Combat perdu ?

Il se passe des choses de plus en plus invraisemblables dans le pays. Alors que le Premier ministre s’enlise davantage dans l’affaire Angus Road avec des explications qui ne semblent convaincre personne et démontées d’ailleurs par Roshi Bhadain hier, la situation du ‘law and order’ se dégrade à vue d’œil. C’est un fait que les cas de fraude et de corruption, impliquant surtout des proches du pouvoir, ont pris une ampleur sans précédent depuis 2014. Ce n’est certainement pas demain qu’on verra la fin de la fraude et la corruption, tolérées et enracinées qu’elles semblent l’être depuis ces dernières années. Mais le plus inquiétant en ce moment demeure la hausse de crimes associés aux délits de drogues. La mort du petit Ayaan récemment et le drame ayant coûté la vie à la policière Dimple Raghoo cette semaine, témoignent de la gravité de la situation. Hier, c’étaient Ayaan et Dimple. Demain, cela peut être un des nôtres. Si on n’agit pas maintenant, demain ce sera peut-être déjà trop tard.

Il faut d’abord qu’on se demande comment on en est arrivé là. Bien que le redressement du ‘law and order’ et la lutte contre le trafic de drogue étaient censés être le cheval de bataille du régime en place, les dirigeants n’ont jamais démontré une réelle volonté à les mettre en pratique. Hormis une commission d’enquête sur la drogue dont les recommandations sont restées lettres mortes et des déclarations pompeuses de Pravind Jugnauth, rien n’a été fait pour prendre les taureaux par les cornes. Il faut que le Premier ministre cesse son cinéma visant à nous faire croire que son prétendu combat contre la drogue porte ses fruits simplement parce qu’il y a eu des saisies spectaculaires. Car celles-ci ne servent à rien si le réseau n’est pas démantelé et que le cerveau n’est pas arrêté, comme dans les cas des bonbonnes de gaz ou de la tractopelle.

Au vu des récents événements, tout autre chef de gouvernement sensé aurait fait son mea culpa en changeant son fusil d’épaule et en adoptant une nouvelle approche pour lutter contre ce cancer qu’est la drogue. Mais Pravind Jugnauth s’obstine, lui, à s’auto-congratuler. C’est avec une indécence déconcertante qu’il s’est servi de la mort de Dimple Raghoo pour prétexter un combat acharné contre la mafia de la drogue. Or, tout le monde s’accorde à dire que cette opération ayant coûté la vie de cette brave policière n’est que le reflet du manque de volonté du gouvernement à venir à bout avec le trafic de stupéfiants. Cette opération révèle au grand jour la carence des moyens mis à la disposition des officiers de police pour qu’ils puissent accomplir leur mission avec professionnalisme et efficacité. Pourquoi le Premier ministre n’investit-il pas dans la police au lieu de gaspiller les fonds publics dans des projets stériles comme les caméras Safe City ou encore le stade de Côte d’Or ?

Rama Valayden a raison de dire que nous frôlons une explosion (voir interview pages 6-7). Il y a urgence d’agir. Une fois que le Premier ministre aura fini de poursuivre la presse et l’Opposition pour les bâillonner dans l’affaire anguille sous roche, pardon Angus Road, il devra, s’il est encore Premier ministre, s’atteler à revoir sa stratégie de lutte contre la drogue. Ils sont nombreux les experts, travailleurs sociaux et avocats, qui sont disposés à lui donner un coup de main. Il suffit qu’il leur tende l’oreille et la main.

 

Hommage

Dimple, une source d’inspiration

J’aurais aimé être Dimple. Mais je ne suis pas Dimple. Parce que je ne pense pas avoir le courage qu’elle avait. Je ne suis pas non plus la « coriace » qu’elle était, bien que j’aurais aimé l’être. Comme tant d’autres Mauriciennes, j’aurais tant aimé avoir sa bravoure, son sang-froid, sa passion, son sens du devoir et du patriotisme. Mais je ne pourrai même pas songer à me mesurer à elle. Je suis néanmoins très fière que le pays a eu une policière comme elle. Je suis comblée de voir que notre société a « produit », comme dirait l’autre, une femme comme elle. Dimple est partie. Mais elle est désormais source d’inspiration pour de nombreuses femmes et hommes. À ses sœurs et ses proches, nous présentons nos plus vives condoléances.