- PwC, André Bonieux, Mushtaq Oosman, Yogesh Rai Basgeet et la FSC dans son viseur
Rs 22 milliards. C’est le montant de dommages que réclame Dawood Rawat à la Banque de Maurice, PricewaterhouseCoopers (PwC), André Bonieux, Mushtaq Oosman, Yogesh Rai Basgeet et la Financial Services Commission (FSC). L’ex-Chairman Emeritus du groupe BAI s’invite dans la campagne électorale, en logeant une action légale contre ceux qui ont mené au démantèlement de son groupe en 2015, peu après l’installation du gouvernement MSM. Il estime avoir fait les frais d’une vengeance politique, comme tant d’autres qui étaient associés à l’ancien Premier ministre travailliste, d’autant que les relations que sa famille entretient avec celle de Navin Ramgoolam remonte aux années 1930.
Dans sa plainte, Dawood Rawat relève l’historique de toute l’affaire et rappelle que l’Insurance (Long Term Insurance Business Solvency) Rules 2007 avait été amendé en août 2013 pour que la valeur globale des investissements d’un assureur dans une ou plusieurs des ‘related companies’ ne dépasse pas 10 % des actifs de l’assureur. Ce qui l’avait amené à prendre une série de mesures pour se conformer à cette nouvelle mesure. Cependant, soutient le patron du défunt groupe BAI, le gouvernement élu en décembre 2014 a pris des actions considérées comme des « political motives » contre des personnes et des compagnies perçues comme étant proches du précédent gouvernement, dont l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam.
Des nominations à la Banque de Maurice peu après les élections générales de 2014, nommément celles de R.Tacouri, A.Seeyave, J.E.C Cartier, Y. Esmael et R. Padayachy, soutient Dawood Rawat a donné lieu à des « significant concerns regarding the government’s internal control over Defendant No. 1 (la BoM), which jeopardized its autonomy and undermined Defendant No.1’s integrity and compromised its ability to operate independently ». Il affirme également qu’entre février et mars 2015, des membres influents du gouvernement d’alors s’étaient mis à effectuer des retraits de leurs dépôts fixes de la Bramer Bank, totalisant un montant de Rs 19, 34 millions. De plus, ajoute-t-il, « funds were withdrawn and fixed deposits were prematurely encashed by all government entities reflecting a planned, premeditated, coordinated and deliberate effort to impact the liquidity of BBCL ». Des retraits qui s’élèvent à Rs 1, 8 milliard, rien que durant la période allant de 15 décembre 2014 au 18 mars 2015 (voir tableau).
L’ex-Chairman Emeritus du groupe BAI déplore le fait que la licence bancaire de la Bramer Bank ait été injustement révoquée en dépit des garanties données et du « liquidity management plan » fourni par la direction de la banque ainsi qu’une lettre adressée au Premier ministre d’alors, Sir Anerod Jugnauth, sur les conséquences économiques ainsi que « the extensive impact on various sectors and livelihoods ». Une lettre qui restera sans réponse. Mention est aussi faite d’une réunion tenue le 2 avril 2015 pendant laquelle le Secrétaire financier d’alors, Dev Manraj, avait lancé : « dire Dawood, van so groupe pou en roupie ek pas pou ena problem devant ».
« One-rupee letter »
Ainsi, « the One Rupee Letter was drafted and addressed to the then Minister, Mr. Roshi Bhadain and the then Attorney General, Mr. Ravi Yerrigadoo, proposing to transfer the entire group for a nominal sum of MUR 1.00 […] Faced with this situation, Plaintiff felt coerced into signing the letter, doing so reluctantly and under duress, believing it would ensure the safety of the executives and his loved ones ». Sauf que le gouvernement semblait avoir d’autres plans. « As the process unfolded, it became clear that the banking license had already been revoked, rendering the one-rupee letter futile ».
Les démarches et les procédés du gouvernement sont vivement contestés. « Shareholders of BBCL witnessed their shares wiped off the stock exchange. Their investment were thrown in the creation of the National Commercial Bank, which was later merged with a failing bank, owned by the Government, the Mauritius Post Cooperative Bank Ltd, to be rebranded as the MauBank », poursuit Dawood Rawat. Ce qui s’est traduit par une augmentation significative de la base d’actifs de MauBank, qui est passée de Rs 15 milliards à Rs 28 milliards. Selon le plaignant, cela soulève de sérieuses questions sur la notion de bonne foi, en particulier lorsque le gouvernement, soutenu par la Banque de Maurice, semblait avoir privilégié la protection de ses propres actions plutôt que les intérêts des actionnaires publics.
Dawood Rawat relève, par ailleurs, une série de déclarations faites par des membres du gouvernement. À l’instar de Vishnu Lutchmeenaraidoo, ministre des Finances d’alors, qui avait lancé « je l’ai eu », laissant entendre que la démarche gouvernementale était une vendetta politique. Il cite aussi une déclaration de ministre Mentor, nommément SAJ, qui avait affirmé au Parlement le 9 juillet 2019 que « the Director of Public Prosecutions had discontinued all criminal cases against 14 individuals (including Plaintiff) charged with financial fraud perpetrated to former policy holders related to the BA group ». Et ce, alors qu’il avait lui-même soutenu au départ de l’affaire que « premier zafer mo tire mo kass. Si un bateau p couler, premier zafer mo sauve mo lavie ».
Autre point qui retient l’attention dans la plainte de Dawood Rawat, c’est le rôle joué par l’administrateur Sattar Hajee Abdoula. Mention est ainsi faite d’une rencontre qui a eu lieu entre le plaignant et ce dernier à l’hôtel Scribe by Sofitel à Paris le 20 avril 2015. Lors de ladite rencontre, ce dernier a décrit la stratégie visant à négocier les termes avec le gouvernement, en évitant toute communication directe avec certains officiers afin d’éviter tout risque de conflit. Il a aussi expliqué que la discussion comprenait une évaluation critique des précédents investissements de Dawood Rawat, en soulignant l’urgence de parvenir à un accord pour atténuer les retombées publiques. « During the meeting, Mr. Hajee Abdoula also confirmed that he was sent by the then Prime Minister to present a proposal to the plaintiff. He described his friendship with the Prime Minister, stating, « if he needs something, he calls me ; if I need something, I call him. This is how I operate ; I avoid complicating my life », peut-on lire dans la plainte.
Amendement significatif à la loi
De plus, ajoute Dawood Rawat, la nomination de Sattar Hajee Abdoula comme administrateur a créé un conflit pour le conservateur de la compagnie d’assurance car l’ensemble du groupe, y compris les filiales, était déjà placé sous administration. Raison pour laquelle le gouvernement a décidé d’amender la loi. Un amendement qui est toutefois illégal et anticonstitutionnel, selon le plaignant. « On the 28th April 2015, the Insurance (Amendment) Act 2015 was voted by Parliament and day later, on the 29th April 2015, the Insurance Act 2005 was amended to create a new animal the ‘Special Administrators’ whose powers were so extensive that it could reach all companies of a licenced insurance company, i.e., not only to BAI Co. Ltd but also to its subsidiaries ».
Dawood Rawat dénonce aussi le fait que les actifs du groupe, dont la valeur s’élevait à Rs 2, 2 milliards, ont été vendus deux semaines après la nomination des administrateurs spéciaux, soulevant des questions sur la transparence et le manque de ‘due diligence’, d’autant qu’il n’y a pas eu d’appels d’offres concernant les investissements au Kenya. « La rapidité avec laquelle ces actifs ont été vendus porte non seulement atteinte à l’intégrité de la transaction, mais suggère également une urgence qui pourrait avoir été motivée par des motifs autres que les meilleurs intérêts des parties prenantes impliquées », souligne le plaignant. D’ailleurs, rien que les honoraires des ‘Special Administrators’ ont coûté Rs 28 millions, dont Rs 23 862 500 ont été payés en avance.
Dawood Rawat s’attarde aussi sur les attaques personnelles et les actes répressifs dont ses proches ont fait l’objet. Il dit avoir subi des dommages conséquents, d’autant qu’il n’a pas été dédommagé bien que les allégations de ‘ponzi scheme’ « was less and less credible and/ or probable after the revocation of BBCL’s banking licence ». D’où les dommages de l’ordre de Rs 22 milliards qu’il réclame aux défendeurs.
Xavier Duval avait confié n’avoir jamais cédé sous les pressions de Ramgoolam
« L’équipe spécialisée d’experts du FMI était venue en avril 2012 à la requête du ministère des Finances. Li fer so l’audit l’efficacité bane entreprises ki conclure que le système li fiable. Bien sûr ena bane zafer pou fer mais en général c’est ene système fiable. Mais l’audit FMI soulève ene issue concernant ene grand conglomérat et li dire ki ene situation ki kapave vine serieux et ki bizin prend bane actions », avait déclaré Xavier Duval, en soulignant que des mesures avaient ainsi été prises. Il faisait alors partie du gouvernement quand l’affaire BAI avait éclaté. Il a soutenu avoir lui-même fait venir l’équipe du FMI en 2012 alors qu’il était ministre des Finances sous le régime travailliste, et a nié avoir cédé sous pression politique de Navin Ramgoolam. « Mone fer mo travail seki mo ti bizin fer », avait-il insisté.