Brian Glover : « On peut comprendre la légitimité de la posture de Shakeel Mohamed »

Il avait été éjecté de l’Equal Opportunities Commission (EOC) parce qu’il avait ouvert une enquête sur des allégations portant sur Vijaya Sumputh et Youshreen Choomka. Requinqué après la mise sur pied d’un Fact Finding Committee (FFC) sur ces deux nominées politiques, qui prouve désormais qu’il avait raison sur toute la ligne, Brian Glover n’hésite pas à dire tout le mal qu’il pense de ce gouvernement. Mais pas que. Il égratigne indirectement certains de la vieille garde travailliste qui « croient voir en nos agissements le spectre de l’ambition personnelle ». L’ambition affichée par Shakeel Mohamed d’être le leader-adjoint du PTr lui paraît ainsi légitime. Les propos de ce membre du bureau politique rouge risquent de froisser plus d’un… 

Zahirah RADHA

 

Q : L’actualité est dominée ces jours-ci par de nombreux scandales. Dans la plupart des cas, des avocats sont impliqués, à l’instar de l’affaire Choomka, Vijaya Sumputh et Rex Stephen. Cela ne jette-il pas le discrédit sur le barreau mauricien ?

: Bien entendu. Mais, ceci étant dit, une généralisation serait imprudente et injuste. Tout corps de métier comporte son lot de brebis égarées. Cela ne devrait cependant pas contaminer tout le troupeau. Tout professionnel doit, nonobstant le code d’éthique qui le réglemente, savoir être digne. La dignité est un concept subjectif et elle se construit selon la conscience personnelle. Chaque être humain est différent. Et cela se cristallise en des comportements divers et variés. Malheureusement.

Quant aux épisodes Sumputh et Choomka, ils m’ont bien fait sourire. Sumputh et Choomka ont toutes deux été sous les feux des projecteurs bien avant. Plus précisément au temps où je présidais l’Equal Opportunities Commission (EOC). Cela n’a pas plu à certains au gouvernement. D’où mon évincement. Qui avait finalement raison ? Quant au cas de Rex Stephen, permettez-moi de m’abstenir de tout commentaire étant donné qu’il est représenté par mon frère.

Q : Un pays qui est constamment secoué par des scandales, cela vous interpelle-t-il ?

R : Notre pays est gangréné par un gouvernement sans scrupule. Quand vous avez des dirigeants qui ne respectent par la parole qu’ils avaient donnée et qui agissent avec dédain envers la population, à quoi d’autre pouvez-vous attendre ? Jamais n’aura-t-on vu, en si peu de temps, autant de ravages. Et s’ils n’étaient que des rigolos ! Le problème est pire : ils sont dangereux. Quand je pense que pendant la dernière campagne électorale, SAJ nous faisait la morale en disant qu’un Premier ministre doit être comme un papa pour le peuple. Des papas comme ça ? Non merci ! Je préfère être orphelin. Le drame c’est que notre pays en pâti. Economiquement et socialement. Encore deux ans et demi à ce rythme et notre nation sera en lambeaux. A tout point de vue.

Q : À l’exception de Paul Bérenger, presque tous les autres leaders des partis politiques ‘mainstream’ ont dû faire face à la justice pour une raison ou une autre. Où se situe le problème, selon vous ?

R : Vous dites bien « pour une raison ou une autre ». La vendetta politique en est souvent la raison. Et dans tous les pays. Voyez ce qui s’est passé en France avec Nicolas Sarkozy et plus récemment avec François Fillon. Vous allez me faire croire qu’il n’y a pas de motivation politique derrière tout ça ?

Q : En tant que jeune politicien, ne souhaitez-vous pas que Maurice ait aussi son Macron à la tête du pays ?

R : Si vous parlez là d’un renouvellement de la classe politique, je vous dis oui sans hésiter. Mais si vous me parlez de quelqu’un qui a pataugé et collaboré activement avec un gouvernement aussi incompétent que dangereux hier et qui aujourd’hui, par la création d’un nouveau mouvement avec une nouvelle étiquette, tente de se refaire une virginité soudaine, je vous dis non. Faut toujours se méfier des leurres. Un véritable renouvellement passe inéluctablement par non seulement un changement de méthode, mais aussi par un changement de visages. C’est ce qu’il faut.

  • « Certains croient voir en nos agissements le spectre de l’ambition personnelle. S’ils pensent comme ça, c’est qu’ils sont déjà dépassés »

Q : Est-ce réalisable quand on sait que les leaders actuels, ainsi que leurs gardes rapprochées, sont réfractaires à l’idée de céder leur place ?

R : Changement de méthode et changement de visages : la tâche est ardue mais pas impossible. Celui qui, des leaders actuels, comprendra que cela est devenu une nécessité gardera toutes ses chances d’être à la tête du pays dans un avenir très proche. Je suis certain qu’ils en sont conscients. Mais ils sont parfois prisonniers du système. Il arrive un moment où un pays a besoin d’un nouveau souffle. Le 60-0 de 1982 n’est pas arrivé pour rien. Et celui de 1995 non plus. Dans les deux cas, ce fut un rejet des anciens pour une nouvelle équipe. Tant au niveau de la méthode que celui des visages. Navin Ramgoolam le sait très bien. Je n’ai aucun doute là-dessus.

Q : Y a-t-il eu un changement au PTr depuis que les jeunes du parti, dont vous-même, ont sorti leurs griffes ?

R : Nous n’avons pas sorti les griffes. Ce fut tout bonnement une piqûre de rappel. Nous l’avons fait pour le bien du parti et en amont pour celui du pays. Certains croient voir en nos agissements le spectre de l’ambition personnelle. S’ils pensent comme ça, c’est qu’ils sont déjà dépassés. Donner dans l’enfantillage c’est se disqualifier pour être un décideur national. Croyez-moi, Navin le sait très bien. Il n’a pas encore joué toutes ses cartes. Quand il le fera au moment opportun, vous serez étonné.  

Q : Que pensez-vous de l’ambition affichée par Shakeel Mohamed d’être le numéro 2 du PTr ?

R : Shakeel est une figure de proue du PTr vu son expérience, ses compétences et le travail qu’il abat à l’Assemblée nationale. On peut comprendre la légitimité d’une telle posture. Néanmoins, qui suis-je pour porter un jugement sur la hiérarchie qu’adoptera le PTr ? Je préfère en laisser le soin à qui de droit.

  •  « Il est impossible que le MSM se maintienne au pouvoir même si Bérenger ravale tout ce qu’il a dit et vole à son secours »

Q : Le gouvernement perd de jour en jour sa crédibilité et sa popularité. Malgré cela, il semblerait que le PTr n’arrive pas à en tirer un capital politique. N’est-ce pas un signe flagrant de faiblesse ?

: Sur quoi votre jugement se porte-t-il? Nous vivons aujourd’hui dans un pays où les gens ont peur. Ne vous fiez donc pas aux apparences. Où je vais, je n’entends qu’une chose : la lamentation populaire. Il est impossible que le MSM se maintienne au pouvoir même si Bérenger ravale tout ce qu’il a dit et vole à son secours. Celui qui tentera d’aller sauver le MSM trahira non seulement sa conscience mais aussi le pays.

Q : Vous a-t-on déjà dit dans quelle circonscription vous aurez un ticket pour les prochaines législatives ?

R : Faire de la politique ce n’est pas une question de ticket. C’est vouloir le bien commun. S’il faut reprendre le pouvoir, c’est pour le redonner à la population. La politique c’est avant tout le sacrifice de soi. Ma seule ambition, c’est de redonner à notre pays ce qu’il mérite. Un point c’est tout. Tout le reste n’est que futile.