Bâtir, pas démolir

Incohérent. C’est ce qualificatif qui nous vient à l’esprit quand certaines mesures contradictoires sont prises par le gouvernement. Trop souvent, il y a une discordance entre la parole et l’action. Suivez mon regard. Au début du confinement provoqué par la propagation de la Covid-19, l’amende pour la violation du couvre-feu était de Rs 500 et une peine d’emprisonnement allant jusqu’à six mois. Au moment du déconfinement graduel toutefois, cette amende est passée à Rs 200 000 et une peine d’emprisonnement ne dépassant pas deux ans. Pourquoi durcir la loi au moment où de nombreux Mauriciens étaient autorisés à sortir pour aller travailler ? Insensé, n’est-ce pas ?

Le plus ironique cependant demeure le fait que les logis de nombreux squatters à travers l’île ont été détruits en pleine période du confinement, surtout après que l’amende pour le « breach of curfew » soit passée à Rs 200 000. D’un côté, le gouvernement vous impose une restriction de mouvements au risque de le payer cher et de l’autre, il expulse des malheureux, petits et grands, de leurs taudis, rasant même tout dans certains cas, en les obligeant volontairement de violer le couvre-feu sanitaire et de dormir à la belle étoile. Admettons que le squatting est illégal, mais en les jetant à la rue en plein confinement, le gouvernement ne commet-il pas lui-même un outrage à la loi ?

On digère mal cet empressement de sanctionner ces squatters alors que le développement que ces derniers sont accusés de freiner n’est vraisemblablement pas prévu pour l’immédiat. Plus qu’irrationnelle, cette posture est inhumaine ! Ce n’est pas cette brave Melody, qui a vu la plantation qu’elle a cultivée depuis des dizaines d’années détruite sous ses yeux impuissants, qui nous dira le contraire. On parie d’ailleurs que ses remontrances contre le ministre Steve Obeegadoo n’ont pas dû être très mélodieuses aux oreilles de ce dernier. Alors qu’on parle d’autosuffisance alimentaire, de « National Agri-Food Development Programme » ou de « Farm to Fork concept » des initiatives comme celle entamée par Melody aurait dû être encouragées et non pas ravagées.

Quand est-ce que ceux qui nous gouvernent comprendront qu’il faut bâtir et non pas démolir ? Pourvoir un toit aux plus démunis de la société dans un moment de crise sanitaire sans précédent aurait dû être la priorité d’un gouvernement soucieux du bien-être de sa population. Le prétendu « constant commitment of this Government towards its people », comme mentionné dans le préambule du budget, sonne complètement faux. Rejeter la responsabilité de caser les squatters sur l’Église l’est encore plus. Le Père Jean Maurice Labour l’a recadré parfaitement : « la responsabilité de donner un logement aux Mauriciens, indistinctement de la communauté à laquelle ils appartiennent, est le devoir de l’Etat mauricien. Ce droit au logement, reconnu dans les conventions internationales ratifiées par l’Ile Maurice, indique sans équivoque que c’est à l’Etat qu’il revient d’appliquer ce droit ».

Après cet épisode de démolitions, les 12 000 logements sociaux promis dans le budget ressemble à une comédie insipide. D’autant qu’on sait que les 10 000 logements sociaux que le gouvernement avait promis sous son précédent mandat n’a été qu’illusoire, même pas un dixième de ce qu’il avait promis ayant été concrétisé. Bien entendu, il est toujours permis de construire des châteaux en Espagne…