Coucourou coucouuuu

Coucou 2022. Ou devons-nous plutôt dire « coucourou coucouuuu » pour être plus tendance ? Ce refrain, vous l’aurez reconnu, est sur toutes les lèvres depuis qu’une vidéo montrant le ministre de la Santé l’entonner, en se déhanchant, l’air gaillard. Certes, il n’y a rien de mal à ce qu’il s’amuse comme un petit fou. Sauf qu’il ne porte pas de masque et qu’il n’y a point de distanciation physique, contrairement aux lois sanitaires, dont il est l’un des promulgateurs, en vigueur dans le pays. Il n’y a rien d’anormal non plus à ce qu’il fasse la fête avec au moins une vingtaine de ses proches, même si autant de monde est toujours interdit dans les lieux de culte. Sauf que cette festivité se passe dans un espace restreint et renfermé, donc propice à la propagation de la Covid-19. Il le sait mieux que quiconque. Mais il en a fait fi.

Les chatwas diront sans doute qu’il mérite une pause-détente après deux années turbulentes, dominées par la pandémie. Ils n’ont peut-être pas tort. « We attended to cherish good times […] Isn’t it normal during festive period to enjoy with family ? What’s wrong ? », dixit Kailesh Jagutpal. Personne ne le contredit, bien qu’il ait maladroitement tenté de faire croire que c’est mal élevé de s’ingérer dans sa vie privée alors qu’il est tout à fait logique que les gens se posent des questions suivant la diffusion, par un des siens sans doute, de la vidéo dans le domaine public. Mais passons. Gageons que même si ce moment de détente que le ministre de la Santé s’était accordé ne tombait pas dans l’illégalité, cette vidéo aurait toujours fait jaser. Parce que le cœur des Mauriciens n’était tout bonnement pas à la fête. Et surtout parce qu’il s’agit avant tout d’une question de principe et de moralité.

Quand on occupe un poste de responsabilité, on doit « lead by example ». C’est très mal vu quand on demande aux Mauriciens d’agir de façon responsable et d’éviter des rassemblements qui pourraient donner lieu à l’apparition des clusters alors qu’on fait soi-même le contraire de ce qu’on prêche. Évidemment, étant issu du sérail MSM, personne ne s’attend à ce que Kailesh Jagutpal fasse grand cas de la question de moralité. Car dans le camp soleil, on est plutôt adepte de la notion « moralité pas rempli ventre ». Un ministre de la Santé sensible à la souffrance de ses compatriotes aurait fait preuve de plus de retenue à un moment où le pays venait à peine de recenser des centaines de morts dûs à la Covid-19 et surtout à cause de sa mauvaise gestion. Ne serait-ce que par signe de respect et de deuil. Ne serait-ce aussi que pour rendre hommage aux frontliners, dont des policiers appelés, eux, à travailler d’arrache-pied en cette période de festivités pour faire respecter les consignes sanitaires dans les coins et recoins du pays et dont les proches du pouvoir semblent être dispensés.

Mais Kailesh Jagutpal s’en moque visiblement. Comme il le fait quand il est acculé sur divers dossiers et scandales. Comme il se comporte aussi quand sa démission est réclamée par l’Opposition. La moralité, il faut l’avouer, n’existe tout simplement pas dans son dictionnaire. Ou dans celui du MSM d’ailleurs. La preuve ? Un des collègues de Cabinet de Jagutpal était lui vu dans une autre vidéo circulant en cercle restreint, en train de roucouler en charmante compagnie. Du voyeurisme ? Que nenni. Puisqu’il se passe dans un lieu public. Cet élu que nous croyions pourtant plus cultivé a carrément détrôné l’affaire des sextos qui s’était déroulé en plein Parlement sous le précédent mandat du gouvernement. Ce ministre se prend visiblement pour un acteur de Pornhub. Alors que son attachée de presse n’a rien à envier à Sunny Leone ou à Mia Khalifa. Nous nous gardons d’en dire plus, les détails étant trop sordides. Pour la question de moralité, il faudra repasser.

Comme quoi, ceux qui, hier encore, passait le plus clair de leur temps à vilipender Navin Ramgoolam doivent aujourd’hui se rabattre, la queue entre les jambes. Car ce qui se passait autrefois entre quatre murs se fait maintenant dans des bâtiments publics. Autre temps, autre mœurs. Détrompez-vous, ce ne sont même pas des vidéos deepfake comme celles circulées sur le leader des rouges par le MSM lors de la dernière campagne électorale. Ceux qui prétendaient être des donneurs de leçons ont maintenant été pris la main dans le sac. Les masques tombent. Et ces grands moralisateurs s’avèrent être bien plus pire que leur cible préférée. Que dira Somduth Dulthumun sur la prouesse de ce ministre ? Ces prétendus sermonneurs oseront-ils encore montrer leur visage à la population lors de la prochaine joute électorale, sachant qu’on n’est qu’à mi-mandat, donc à l’entracte et que le meilleur, ou le pire, reste encore à venir ?

Pendant que des ministres de la République prennent du bon temps, la population, elle, reste sur le qui-vive. Prise dans le tourbillon de la hausse des prix et de l’inflation, elle ne voit plus que le rouge écarlate quand elle doit encaisser les frais des scandales, incluant l’affaire Molnupiravir, orchestrée au plus haut niveau selon les aveux du ‘Principal Pharmacist’ B. Naeck aux enquêteurs. Elle a des bleus à l’âme quand elle doit « risse diable par la queue » pour joindre les deux bouts. Elle rit jaune quand le gouvernement cherche à lui faire avaler des couleuvres. Et elle est verte de rage quand elle pense à ce qu’elle doit encore subir durant cette année 2022. Tel se résume le destin du peuple mauricien sous le règne du MSM. L’année allé, l’année vini, mem zafer.