Crédibilité recherchée désespérément

Crédibilité. Nos institutions en manquent cruellement depuis que ce gouvernement est au pouvoir. Même si nos dirigeants feignent de ne rien entendre ou comprendre, les institutions internationales, elles, veillent au grain. Et ne manquent pas de nous le faire savoir à la moindre occasion. Comme l’a fait le Fonds Monétaire International (FMI) encore une fois cette semaine. C’est une claque diplomatique sonore qu’il a infligée principalement à la banque centrale, au ministre des Finances et au gouvernement quand il somme la BoM de « enhance its credibility ». Grossièrement résumé : la BoM n’a pas, ou très peu, de crédibilité. Quoi de plus humiliant et dégradant pour notre système financier et notre image que de savoir que notre banque centrale, censée être une des institutions les plus dignes et respectées de notre République, n’inspire plus confiance sur le plan international ?

Bien entendu, « the writing was on the wall ». À l’exception de la majorité et de ses chatwas, tout le monde le voyait venir ce cinglant désaveu de la politique lamentable du gouvernement se résumant au favoritisme et au népotisme. Qu’on ne se trompe pas, le manque de crédibilité dont souffre la banque est le résultat de cette même politique de copinage. Dès l’atterrissage de Harvesh Seegoolam à la BoM Tower, il était clair comme l’eau de roche qu’il y avait été expédié pour faire le jeu du gouvernement. Mais qu’il s’y donne au point de jeter en pâture la crédibilité d’une institution de la trempe de la BoM est inimaginable, quoi que pas surprenant. Ce pion stratégique du ‘Prime Minister’s Office’ (PMO), rappelons-le, faisait déjà l’objet de critiques et de contestations quand il dirigeait la ‘Financial Services Commission’ (FSC), avec, à ses côtés, un certain Renganaden Padayachy, alors chairman de cette instance. C’est d’ailleurs ce même tandem qui avait dirigé le pays droit sur les listes grise et noire de la FATF et de l’UE.

Que peut-on donc s’attendre de ce duo béni par le Premier ministre maintenant qu’il a, entre ses mains, la destinée des finances du pays ? Personne n’est aussi dupe pour ne pas comprendre que ce n’était pas au hasard que la BoM avait pondu un communiqué pour se ranger du côté du ministre des Finances sur la question des réserves après les dénonciations véhémentes de l’opposition. Les conclusions du FMI dans son « Article IV Consultation » publié le 29 juin 2021 est d’ailleurs sans équivoque. « The substantial fiscal stimulus and the revenue losses due to the economic slowdown have led to a deterioration of the fiscal position in FY2020/21, with the deficit financed partly with a transfer from the BOM ». Le FMI a ainsi mis un frein aux élucubrations du tandem Padayachy-Seegoolam. C’est malheureusement la banque centrale qui en a le plus pris pour son grade, cette institution n’ayant pas fait preuve de discernement, d’indépendance et de transparence dans sa prise de position frôlant plutôt la partisanerie.

C’est toujours dans le sillage de cette politique de parti pris que la banque centrale a été contrainte de dévaluer massivement la roupie en début de semaine pour se recapitaliser, suivant la sommation du FMI. Une dévaluation fort probablement dictée par Lakwizinn et qui a permis à la BoM de renflouer ses caisses par Rs 8 milliards en un tour de main, mais qui n’augure rien de bon pour notre économie ou pour les consommateurs. Une stratégie que le FMI ne semble pas apprécier non plus puisqu’il insiste que la démarche préférable serait que « government recapitalizes the central bank up-front, e.g., via the transfer of marketable public debt instruments ». Une solution alternative serait ainsi que le gouvernement fasse une levée de fonds à travers des « bonds ». Mais c’est une démarche qui vise à prendre le taureau par les cornes au lieu de considérer la BoM comme une poule aux œufs d’or ou un instrument politique qu’il peut utiliser à sa guise quand le besoin se fait ressentir !

L’indépendance de la BoM est donc mise à rude épreuve. Pour que cette institution retrouve sa crédibilité et son intégrité, il faut absolument que ses dirigeants prennent de la hauteur. Ce qui n’est pas gagné d’avance, sachant la proximité et les frottements de l’actuel Gouverneur avec Lakwizinn. Croire que le gouvernement y remédiera relèverait du fantasme. Il nous faudra donc continuer à composer avec la dévalorisation et la décrédibilisation de nos institutions clés. En espérant naïvement que les investisseurs ne nous fuient pas. En mettant en veilleuse notre ambition de faire de Maurice un centre financier international. En croisant le doigt pour que notre économie n’est pas étranglée comme ne l’est le Zimbabwe, qui se retrouve dans un étau financier depuis des années en raison du surendettement, de l’hyperinflation, de la déprécation de sa monnaie nationale et d’un manque de devises, entre autres. En priant pour que le « ponzi like scheme » qui semble être mis en place à la BoM Tower n’est que le fruit de notre folle imagination et non d’un bis repetita de l’ancien système « ponzi like » zimbabwéen qui a contribué au crash de son économie…