faut garder en tête la dépréciation accélérée de la roupie en 2021 comparée à l’année précédente. Arithmétiquement parlant donc, l’investissement direct étranger a baissé de 20% si l’on se base sur la roupie alors qu’en termes de dollars, il a chuté par 30% de janvier à septembre 2021 comparé à la période correspondante en 2020. Ce qui correspond à ce que le pays avait récolté il y a une décennie de cela. « On s’attendait à mieux sur le plan de l’investissement direct étranger car l’environnement économique était théoriquement plus avantageux en 2021 en raison de la vaccination, le rebond dans le nombre de voyages et la croissance économique dans divers pays, entre autres. Mais c’est le contraire qu’on voit à Maurice », se désole l’économiste.

Nouveaux secteurs : investissement presque inexistant

Autre point qui mérite que l’on s’y attarde, poursuit Kevin Teeroovengadum, c’est que 70% du montant de FDI enregistré l’année dernière découle de l’immobilier. « Or le ‘real estate’, on le sait, n’est pas un secteur productif. La plupart des fonds investis dans la construction immobilière sont engloutis dans l’achat des matériaux que l’on importe de l’étranger ainsi que dans le paiement des salaires des ouvriers étrangers engagés pour travailler sur les chantiers. Le ‘value added’ est donc inexistant », insiste-t-il. Autre fait notable, selon l’économiste, c’est qu’il n’y a eu pratiquement aucun investissement direct étranger dans de nouveaux secteurs depuis les deux dernières années et ce, en dépit des discours politiques. « Le FDI dans le manufacturier, la recherche, les secteurs productifs ou d’avenir reste très minime », souligne notre interlocuteur.  

Le constat est ainsi peu reluisant aux yeux de Kevin Teeroovengadum, qui conclut que le pays peine à attirer l’investissement direct étranger. Et ce pour plusieurs raisons. D’abord, il y a un manque de stratégie pour séduire les investisseurs. Ensuite, parce que notre environnement économique est négatif. Vient aussi s’ajouter à cette liste la dépréciation de la roupie qui repousse l’investissement direct étranger. Et pour couronner le tout, le manque criant de productivité de l’‘Economic Development Board’ (EDB). Cette instance, estime-t-il, a failli lamentablement dans son rôle. « Il est plus que jamais temps de s’interroger sur le rôle de l’EDB, qui engloutit un budget conséquent annuellement. L’enveloppe financière qui lui est destinée augmente d’année en année et elle sert principalement à financer des ‘roadshows’ et des voyages à gauche et à droite sans que l’on en récolte les bénéfices. À quoi servent les bureaux de l’EDB au Japon, en Chine, à Paris ou à Londres ? », s’interroge-t-il.

« EDB is the elephant in the room », insiste l’économiste en soulignant qu’il le dit depuis plusieurs années. Il plaide pour une restructuration complète de cet organisme pour qu’il puisse s’adapter aux exigences d’un nouveau monde et aux nouveaux défis économiques du pays.