Bilan inachevé du gouvernement sortant : La grande déception

Le mandat de cinq ans du gouvernement tire à sa fin… Plus exactement, il est resté au pouvoir pendant quatre ans et dix mois. En cette période de campagne électorale, il est temps de faire une rétrospective pour voir s’il a vraiment « gouverné pour le peuple avec le peuple », comme l’Alliance Lepep avait promis durant sa campagne en 2014. Le premier fait notable ici : l’Alliance Lepep n’a pas tenu longtemps, avec la démission de ses rangs du Parti mauricien social démocrate (PMSD), qui est parti rejoindre l’Opposition. La pomme de discorde : la Prosecution Commission proposé, qui aurait remplacé le Directeur des poursuites publiques (DPP). Parmi les nombreuses promesses électorales, on peut noter qu’elles n’ont été que des rêves vendus à la population. Tour d’horizon…

Logement

Où sont les 10 000 maisons promises ?

« Construire 2 000 logements chaque année et l’allocation d’un lopin de terre à un prix nominal aux nécessiteux. » C’est ce qu’avait promis l’Alliance Lepep à la population, notamment à la classe ouvrière. Presque cinq ans après, le constat est clair comme l’eau de roche. On aurait dû voir 10 000 maisons nouvellement construites mais la réalité est tout autre…

 

La Private Notice Question adressée au ministre de l’Intégration sociale, Alain Wong, par le leader de l’Opposition, Xavier-Luc Duval, le 2 avril dernier au Parlement a mis en lumière l’échec du gouvernement en matière de logement. Le ministre  Wong avait expliqué qu’un budget de Rs 221 millions pour le financement des maisons par la National Empowerment Foundation (NEF) avait été alloué pour l’année 2016/2017. Un total de 219 maisons devrait être construits à la fin de 2019.

Le ministre Alain Wong devait également annoncer que sur les 6 800 maisons qui seront construites par la NHDC sur une période de 3 ans comme prévu dans le Budget 2018/2019, 10 %, soit 680 maisons, seront réservées pour les bénéficiaires du Social Register of Mauritius (SRM).

Xavier-Luc Duval est revenu à la charge pour demander pourquoi, à janvier 2019, seulement 45 maisons ont été construites. Il s’est appuyé sur ses dires en se basant sur le rapport de l’Audit, en citant les réponses fournies par le ministère de l’Intégration sociale au bureau de l’Audit. Selon les indications du ministre à l’Audit, qui ont été mentionnées dans le rapport  de ce dernier : « 45 houses have been completed by January 2019.” Alors que comme l’a fait remarquer XLD, la construction de 116 maisons a été planifiée plus de deux ans de cela. Et le ministre d’atermoyer sur des questions de procédures et de délais.

Xavier-Luc Duval s’est apesanti sur la performance de l’ancien gouvernement en termes de logement, à titre de comparaison, où il avait été lui-même ministre de l’Intégration sociale en 2011. Pour lui, le précédent gouvernement, dans un délai plus court, avait construit 3 707 maisons, dont 602 étaient en dur. Commentant sur les 680 maisons que la NHDC va allouer aux nécéssiteux, Xavier-Luc Duval va affirmer qu’aucune personne enregistrée sous le ‘Social Register’ n’a reçu de maison depuis 2014.

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Méritocratie

Le népotisme de l’Alliance Lepep avait atteint des proportions grotesques

« Offrir des chances égales à tous et amender la loi pour assurer la transparence et la méritocratie dans les recrutements effectués par la PSC, la LGSC et la DFSC. » Une promesse qui provoque le désabusement et le cynisme le plus profond… C’est en effet tout le contraire qu’on a vu : le recrutement des proches du pouvoir et des petits copains a été hissé à un autre niveau par l’Alliance Lepep. À titre d’exemple, l’ICAC mène actuellement une enquête sur Vijaya Samputh et Youshreen Choomka. La première, une proche d’Anil Gayan, avait été postée comme la directrice du Trust Fund for Specialized Care et avait bénéficié d’une hausse salariale de Rs 100 000, tandis que la deuxième avait été nommée comme directrice de l’Independent Broadcasting Authority (IBA) et aurait agi comme courtière dans un projet énergetique.

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Transparence et bonne gouvernance

Les pratiques contre la transparence et la bonne gouvernance ont été légions au sein du gouvernement

Une promesse qu’on ne peut pas oublier de sitôt. Les dirigeants de l’Alliance Lepep nous avaient promis qu’ils feraient la politique autrement. Mais les pratiques contre la transparence et la bonne gouvernance ont été légions au sein du gouvernement. Deux examples viennent en tête : la mainmise du gouvernment indien sur Agalega, qui se fait dans l’opacité la plus complète, ainsi que les ‘Special Purpose Vehicles, où le gouvernement peut emprunter sur les marchés de capitaux sans que ces prêts, ne soient comptabilisés dans la dette publique. Ainsi, ce moyen a été utilisé pour permettre au gouvernement d’emprunter auprès de l’Exim Bank of India pour le financement partiel du Metro Express (la différence étant une donation du gouvernement indien).

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Nominations scandaleuses

On ne peut plus les compter

Les nominations des proches du pouvoir à des postes clés ne sont pas passées inaperçues sous ce gouvernement. Parmi les nominés qui ont fait couler beaucoup d’encre, on retrouve Vijaya Sumputh, Prakash Maunthrooa, Bissoon Mungroo, Raja Pillay, Chand Bhadain, Avineshwur Dayal, Daniel Mackay, Naila Hanoomanje et Rahul Dev, entre autres.

La promesse de l’Alliance Lepep de mettre en place un comité special afin de contrôler les nominations aux postes importants a vite été réleguée aux oubliettes.

Quelques exemples : Me Mary-Jane Yerriah avait été recrutée comme membre du conseil d’administration de l’Equal Opportunities Commission (EOC), même si sa candidature ne remplissait pas les critères de sélection. Me Yerriah n’avait pas les cinq années d’expérience au barreau pour être nommée au conseil d’administration de l’EOC. Toutefois, elle devait continuer d’occuper ce poste pendant un bon bout de temps avant qu’elle n’en fut expulsée.

Or, une fois au pouvoir, ces nominés essaient de s’enrichir à tout prix. Ainsi, Me Kailash Trilochun, le beau-frère de Nando Bodha, avait touché des honoraires de Rs 19 millions pour le procès Emtel v ICTA. Un montant qui avait choqué même le Premier ministre. L’ancien senior adviser au PMO, Prakash Maunthrooa, pour sa part, avait fait l’objet d’allégations d’entente délictueuse et de corruption dans l’affaire Boskalis.

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2e miracle économique

Le magicien quitte la salle avant même que le show commence

« Nous visons un taux de croissance d’au moins 6 % par an et nous prenons le pari de réaliser un 2e miracle économique », telle était la vision de l’Alliance Lepep, avec Vishnu Lutchmeenaraidoo comme ministre des Finances. Mais le magicien a quitté la salle avant même que le show commence.

Ce dernier devait être muté aux Affaires étrangères, après le scandale Euroloan, et devait soumettre sa demission en mars 2019, avec un sonore « Enough is enough ! » Pravind Jugnauth le remplacera comme Grand Argentier, mais le miracle économique tant attendu ne s’est pas manifesté…

Or, c’est tout le contraire qui a eu lieu, avec les indicateurs économiques au rouge, notamment la dette nationale. Ainsi, la croissance a stagné pendant les cinq années écoulées, soit 3.5 % en juillet 2016, 3.5 % en juillet 2017, 3.3 % en juillet 2018, suivi de 3.4 % en juillet 2019.

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Environnement

Le concept Maurice Ile Durable rélegué aux oubliettes

« Nous mettrons en place un programme permanent de reboisement (pour atteindre 12 % de la surface du sol mauricien). » Si un certain reboisement a bien eu lieu, il n’empêche que le gouvernement a tronçonné des arbres qui ornaient les rues et les promenades pour faire de la place au Metro Express, sans faire de grands efforts pour essayer de les sauver ou de les replanter. Par exemple, on peut noter l’abattement des arbres à la rue Sivananda à Curepipe, ainsi que les flamboyants qui embellissaient la route de Curepipe vers Mahébourg. Il est aussi douteux que le reboisement ait atteint les 12 % fixés.

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Tourisme

Le gouvernement n’a su réinventer ce secteur

Aujourd’hui, bon nombre de touristes sont degoûtés par l’environnement insalubre qui prévaut dans l’île et craignent pour leur sécurité victimes d’agressions et de vols régulièrement. Ils préfèrent aller voir ailleurs. Les professionnels du tourisme ont maintes fois prôné une approche radicalement différente de ce secteur en entier. Mais le gouvernement a-t-il la vision nécessaire pour faire bouger les choses ? Il est clair que non.

« Intensifier la diversification vers la Chine, l’Inde, l’Australie, l’Afrique et le Moyen-Orient. » Ces propos viennent d’Anil Gayan, qui assurait le portefeuille du Tourisme. Or, notre tourisme connait un certain déclin, et ce ne sont pas les professionnels de ce secteur qui vont nous contredire. Selon les chiffres de Statistics Mauritius, compilés début 2019, le pays fait face à une baisse drastique des marchés tels que la Réunion (5.6 % de baisse), l’Inde (baisse de 11.2 %), le Royaume-Uni (baisse de 9.0 %), et la Chine (baisse de 31.3 %). Ce qui fait une baisse moyenne de 3.4 %.

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 La fourniture d’eau 24 heures sur 24

Le grand échec de Collendavelloo

« Le remplacement à court et moyen termes les tuyaux désuets afin d’assurer une fourniture d’eau 24 heures sur 24 heures. » Un problème qui n’a jamais été réglé… Combien de familles, voire de quartiers entiers, font encore face à une fourniture irrégulière d’eau ou des robinets coulent à sec pendant des jours, voire des semaines ? Un calvaire qu’a connu les habitants de Beau-Bassin, de Rose-Hill, de Quatre-Bornes, parmi tant d’autres. Notons que c’est toujours le cas pour les habitants de Ripailles, St. Pierre, la circonscription no 8, ont été élus le Premier ministre Pravind Jugnauth et ses colistiers, Leela Devi Dookun Luchmun et Yogida Sammynaden.

 

Freedom of Information Act 

Plusieurs entorses à la liberté d’expression par le gouvernement

Alors que le programme électoral de l’Alliance Lepep faisait mention d’une Freedom of Information Act et l’introduction des chaînes de télés privées, tout cela est restée lettre morte. Au contraire, il y a eu une plus grande mainmise sur la MBC TV, où plusieurs directeurs à la solde du pouvoir se sont succédé.

Au lieu de libéraliser les ondes en laissant des chaînes de télé privées opérer, le gouvernement sortant a octroyé deux licences de radio à deux proches du pouvoir.

Pour terminer, notons la loi liberticide apportée par le gouvenement le 31 octobre 2018. L’Information & Communication Technology Act (ICTA)  avait été amendé à l’effet que toute personne qui utiliserait les réseaux sociaux pour poster un message « which is likely to cause or causes annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to any person » commettrait un délit passible de dix ans d’emprisonnement.

Maintenant, il a été amplement prouvé que cette loi constitue une entorse à la liberté d’expression, vu les convocations aux Casernes Centrales des journalistes tels que Zahirah Radha, Anju Ramgulam, Murvind Beetun et Kris Kaunhye. On se sert de cette loi pour intimider les journalistes dans diverses affaires qui avaient fait couler beaucoup d’encre et qui avaient remis en question la crédibilité du gouvernement.

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Élections villageoises

Aucun scrutin depuis 2012

Alors que les élections villageoises devraient en principe avoir lieu chaque cinq ans, cet exercice n’a pas eu lieu depuis 2012. Les élections villageoises qui devraient se tenir en décembre 2018 ont été reportées, et le gouvernement a ainsi amendé la Local Government Act pour renvoyer la tenue de ces élections à une date ultérieure, qui devait être en 2020. Huit années sans donner la chance aux villageois, c’est là un bafouement de la démocratie.

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Gouverrnement Lepep

Un parcours jalonné de démissions

Le gouvernement a dû faire face à une cascade de démissions, ainsi que la cassure de leur alliance avec le PMSD. Ainsi, plus d’une dizaine de démissions a été notée au sein du gouvernement.

En 2015, Danielle Selvon démissione au sein du MSM. La raison ? La Good Governance and Integrity Reporting Bill. La deputé exprime ses craintes que ce projet de loi ne laisse la porte ouverte au gouvernment pour effectuer des saisies illicites chez des citoyens. La meme année, c’est au tour de Raj Dayal de démissioner comme ministre de l’Environnement après l’éclatement du scandale « Bal Kouler ».

2017 sera une année riche pour le MSM… riche en démissions !

À commencer par Sir Anerood Jugnauth, qui devait démissionner de son poste de Premier ministre pour laisser la place à son fils Pravind Jugnauth. Il est suivi par Roshi Bhadain. Le ministre de la Bonne gouvernance avait démissionné suite à la démission de SAJ, et devait mettre sur pied son propre parti politique, le Reform Party. Showkutally Soodhun, connu pour ses déclarations tonitruantes, devait lui aussi ‘step down’ après que ses propos sectaires concenant le non-octroi des maisons de la NHDC à une certaine communauté furent diffusés en ligne. Ravi Yeerigadoo, l’Attorney-General, fut gentiment poussé vers la porte de sortie, après l’éclatement de l’affaire Bet365.

En 2018, Roubina Jadoo-Jaunbocus, ministre de l’Égalite des genres, sévèrement critiquée dans le rapport de la commission antidrogue, pour ses ‘unsollicited visits’ aux prisonniers à la Prison centrale de Beau-Bassin, devait elle aussi démissioner. Le Deputy Speaker, Sanjiv Teeluckdharry, sera lui aussi mis à mal par la commision antidrogue. Le bouillant homme de loi devait se faire poster ‘live’ sur les réseaux sociaux en train de jeter le rapport à la poubelle, ce qui lui vaudra une comparution devant le Conseil de l’ordre des avocats pour manquements graves à l’éthique professionnelle.

Pour en terminer, Vishnu Lutchmeenaraidoo : ce denier avait démissionné de son poste de ministre des Finances en 2016 suite au scandale Euroloan. En début de cette année-ci, il devait aussi démissioner comme ministre des Affaires étrangères et comme membre du MSM.