Budget 2019-2020 Textile : Secteur émietté cherche survie !

  • « Si rien n’est fait, le textile disparaîtra », avis de l’économiste Ganessen Chinnapen

Le secteur manufacturier est sous respiration artificielle. Ce secteur, qui pendant des décennies a été le premier pilier économique de Maurice, est en train de sombrer. Chiffres à l’appui, nous sommes en mesure de dire que ce secteur s’effrite. Au-delà de l’aspect humain des pertes d’emplois qui surviennent à chaque fermeture d’usine, il est primordial de faire un constat économique. Et si le gouvernement avait vraiment échoué sur toute la ligne économique du pays ? Le prochain budget se présente comme étant le budget de la dernière chance pour ce secteur qui cherche à survivre…

Marwan Dawood

Cette semaine, le ministère des Finances a fait diffuser dans la presse les principaux axes du prochain budget de Pravind Jugnauth qui sera présenté en principe vers la fin de mai prochain. Face à la situation prévalente dans le secteur manufacturier, Pravind Jugnauth a choisi de faire de ce secteur l’une des priorités de son prochain budget. « Dealing with the challenges facing the sugar and manufacturing sectors, including textiles » : le libellé de Pravind Jugnauth pour une « quatrième révolution industrielle à Maurice ». Une révolution qui sera salvatrice pour ce secteur qui, de 1968 à 2001, a contribué jusqu’à 24 % du Produit Intérieur Brut (PIB) à la croissance. Aujourd’hui, le secteur manufacturier ne contribue qu’un modeste 13 % du PIB à la croissance. Les trois défis qui attendent Pravind Jugnauth :

Premier défi : Réduire les coûts de production

Depuis des décennies déjà, les coûts de production, dont la main-d’œuvre, ont pris l’ascenseur. Une hausse non compensée par la productivité des employés du secteur. Le montant des compensations salariales dans le secteur manufacturier est passé à 5,1 % en dix ans, de 2007 à 2017. Or, la productivité ouvrière a connu une hausse de seulement 3,1 % pour la même période. L’introduction du salaire minimum, aussi bonne soit-elle sur le plan social, représente cependant une hausse additionnelle de Rs 400 millions pour les entreprises, selon la Mauritius Export Association (MEXA).  Si on ajoute à cela la hausse du prix du carburant et la dépréciation de la roupie face au dollar…la compétitivité de ce secteur face au marché international connait ainsi une lourde chute.

Deuxième défi : Encourager l’investissement

Si le coût de la production a pris l’ascenseur, l’investissement, a lui fait le chemin inverse. Nous avons aujourd’hui atteint le niveau le plus bas de l’investissement dans le secteur concerné, soit environ 0,8 %. Il y a deux ans, les investissements directs étrangers (IDE) dans le secteur tournait autour de Rs 108 millions, alors que le pays a enregistré des IDE d’un total de Rs 17,4 milliards.

Troisième défi : Une réinvention totale pour attirer les jeunes

 

Ce n’est un secret pour personne que depuis des années, le nombre d’emplois dans le secteur manufacturier est en baisse, passant de 156 900 employés en 2007 à 133 700 en 2017, selon Statistics Mauritius. À cela s’ajoute le problème de recrutement de la main-d’œuvre étrangère, dont les procédures sont jugées trop contraignantes par les opérateurs ou encore le manque de main-d’œuvre qualifiée pour les différentes industries. Pour le moment, certains ont décidé de prendre les choses en main, en développant leur propre programme de formation à l’intention des jeunes, à l’instar de la MEXA. L’association a en effet mis sur pied le Dual Training Programme, en collaboration avec l’université des Mascareignes ou avec la Curtin Mauritius (anciennement Charles Telfair Institute) pour des postes spécifiques où il y a un manque de personnel.

 

Mise en garde de l’économiste Ganessen Chinnapen : « Si rien n’est fait, le textile va disparaître »

b0015474-4446-4357-a1bb-3206ae066d1dNous avons sollicité un économiste pour commenter la situation du textile à Maurice. Ganessen Chinnapen est catégorique : « L’industrie textile mauricienne est exposée à plusieurs défis extérieurs, provenant des pays tels que le Bangladesh, le Vietnam et Madagascar, où les entreprises textiles se sont délocalisées pour tirer parti des avantages concurrentiels d’une main-d’œuvre bon marché. Sur une note séparée, la culture mauricienne a évolué vers un mélange occidental. Le nombre de Mauriciens travaillant dans ce secteur a considérablement diminué. Les jeunes d’aujourd’hui préfèrent rester au chômage plutôt que de travailler dans cette industrie manufacturière, synonyme de longues heures de travail et à un salaire de base. Cela dit, l’industrie a dû importer des travailleurs de pays comme le Bangladesh et Madagascar pour s’assurer que cette industrie continue de rouler. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir jusqu’à quel point ce secteur restera durable et compétitif dans les années à venir ? »

Pour Ganessen Chinnapen, il y a un besoin urgent pour le gouvernement de présenter un plan de restructuration. « Si nous ne présentons pas de plan de restructuration, ce secteur est sur le point de disparaître dans les années à venir », dit-il.

 

·        Quid du Stimulus Package ?

L’économiste s’interroge sur le mécanisme qui sera mis en place pour assurer une durabilité sectorielle. « Le Stimulus Package n’est plus une solution durable. C’est temporaire. Il faudrait mettre l’accent sur la manière de créer une compétitivité internationale de nos produits textiles. Comment nous opposer à des pays comme le Bangladesh et Madagascar ? L’industrie textile doit être réorganisée et restructurée, pour fabriquer des vêtements haut de gamme, investir dans la recherche et le développement, l’innovation, etc. Les vrais défis sont de savoir comment maintenir cette industrie durable et compétitive afin de préserver ces emplois », précise Ganessen Chinnapen.