Contestation des élections générales de 2019 Roshi Bhadain : « Les agissements de l’ESC et de la Commission électorale teintés d’illégalité »

Contrairement à d’autres candidats battus des dernières élections qui ont mis en cause dé résultats par voie de pétition électorale, Roshi Bhadain, le leader du Reform Party, a demande une ‘judicial review’ des décisions de l’Electoral Supervisory Commission (ESC) et de la Commission électorale. Il a déposé un affidavit en ce sens la semaine écoulée en Cour suprême. Roshi Bhadain entend démontrer que les agissements de ces deux instances chargées du bon déroulement des élections sont truffés d’irrégularités, voire d’illégalités. Toute décision de justice à ce sujet pourra avoir un impact profond sur le déroulement des élections à Maurice. Retour sur les points saillants de l’affidavit du leader du Reform Party.

 

Le rôle de l’ESC et de la Commission électorale

  • L’irrationalité des chiffres

Puisant sur le site de la Commission électorale, Roshi Bhadain va rapporter deux faits des plus étonnants. Premièrement, dans la circonscription no 3 (Port-Louis Maritime / Port-Louis Est), le nombre officiel de personnes qui ont actuellement voté était de 15 798 mais 15 951 bulletins ont été actuellement dépouillés. D’ou sortent les 153 bulletins additionnels ?  La même chose s’est produite dans la circonscription no 5. Le nombre officiel de votants était de 48 777, mais le nombre de bulletins dépouillés était de 49 687. Il y a eu 910 bulletins en surnombre qui ont été dépouillés. Roshi Bhadain offre deux explications possibles : soit des votes illégaux ont été ajoutés avant ou pendant le dépouillement, soit les chiffres de la Commission électorale sont tellement inexacts qu’on ne peut se fier à eux.

Quelques jours après la tenue des élections, la Commission électorale devait venir de l’avant avec de nouveaux chiffres sur son site web. Cette fois-ci, il est annoncé qu’il y a eu 725 236 votants, alors qu’auparavant, la Commission électorale avait mis en avant le chiffre de 723 660 votants.

Selon Bhadain, la décision de la Commission électorale de publier des chiffres irrationnels et ensuite de venir publier de nouveaux chiffres défie le bon sens et met en cause l’intégrité de la Commission.

  • Mauvaise interprétation de leurs pouvoirs

Roshi Bhadain s’est base sur une déclaration faite par le Commissaire électorale le 22 novembre sur les ondes de Radio Plus, où ce dernier commentait sur les pouvoirs constitutionnels dévolus à la commission électorale et à l’ESC. Ce dernier devait dire que la Constitution ne leur octroie quasiment aucun pouvoir en citant la Section 41 de la Constitution.

Mais selon Roshi Bhadain, la Commission électorale et l’ESC ont mal interprété la  s. 41 de la Constitution, qui selon lui, leur octroie des pouvoirs accrus pour veiller à ce que les élections se déroulent de façon ‘free and fair’.

  • Les agissements de l’Alliance Morisien tolérés

Selon le leader du Reform Party, les deux entités ont failli à leur devoir malgré des violations graves de la section 64 de la Representation of the People Act 1958, violations commises par le leader et d’autres candidats de l’Alliance Morisien. Pour Roshi Bhadain, il est clair que les deux défendeurs ont mis des entraves à leur discrétion d’agir  en fermant les yeux sur des « blatant acts of electoral bribery ». Il donne deux exemples clairs, notamment la saga SCBG et l’augmentation de la pension de vieillesse

  • Super Cash Back Gold

En juin 2017, le Premier ministre Pravind Jugnauth avait refuse de rembourser en intégralité les ‘policyholders’ de Super Cash Back Gold. Le 20 octobre 2019, le travailleur social Salim Muthy devait réunir les investisseurs à Rabita Hall et avait mis l’emphase que les victimes représentaient 75 000 votes. Après ce rassemblement, les souscripteurs furent informés que Rs 2 milliards allaient être décaissées pour les payer en décembre 2019. Le 3 novembre, dans un meeting à Vacoas, Pravind Jugnauth devait confirmer que les victimes seraient rembourses en totalité. Toutefois, le 27 décembre, Salim Muthy devait dire que lui et les souscripteurs ont été menés en bateau, vu que valeur du jour, aucun paiement ne se pointe à l’horizon.

  • Pension de vieillesse

Le 10 juin 2019, Pravind Jugnauth, en tant que ministre de Finances, avait annoncé dans son discours du Budget qu’à partir de janvier 2020, la Basic Retirement Pension connaitra une augmentation de Rs 500. Elle passera de Rs 6 210 à Rs 6 710.

Toutefois, le 1er octobre 2019, il y eut un rassemblement au SVICC où le Premier ministre devait annoncer qu’il allait doubler la pension de vieillesse, qui passera de Rs 6 210 à Rs 13 500 s’il est élu pour un second mandat. Le 15 octobre 2019, le PM devait annoncer que la pension de vieillesse augmentera de Rs 6 210 à Rs 9 000 dès décembre 2019.

Selon Roshi Bhadain, l’ESC et le Commissaire électoral ont ignoré cet acte de « corruptly inducing the vulnerable elderly citizens to vote for them », qui concerne 220 000 votants de 60 ans ou plus, répartis dans toutes les circonscriptions de l’ile.

Délégation illégale des pouvoirs à State Informatics Ltd

Un autre ‘ground for judicial review’ a été le fait que la Commission électorale a effectué une délégation non autorisée de ses prérogatives.  La Constitution, la loi suprême de notre pays, a fourni à la Commission électorale et l’ESC une fonction constitutionnelle et ne leur permet pas de déléguer leurs pouvoirs à une compagnie privée.

La compagnie mise en cause ici est State Informatics Ltd (SIL), dont le gouvernement est l’actionnaire majoritaire et dont le Chairman, Pratapsing Bacorisen, est un membre actif du MSM qui avait mené une campagne active pour l’Alliance Morisien dans la circonscription no 20. Le SIL avait la tâche durant les élections d’informatiser les résultats des élections des centres de dépouillement.

Les résultats étaient acheminés des salles de décompte vers le ‘computer room’, qui était sous le contrôle de SIL et de ses préposés. Or, cette salle était ‘out of bounds’  aux agents des candidats et selon le leader du Reform Party, ce qui s’est passé dans ces ‘computer rooms’ « is a cause for grave concern », vu qu’il était impossible de vérifier si les chiffres qui était recueillis des salles de décompte ont été transmis avec exactitude sur le système informatique.

Qui plus est, il n’y a eu aucune transparence sur l’identité des personnes qui travaillaient dans ces ‘computer rooms’. Là ou le bât blesse, les préposés n’étaient pas autorisés à être dans le centre de dépouillement en vertu du ‘Regulation 39(5) of the Nationla Assembly Regulations 2014’. Comme le fait remarquer Bhadain dans son affidavit, la présence de ces personnes était « illégale ».

Les bulletins baladeurs témoignent de la défectuosité de l’organisation des élections

Roshi Bhadain a aussi fait mention des quatre bulletins de vote qui se baladaient dans la nature, provenant des circonscriptions 3, 4, 19 et 20, en contravention des ‘National Assembly Regulations 2014’. Pour lui, l’intégrité du processus de vote et de dépouillement serait défectueux, et l’organisation des élections a perdu de sa crédibilité. Il met aussi l’emphase sur le fait que, valeur du jour, aucune explication crédible n’a été donnée quant à ces bulletins en maraude.

Traitement de faveur pour Shamila Sonah-Ori

Une politique de deux poids, deux mesures, pratiquée par la Commission électorale et que dénonce Roshi Bhadain. Ainsi, l’’Election Agent’ du PM dans la circonscription no 8 était Mme Shamila Romila Sonah-Ori, dont l’adresse était à Quatre-Bornes, dans la circonscription no 18, alors que selon les National Assembly Election Regulations de 2014, un candidat doit déclarer un ‘Election Agent’ qui doit avoir son adresse dans la circonscription où il pose sa candidature.

Or, Miven Tirvengadum, un candidat du Reform Party qui avait posé sa candidature dans la circonscription no 20, voulait nommer un dénommé Hansley Peramallee comme son ‘election agent’, qui avait affirmé que son adresse était à Albion, située dans la circonscription no 20. Or, la Commission électorale devait refuser que le dit Hansley Peramallee puisse officier comme Election Agent vu qu’il ne se trouvait pas sur le registre électoral comme votant. Pourquoi avoir alors laissé Mme Sonah-Ori agir comme Election Agent du PM alors que cette dernière n’était pas sur le registre électoral du no 8 mais bien sur celui du no 18 ?

L’annulation des décisions de l’ESC et de la Commission électorale réclamée

Roshi Bhadain demande ainsi l’autorisation (le leave to apply) de la Cour suprême pour qu’il puisse remettre en question par voie de ‘judicial review’ les décisions de l’ESC et de la Commission électorale relatives à la tenue des élections du 7 novembre dernier, et de résultats qui en ont découlé. Il demande ainsi que l’instance judiciaire d’émettre un ‘Order of Certiorari’ pour annuler ces décisions, vu qu’il y a eu irrationalité, erreurs en droit, entraves discrétionnaires, délégation illégale, irrégularité procédurière, ‘unfair bias’, entre autres.

Il demande aussi à la cour d’émettre un ‘Order of Mandamus’ pour que les défendeurs fassent le nécessaire pour que les électeurs qui n’ont pu être sur le registre électoral de 2019 soient dûment enregistrés.