EDITO
Par Zahirah RADHA
Le Premier ministre est subitement devenu allergique à la presse. Du moins, celle qui est indépendante et qui ne se montre pas servile envers lui. Pravind Jugnauth a ainsi multiplié ses attaques contre certains médias qui, suivant sa logique, n’inventeraient des nouvelles que pour lui nuire. Tout en portant atteinte à son image en le comparant à Navin Ramgoolam. Si ce dernier « traîne des casseroles », le chef du gouvernement tente de nous faire croire que, lui, il n’a pas de boulet au pied. Il semble toutefois oublier que son sort dans l’affaire Medpoint se trouve entre les mains du Privy Council. Le Premier ministre soutient également n’avoir ni de coffre ni de carte bancaire illimitée. Mais il se garde bien de dire qu’il est l’héritier du Sun Trust, qualifié de « bâtiment de la honte » par Paul Bérenger.
À bien des égards, Navin Ramgoolam n’a certes rien de comparable avec Pravind Jugnauth. Le premier nommé n’a pas fait face à un procès en justice alors qu’il tenait les rênes du gouvernement. Tout comme il n’a pas accédé au primeministership par l’imposte. Il n’avait pas hésité non plus à sanctionner ses propres ministres, nommément Deerpalsing, Bundhun et Bojeenauth sur qui pesaient des allégations de corruption et de conflits d’intérêts alors que dans le « camp » de Pravind Jugnauth, les Gulbul, Teeluckdharry et Jadoo-Jaunboccus pavanent toujours impunément à l’hôtel du gouvernement. Et pourquoi pas puisque le Premier ministre fait lui-même objet d’allégations de la part du caïd Peroumal Veeren. Comment pourra-t-il donc les sanctionner sans se tirer une balle dans le pied ?
Au lieu d’afficher la fermeté et de montrer de quel bois il se chauffe, Pravind Jugnauth laisse entrevoir une certaine fébrilité surtout dans la façon dont il a essayé de renverser la vapeur sur une section de la presse d’être de mèche avec la mafia, mais aussi en blâmant l’ancien gouvernement. D’une part, il affirme mener un combat sans relâche contre le trafic de drogue, d’autre part il nous donne des raisons de nous douter de sa sincérité de par ses actions contradictoires. On doit certainement le féliciter pour sa décision de vouloir témoigner devant la commission d’enquête sur la drogue. Mais on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi il lui a fallu attendre que Peroumal Veeren fasse des allégations contre lui pour qu’il se décide soudainement à déposer à la commission Lam Shang Leen. Que se serait-il passé si le parrain de la drogue n’avait pas fait de telles accusations ? Aurait-il gardé toutes les informations qu’il dit détenir dans ses tripes ? Est-ce ainsi qu’il souhaite en finir avec le trafic de la mort ?
Histoire de transparence, il serait également intéressant de savoir s’il compte jouer carte sur table concernant le financement du MSM lors des dernières élections générales. Jusqu’ici, le Premier ministre n’a pipé mot sur cet aspect précis. Il ne pourra se targuer d’être crédible et sincère dans sa lutte tant qu’il ne prouve pas que sa campagne ou celle des membres de son parti n’ait pas été financée par l’argent provenant de la mafia. Son audition s’annonce donc cruciale. Elle servira comme baromètre au peuple pour jauger le degré de sa sincérité dans ce combat de longue haleine. Soit Pravind Jugnauth en émergera plus fort soit il en pâtira.