Coût du Hadj 2022 : La cacophonie

  • Le gouvernement prend l’ICC à contrepied et affirme qu’aucun prix n’a encore été fixé alors que le chiffre de Rs 300 000 a été avancé par cet organisme chargé de l’organisation du hadj

Il faut d’emblée le dire. L’absence de Showkutally Soodhun se fait cruellement ressentir. Alors que le prochain hadj est derrière la porte et que les éventuels pèlerins piaffent d’impatience après une attente longue de deux ans en raison de la pandémie de la Covid-19, une certaine cacophonie se dessine au niveau des autorités responsables de son organisation. En effet, l’‘Islamic Cultural Centre’ (ICC) et le ministère des Arts et du Patrimoine culturel ne semblent pas être sur la même longueur d’onde. C’est ainsi que le ministre responsable de ce dossier, Avinash Teeluck, a déclaré que le prix du hadj n’a pas encore été fixé. Il répondait alors aux questions des députés Osman Mahomed, Eshan Juman et Reza Uteem à l’Assemblée nationale, mardi.

Une déclaration perçue comme une claque aux responsables de l’ICC. D’autant que des préposés de l’ICC ont appelé des aspirants pèlerins se trouvant sur la liste d’attente pour leur informer que le coût avoisinerait les Rs 300 000 ou plus. Qui dit vrai ? D’où vient ce chiffre de Rs 300 000 annoncé individuellement aux éventuels pèlerins si le prix n’a pas encore été déterminé ? Le député travailliste Eshan Juman a voulu en savoir plus en interrogeant le ministre Teeluck sur les raisons ayant poussé l’ICC à avancer ce chiffre de Rs 300 000. Mais Avinash Teeluck a campé sur sa position, soutenant qu’il ne sait pas d’où sort ce chiffre, et en réaffirmant qu’il était trop tôt pour se prononcer sur le coût qui n’est pas finalisé par le gouvernement, mais par les autorités saoudiennes.

Zahid Nazurally parle de « rumeurs » et s’opposerait à ces Rs 300 000

Le ‘Deputy Speaker’ Zahid Nazurally, est, lui, allé un peu plus loin. « Rs 300 000 pou package Hajj, c’est rumeurs. Pas fine finalisé », a-t-il posté sur sa page Facebook à l’issue de la première réunion tenue sur l’organisation du hadj, vendredi, et à laquelle il a assisté pour la première fois. Pourquoi évoque-t-il des « rumeurs » alors que de nombreuses personnes maintiennent avoir été contactées par l’ICC qui leur a officiellement communiqué ce chiffre ? Les témoignages publics sur les réseaux sociaux en attestent d’ailleurs. Zahid Nazurally était injoignable pour une explication, hier. Dans son entourage cependant, on laisse entendre qu’il juge ce montant de Rs 300 000 excessif et insensé. Il aurait même donné la garantie à certains éventuels pèlerins qu’il est hors de question qu’ils soient appelés à payer un tel montant.

Eshan Juman : « Qui a intérêt à mentir sur un pilier de l’islam ? »

Le député du no. 3, Eshan Juman, trouve, lui, inconcevable que le ‘Deputy Speaker’ ait fait état de « rumeurs » sur sa page Facebook alors qu’il s’agit d’un chiffre avancé par l’autorité chargée d’organiser le hadj, en l’occurrence l’ICC. « Quand il parle de rumeur, c’est une insulte qu’il lance à l’égard de ceux qui ont pris connaissance de ce montant de la part de l’ICC », lâche sèchement le député travailliste. Mais, de toute évidence ajoute Eshan Juman, il est clair que Zahid Nazurally n’est pas d’accord avec ce montant de Rs 300 000. Le député du no. 3 dit ne pas comprendre comment l’ICC ait pu s’aventurer à annoncer un tel chiffre sans que celui-ci ne soit d’abord approuvé et finalisé. Qui tire les ficelles ? Qui a intérêt à mentir sur un dossier qui concerne un pilier de l’Islam ? Pourquoi les éventuels pèlerins doivent-ils faire les frais d’une guéguerre entre l’ambassadeur Soodhun, l’ICC et le gouvernement, caractérisée par la cacophonie actuelle ? Ce sont autant de questions que se pose Eshan Juman. Il est d’ailleurs d’avis qu’il est temps pour que l’organisation du hadj cesse d’être politisée. « Politiciens bizin aret met néné dans ene dossier ki concerne uniquement la religion », martèle-t-il.

Osman Mahomed fait une série de propositions

Pour sa part, dans une lettre adressée au ministre Avinash Teeluck le 19 mai 2022, Osman Mahomed fait une série de propositions pour atténuer le coût du hadj. Il réclame l’intervention de l’ambassadeur Showkutally Soodhun pour supprimer les frais du nouveau visa introduit et dont le coût s’élève à Rs 15 000, d’autant que le nombre de visas accordés à Maurice est relativement bas, soit 679. Il propose aussi un séjour réduit pour ceux qui éprouvent des contraintes financières afin de réduire les frais d’hébergement. Osman Mahomed souhaite aussi que les autorités négocient pour les meilleurs tarifs possibles pour les billets d’avion. Les tests PCR, s’ils sont pris en charge par le ministère de la Santé, réduiront aussi le coût du hadj. Outre des options plus avantageuses pour le Qurbani, le député travailliste estime que la MauBank ou la SBM peut également proposer des taux de change et des assurances plus avantageux aux futurs pèlerins.

Maulana Shamim Khodadin : « ICC fine agir comme amateur »

Le Maulana Shamim Khodadin, président du ‘Sunniy Ulama & Aïmmah Council’, ne passe pas par quatre chemins pour fustiger l’ICC. « ICC fine agir comme amateur et pas fine assume responsabilité ki bizin », lance-t-il. Et d’ajouter que « voilà résultat quand nomme bane agents politiques dans bane institution important comme ICC ». Il trouve malheureux que l’ICC ait attendu la dernière minute pour activer les préparatifs en vue du prochain pèlerinage. Le rôle de l’ICC, rappelle-t-il, c’est d’organiser le hadj dans l’intérêt des futurs hadjis et non pas en faveur des businessmen. Le Maulana Khodadin égratigne, dans la même foulée, le ‘Deputy Speaker’ Zahid Nazurally. « Li pe dire ene rumeur sa montant Rs 300 000 la. Nous demane nous-même kot le deputy Speaker ti été tous sa temps-là. Eski maintenant ki li fine réaliser ena problème haj ? » Les autres élus musulmans du gouvernement en prennent également pour leur grade. « Ena beaucoup qui maintenant pe vine prend capitale politque lor hajj. Tou seki dans gouvernement la pas tendre zotte concernant problème ki concerne la communauté musalman. Maintenant ki pe rod faire croire pe gagne tracas la communauté musulmane. Si demain prix la baisser, alors pas vine dire ‘mo leader’ ki fine negocier et fine faire telle ou telle chose », prévient-il.