Comédies de mauvais goût

« Le monde entier est un théâtre. Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs », dixit Shakespeare. Nous avons, au sein de notre auguste Assemblée nationale, des comédiens de tous genres. Il y a un ministre de la Pêche qui nie l’existence des baleines à Maurice, mais il croit, par contre, savoir que les requins n’attaquent pas les gens si on ne leur cherche pas noise. Vous ne le croyez pas ? Who cares ?! Le ministre Koonjoo, lui, y croit dur comme fer. Pas la peine d’en faire tout un plat, non ? Passons à l’autre. Que dire de ce député du ML, notre Shakespeare à nous, qui a de nouveau récidivé. Il a démontré qu’’il ne compte point rester dans ses petits souliers malgré l’accueil froid reçu par les élus de la majorité après ses commentaires sur les « vié couyons » du gouvernement, incluant son leader. Ainsi, après avoir traité une journaliste de « femel lisien », il revient cette fois-ci à la charge en prodiguant des conseils (d’expert ?) en matière de sexologie et de reproduction féminine à une audience composée de jeunes collégiennes, jeudi. Les pudiques ont été choqués. D’autres, plus libéraux, ont ri un bon coup. Au moins cette fois-ci, il n’a (presque) pas blessé ou offensé personne.

En parlant d’offenses, venons-en à Anil Gayan qui se retrouve empêtré dans une nouvelle polémique, après l’affaire Sumputh. Ses paroles, tenus à tort et à travers, ont ulcéré toute une communauté, voire la population, à quelques exceptions près. Que ces propos aient été révélés après trois ans ne change rien à leur gravité. Tout comme le contexte dans lequel ils ont été prononcés ne modifie pas le fait qu’il les ait bel et bien dits. Pareillement, ces paroles n’auraient pas blessé les Musulmans à un degré supérieur ou inférieur s’ils avaient été dévoilés à un autre moment que le mois du Ramadan, quoiqu’ils aient certainement perturbé la sérénité de ce mois béni. Ses paroles ont meurtri notre âme. Point à la ligne. D’autant qu’il n’a pas nié les avoir tenues. Si le ministre du Tourisme avait vraiment des regrets, il se serait excusé et l’affaire serait close. Car, au cas où il ne le sait pas, le pardon est l’un des valeurs fondamentales que prêche l’Islam. Or, Anil Gayan a choisi de monter sur ses grands chevaux, bénéficiant sans doute du soutien de son leader de parti, Ivan Collendavelloo, qui a étonnamment choisi de garder le silence sur toute cette affaire. Comme il l’avait fait quand Rutnah avait jugé qu’il n’avait plus sa place au gouvernement d’ailleurs. Ravi Rutnah n’avait peut-être pas tort…

L’on se demande aussi pourquoi le Premier ministre n’a pas sanctionné Anil Gayan jusqu’ici. Aux représentants des mosquées qui l’avaient rencontré en début de semaine, il a dit mener sa propre enquête sur cette affaire. Est-ce si difficile d’en venir à bout ? L’événement où le ministre du Tourisme avait fait cette déclaration avait été organisé par l’association pour la population et le développement du Dr Sangeet Joosery en collaboration avec le ministère des Genres et du développement. Qu’attend-il donc pour chercher une copie de l’enregistrement de l’événement auprès d’eux ? La façon dont Pravind Jugnauth a tenté subtilement d’épargner Anil Gayan en accusant un politicien et « ene dimoune dans ene journal » de vouloir allumer la flamme communale n’a échappé à personne. « Mo ti koné zot pou alle écrire insanités lor mur mosquées », a renchéri Pravind Jugnauth. En tant que chef du pays, qu’a donc fait le Premier ministre pour éviter tout dérapage ? Pravind Jugnauth n’est-il pas autant coupable d’avoir permis cela en ne prenant aucune action et en échouant à ses responsabilités de garantir la paix sociale ? Au lieu d’apaiser la situation, il a préféré jouer à une comédie de fort mauvais goût.

Dieu merci que la communauté musulmane ait su faire preuve de retenue face à cette épreuve. Mais on s’attend maintenant que le chef du gouvernement réagisse, et ce, avant qu’il ne se rende au Sunni Razvi pour assister aux célébrations officielles de la fête Eid. Sinon, sa présence à cette fête n’aura aucun sens. Il doit, d’ici là, sanctionner Anil Gayan. Comme il l’avait fait, avec raison, dans les cas de Showkutally Soodhun, Kalyan Tarolah, Roubina Jadoo-Jaunboccus ou encore Ameenah Gurib-Fakim…