On attendait un changement de ton. Ce fut un changement de cap. Avec la présentation du Budget 2025-2026, le gouvernement Ramgoolam n’a pas seulement esquissé les contours d’une relance : il a posé les fondations d’une rupture claire, cohérente et assumée après une décennie d’immobilisme institutionnel et une gestion sans vision à long terme. Loin des effets d’annonce budgétaires sans lendemain, ce premier Budget marque une inflexion sérieuse vers la refondation économique, sociale et politique de Maurice.
Fini le temps des budgets électoralistes aux allures de liste de courses sociales. Le Budget 2025-2026 s’inscrit dans une logique de réformes structurelles profondes, avec une triple ambition : stabiliser les finances publiques, réduire la dette, et préparer la transition vers une économie innovante et résiliente. L’objectif est clair : ramener la dette publique à 75 % du PIB d’ici la fin du mandat, avec un objectif à long terme de 60 %, tout en atteignant une croissance réelle de 4 à 5 %.
Pour cela, le gouvernement adopte une stratégie à deux piliers : la rationalisation des dépenses publiques et la réforme du système de revenus.
- Un programme de viabilité financière des organismes publics sera mis en œuvre, accompagné de fusions, désinvestissements et réductions de gaspillage, avec une économie visée de Rs 5 milliards sur trois ans.
- Le financement d’une partie de la dette sera assuré par les revenus exceptionnels issus de l’accord sur les Chagos.
- Le système de pension sera revu en profondeur, avec la création d’un Nouveau Fonds National de Pension, le rehaussement progressif de l’âge de la BRP à 65 ans, et la suppression progressive des allocations liées à la CSG, tout en maintenant des dispositifs pour les ménages les plus vulnérables.
Un exercice d’équilibriste lucide, loin des facilités politiques
Alors qu’un budget austère ou déconnecté des réalités sociales était redouté, ce qui a été livré est un exercice d’équilibre exigeant. Pas de dérives dépensières. Pas de clientélisme déguisé. Mais un effort sérieux pour concilier discipline fiscale et justice sociale : maintien du revenu minimum garanti de Rs 20 000, soutien aux ménages à faibles revenus, et mesures ciblées pour amortir les effets de l’inflation.
Le message est fort : il ne s’agit plus de plaire, mais de bâtir sur des fondations solides, avec pour boussole la soutenabilité. Ce budget est populaire par sa philosophie, pas par ses promesses.
Un virage vers l’innovation, le digital et l’économie bleue
L’un des aspects les plus marquants du Budget 2025-2026 est son pari sur l’innovation comme levier de croissance. Cela passe par :
- La création de l’Institut National de Recherche et d’Innovation,
- Des plans de R&D obligatoires pour toutes les entreprises publiques,
- Une dotation de Rs 200 millions pour financer des projets de recherche à fort impact,
- La digitalisation des services publics, le développement de l’intelligence artificielle dans l’administration, et l’intégration de modules IA dans les programmes scolaires.
L’axe stratégique s’étend aussi à la cybersécurité, à l’ouverture aux laboratoires de recherche étrangers via des incitations ciblées, et à la promotion d’un tissu entrepreneurial innovant grâce à des déductions fiscales pour les PME investissant dans l’IA.
Vers un État-Océan : faire de la géographie une force
Le budget confirme aussi un changement de paradigme géopolitique. Loin d’être cantonnée à une rhétorique diplomatique, la notion d’État-Océan devient un axe structurant de l’action gouvernementale. Grâce à l’accord sur les Chagos et l’élargissement de sa zone économique exclusive, Maurice entend capitaliser sur sa position maritime pour développer l’économie bleue, renforcer sa souveraineté énergétique et redéfinir sa stratégie de croissance.
Réformes fiscales : une assiette plus large et plus équitable
Le système fiscal n’échappe pas à la refonte :
- Réintroduction des droits d’accise sur les véhicules électriques et hybrides,
- Augmentation des taxes et frais liés aux véhicules pour désengorger les routes et contenir la pression sur les réserves en devises,
- Élargissement de l’assiette TVA, en abaissant le seuil d’enregistrement à Rs 3 millions, et en taxant les services numériques étrangers dès janvier 2026.
Ces réformes visent une fiscalité plus verte, plus équitable, et mieux alignée sur les enjeux de l’économie numérique.
Une relance institutionnelle et démocratique en toile de fond
Au-delà des chiffres, ce Budget marque aussi un tournant institutionnel et politique. L’annonce de la création d’une Commission Constitutionnelle pour repenser le modèle électoral, la réaffirmation de l’indépendance du DPP, ou encore les efforts pour restaurer un équilibre entre les pouvoirs signalent un retour à l’État de droit et à la transparence.
Ce Budget ne séduira ni les cyniques, ni les impatients. Il ne promet pas des miracles, mais propose un chemin clair, cohérent, courageux. Il engage Maurice dans une transition nécessaire, même si complexe. Les choix faits ne sont pas faciles, mais ils sont assumés — et c’est là toute la différence. Pour la première fois depuis longtemps, on a le sentiment que le pays ne regarde plus dans le rétroviseur. Il regarde devant.
Patrick Assirvaden : « Un Premier ministre et un ministre des Finances qui a du cœur »

Le Budget 2025-2026, présenté par le Premier ministre et ministre des Finances, est salué comme un tournant décisif pour le pays par plusieurs membres du gouvernement. Pour Patrick Assirvaden, ministre de l’Énergie et des Utilités publiques, il s’agit d’un « budget de l’alliance du changement », conçu pour redresser un pays laissé en ruines.
« Nous sommes en train de reconstruire sur des ruines. Le pays dont nous avons hérité du précédent gouvernement, du MSM, était à genoux. Tous les secteurs étaient en difficulté, en situation d’échec », affirme le ministre, tout en saluant les signes d’une relance progressive : « Je suis heureux d’entendre le Premier ministre dire que les pôles de croissance commencent à émerger. C’est un signal fort. »
Patrick Assirvaden insiste également sur la nature transitoire des mesures d’ajustement annoncées : « Ce qui est important, c’est que le Premier ministre a précisé que ces mesures sont temporaires : certaines dureront trois ans, d’autres deux ans, voire une seule année. Cela démontre une gestion responsable, équilibrée entre rigueur et compassion. » Il se réjouit surtout du caractère profondément humain de ce budget : « C’est un Premier ministre et un ministre des Finances qui a du cœur. Il a épargné les personnes les plus vulnérables, celles qui sont tout en bas de l’échelle. » Et d’ajouter, avec conviction : « En même temps, ceux qui en ont les moyens, les secteurs qui peuvent contribuer davantage, comme certaines banques ou grands groupes, devront faire cet effort national. »
Rajesh Bhagwan : « L’histoire retiendra le courage de Navin Ramgoolam et de son équipe »

Dans le même élan, Rajesh Bhagwan, ministre de l’Environnement, met en avant l’unité de l’équipe gouvernementale et le courage politique démontré par Navin Ramgoolam. Il abonde dans le sens de Patrick Assirvaden sur le fait que c’est un budget de l’Alliance du Changement. « Ce budget a été préparé collectivement, avec le Premier ministre Navin Ramgoolam, Paul Bérenger, et tous nos camarades. Nous avons hérité d’un pays malmené, d’un gouvernement précédent qui a causé des ravages dans tous les secteurs. La population est témoin des fraudes, des dilapidations, des milliards gaspillés. Aujourd’hui, nous redressons la barre. » Il évoque aussi un budget porteur d’espoir pour les générations futures : « Ce budget regarde vers l’avenir. En tant que vétéran, je peux dire que cela me rappelle les grandes périodes de réforme et de reconstruction. L’histoire retiendra le courage de Navin Ramgoolam et de son équipe. » Rajesh Bhagwan insiste enfin sur l’authenticité de la démarche : « Nous avons dit la vérité sur l’état de l’économie. Aujourd’hui, nous prenons des décisions difficiles, mais justes, en étant solidaires avec les plus modestes. Ceux qui réalisent d’énormes profits devront, eux aussi, contribuer. » Et de conclure : « Nous gouvernons avec responsabilité. Quand viendra le moment de transmettre le flambeau, nous laisserons un héritage solide. C’est un budget de redressement, un budget d’avenir. »
Geerishsing Gopaul : « C’est un budget que la population peut assimiler »

À la suite de la présentation du Budget 2025-2026, les réactions du monde syndical traduisent une prise de conscience des contraintes économiques du pays, mais aussi un certain optimisme quant aux mesures de soutien annoncées. Pour certains leaders syndicaux, ce budget marque une volonté de stabilisation et de reconstruction sociale.
Geerishsing Gopaul, secrétaire de la ‘Government Services Employees Association’ (GSEA), souligne que les grandes lignes de ce budget étaient en quelque sorte prévisibles. « Nous étions psychologiquement préparés au budget présenté jeudi, depuis la proclamation des résultats des élections générales de novembre. Les actions du gouvernement et le message du Premier ministre du 1er janvier allaient déjà dans ce sens. » Il se réjouit que les craintes d’un démantèlement brutal des allocations sociales ne se soient pas confirmées : « La population redoutait que toutes les aides soient supprimées, mais cela n’a pas été le cas. Certaines mesures ont été maintenues, au moins à court terme. C’est un budget que la population peut assimiler. »
Il émet toutefois des réserves sur le volet du recrutement public : « Nous espérions un grand plan d’embauche dans la fonction publique, mais au contraire, certains postes ont été supprimés. La question se pose alors : comment garantir un service public de qualité sans ressources humaines suffisantes ? » Il reconnaît cependant les efforts faits en matière d’innovation : « Les investissements dans l’intelligence artificielle dans les services publics sont les bienvenus, à condition qu’ils ne se substituent pas au besoin de personnel qualifié. »
Sur la pension vieillesse progressivement alignée sur 65 ans, il adopte un ton équilibré : « C’est une mesure qui a ses avantages et ses inconvénients. Certaines personnes continuent de travailler après l’âge de la retraite et perçoivent une pension en parallèle. Il est légitime de se demander si ce cumul est toujours justifié. » Il appelle également à une approche plus globale du recrutement dans le secteur de la santé : « Le recrutement de 1 000 infirmiers est une bonne chose, mais il faudrait aussi penser aux autres corps de métier essentiels. »
Narendranath Gopee : « Un plan structurant pour remettre notre économie sur les rails »

De son côté, Narendranath Gopee, négociateur de la ‘Federation of the Civil Service and Other Unions’ (FSCOU), se montre résolument confiant dans la portée du budget. « C’est un budget très contextuel, conçu en tenant compte des ressources disponibles. Contrairement aux craintes exprimées avant sa présentation, il ne s’agit pas d’un budget difficile, mais bien d’un plan structurant pour remettre notre économie sur les rails. »
Selon lui, plusieurs mesures montrent une volonté claire de restaurer la cohésion sociale : « Certaines dispositions sont très positives, notamment en ce qui concerne la reconstruction du contrat social. Ce lien, abîmé ces dernières années, commence à être réparé. » Il ajoute avec enthousiasme : « C’est, à première vue, un budget prometteur, conçu dans l’intérêt des citoyens, en particulier des plus modestes. »
Tableau récapitulatif des principales mesures du Budget 2025-2026
Domaine | Mesures principales |
Économie et finances publiques | – Réduction de la dette publique à 75 % du PIB d’ici 3 ans, objectif à long terme : 60 % – Création d’une nouvelle loi de responsabilité budgétaire – Utilisation des fonds de l’accord des Chagos pour rembourser la dette |
Fiscalité | – Baisse du seuil d’enregistrement TVA à Rs 3M – TVA sur services numériques étrangers dès 2026 – Hausse des taxes sur les véhicules, fin d’exemptions pour les voitures électriques/hybrides – Droit d’accise augmenté (45 à 100 %) |
Innovation et numérique | – Création de l’Institut national de recherche et d’innovation – Rs 200M pour projets de recherche ministériels – Mise en place d’un Data Centre gouvernemental – Lancement du programme IA pour les services publics |
Pensions et aides sociales | – Refonte du système de pension : fin progressive des aides liées à la CSG – Âge de la pension de base relevé à 65 ans (progressivement) – Maintien du revenu minimum garanti à Rs 20 000 pour les salariés à temps plein |
Petites entreprises / Start-ups | – Allégement fiscal (jusqu’à Rs 150 000) pour les PME investissant dans l’IA – Nouveau « Innovative Mauritius Scheme » pour stimuler l’innovation – Accès facilité à l’exportation avec le programme « En Route Vers l’International » |
Travail et emploi | – Réforme du droit du travail : encouragement du télétravail et travail flexible – Formation et reconversion : Rs 550M pour la montée en compétences – Recrutement facilité de travailleurs étrangers qualifiés |
Transport | – Achat de 105 bus électriques d’ici janvier 2026 – Système de paiement sans contact et de gestion de flotte dans les bus – Création d’un nouveau plan de routes et de stationnement intelligent |
Éducation | – Modernisation du programme scolaire avec l’IA obligatoire dans le supérieur – Sensibilisation contre le cyberharcèlement et les drogues à l’école – Rs 438M pour rénover les infrastructures scolaires |
Santé | – Création de centres spécialisés pour le diabète – Numérisation des dossiers médicaux et audits cliniques – Nouveaux services en ophtalmologie, cardiologie et neurochirurgie à Flacq |
Écologie et durabilité | – Programme « Waste-to-Wealth » pour valoriser les déchets – Dépôt remboursable de Rs 5 sur les bouteilles en plastique – Soutien aux projets agricoles innovants (Rs 800M) et à la sécurité alimentaire |
Institutions et gouvernance | – Réforme des entités publiques : fusions, fermetures, recentrage des missions – Création d’un Comité Constitutionnel pour réviser le système électoral – Encadrement renforcé de la cybersécurité et de la protection des données |
Soutien au pouvoir d’achat | – Création d’un Fonds de Stabilisation des Prix (Rs 10 milliards) – Retrait de la TVA sur certains aliments (nourriture bébé, légumes en conserve) – Surveillance renforcée des prix (système de suivi numérique) |