Dans les entrailles du pouvoir, 2e épisode : Les vraies raisons de la démission de Lutchmeenaraidoo en mars 2019

  • Les machinations du clan Jugnauth pour sauver l’hôtel Maradiva en toile de fond

Chose promise, chose due… Top TV a mis en ligne sur sa page Facebook le 2e épisode de Dans les entrailles du pouvoir. Comme on le sait, les dévoilements du premier épisode, sur le scandale du film Serenity, a été un véritable coup de pied dans la fourmillière. La video avait été retirée de Facebook par on ne sait trop qui. Le Premier ministre et sa femme Kobita ont cette semaine-ci enclenché des poursuites pour diffamation contre Kris Kaunhye, le patron de Top TV, et Akil Bissessur, un avocat qui a récemment consigné une plainte à l’ICAC contre le PM.

Ce qui ne va sans doute pas plaire au Premier ministre : l’épisode II de Dans les entrailles du pouvoir revient sur l’hôtel Maradiva et démontre une fois de plus que le clan Jugnauth s’est servis sans vergogne des leviers du pouvoir pous satisfaire leurs propres desseins. Avec, à la clé, le ‘booting’ de Vishnu Lutchmeenaraidoo vers les Affaires étrangères.

Tout commence en mai 2002. Le gouvernement d’alors, dirigé par SAJ, avait octroyé à bail un terrain de 30 arpents situé à Wolmar à Mauriplage Investment  Ltd, une entreprise dirigée par Sir Kailash Ramdenee. Ce dernier n’est nul autre que le beau-père de Pravind Jugnauth. Ce terrain fait partie des State Lands, et se trouve sur les Pas géometriques.  Juste à côté, la famille Ramdenee possédait déjà un complexe hôtelier de luxe, le Sands Resort.  Avec leur nouveau terrain, la famille entreprend la construction d’un hôtel 5-étoiles , le Taj Exotica, qui comprend 65 villas de luxe, en partenariat avec le groupe indien, Taj Hotels. Mais quelques années après, Taj Exotica commence à battre de l’aile. Leur partenaire indien se retire de l’affaire tandis que la famille Ramdenee prend en main la gestion de leur hôtel, qui sera renommée Maradiva. Mais en 2009 déjà, le bilan financier de l’hôtel n’est pas des plus reluisants.

Rama Sithanen, sous le régime travailliste, proposera le ‘Invest Hotel Scheme’ (IHS) en 2009. Ce ‘scheme’ prévoit que les hôtels récemment construits pourront vendre des villas et des suites à des étrangers ou à des Mauriciens dans le but d’aider le secteur hôtelier à sortir la tête hors de l’eau après la récession mondiale de 2008. Les propriétaires pourraient occuper leur villa pendant 45 jours de l’année avec toutes les facilités offertes par l’hôtel tandis que le reste du temps, l’hôtel pourra la louer à d’autres personnes. Toutefois, le ‘scheme’ ne s’applique qu’aux hôtels nouvellement construits et non pas aux hôtels existants, comme c’est le cas pour l’hôtel Maradiva. En outre, le ‘scheme’ ne s’applique pas pour des terrains appartenant à l’État, comme c’est aussi le cas pour l’hôtel Maradiva.

En 2010, avec Pravind Jugnauth comme ministre des Finances, il y a un regain d’espoir pour Maradiva, dont le bilan est au rouge. Pravind Jugnauth essaiera d’étendre le ‘Invest Hotel Scheme’ aux hôtels existants mais se heurte au refus du Premier ministre d’alors, Navin Ramgoolam. En 2011, Pravind Jugnauth quitte le gouvernement suite au scandale Medpoint.

En 2014, l’Alliance Lepep vient au pouvoir, avec Lutchmeenaraidoo aux Finances. La même année, les auditeurs de Maradiva, BDO Ltd, tirent la sonnette d’alarme : le bilan de Maradiva est catastrophique, avec des pertes de Rs 70 millions et des dettes de Rs 964 millions de roupies. Selon les auditeurs, dans un document en date du 24 mars 2015, « These conditions indicate the existence of a material uncertainty that may cast significant doubt about the Group’s ability to continue as a going concern. »

Lutchmeenaraidoo finit par craquer

Branle-bas de combat chez ‘Lakwizinn’. Objectif : sauver Maradiva en amendant le ‘Invest Hotel Scheme’. Mais Lutchmenraidoo refuse d’accéder à cette demande. Dans son budget qu’il présente en 2015, aucune mention n’est faite d’un amendement quelconque à l‘Invest Hotel Scheme’.  Juste après, une réunion houleuse a lieu entre SAJ, Pravind Jugnauth et Lutchmeenaraidoo. Mais ce dernier tient bon. Toutefois, la pression s’accentue sur le Grand Argentier. Lutchmeenaraidoo va finir par craquer.

Peu après, un document est presenté par le ministère du Tourisme au Conseil des ministres pour demander l’amendement des règlements édictés sous  l’Investment Property Act, la loi qui régit le ‘Invest Hotel Scheme’. Lutchmeenaraidoo va finir par changer les règlements pour permettre aux hôtels existants de vendre leurs chambres à des étrangers.

Mais SAJ et son fils ont compris une chose cruciale : il faut qu’ils aient une mainmise complète sur les Finances. Se servant du scandale Euroloan comme pretexte, ils vont envoyer Lutchmeenaraidoo paître aux Affaires Étrangères. Mais ce dernier va prendre la porte de sortie en mars 2019 avec son célèbre « Enough is enough ! » SAJ va occuper le portefeuille des Finances dans un premier temps, mais après le deal Papa-Piti, c’est Pravind Jugnauth qui lui succèdera.

Après les changements aux règlements apportés par Lutchmeenaraidoo, Mauriplage Beach Hotel, représentée par Sanjeev Ramdenee, va vendre 34 des 65 villas de Maradiva à Mauriplage IHS One Ltd, représentée par sa soeur Kobita Jugnauth. À Rs 28 millions l’unité, cela répresente une transaction d’environ un milliard. Mauriplage IHS One Ltd est une entité créée en 2011, en anticipation de tout amendement à l’Investment Poperty Act.

La pression des banques diminue. La SBM et la MCB leur accorde du temps de faire leur campagne de promotion. On verra ainsi Sanjeev Ramdenee sur le tapis rouge du Festival de Cannes, au lancement du film flop Serenity et dans d’autres évènements internationaux. Une campagne de promotion dont le financement reste obscur, il faut le souligner. Selon la vidéo, dans certains de ces voyages, Ramdenee sera accompagné par des cadres de la SBM aisni que par Anil Gayan. Le but : vendre des villas à des étrangers, avec un passeport mauricien à la clé.