Dauphins morts sur le littoral sud-est : À quoi d’autre doit-on s’attendre ?

 

L’ile Maurice assiste avec consternation à la mort de plusieurs dauphins sur nos côtes. Bien que la cause exacte de ces morts doit être établie avec certitude par des experts indépendants,  il faudrait se poser la question si on a bien nettoyé la proue  du Wakashio de ses résidus toxiques avant de le saborder. Hélas, l’hécatombe va sans doute se poursuivre pendant un certain temps, selon les écologistes, avec d’autres espèces marines qui vont aussi connaître le même sort funeste. En outre, l’impact sur le littoral va persister pendant encore un bon bout de temps. Mais rien n’est perdu, selon les écologistes…

Dauphins morts : a-t-on nettoyé la proue du Wakashio avant de la saborder ?

À l’heure ou nous mettions sous presse, 38 dauphins (il s’agirait plutôt de marsouins, un cétacé très proche du dauphin, selon une information non confirmée) ont été retrouvés mort sur les plages du sud-est de l’ile, notamment à Pointe-aux-Feuilles, Grand-Sable et Petit-Sable, une hécatombe qui survient après l’échouage du vraquier MV Wakashio et le déversement d’hydrocarbures.

Durant la conférence de presse hâtive du ministre de la Pêche, Sudheer Maudhoo le mercredi 26 août, le jour où 18 dauphins avaient été retrouvés morts, le ministre avait expliqué qu’aucune trace d’hydrocarbure n’avait été détectée sur les dauphins morts.

La question sur toutes les lèvres : est-ce le déversement d’huile qui est la cause de la morts de ces cétacés, comme tout porte à le croire, ou doit-on prêter foi aux affirmations du ministre ?

Selon un  préposé du ministère de la Pêche, une nécropsie (autopsie sur animal) sera pratiquée sur tous les dauphins morts. Une partie a déjà été nécropsiée à Réduit. Selon des indications préliminaires, plusieurs blessures ont été retrouvées sur les dauphins. Le préposé en question maintient qu’aucune trace d’huile lourde n’a été retrouvée. Toutefois, un rapport du Forensic Science Laboratory (FSL) est attendu pour savoir les causes exactes de décès de ces mammifères marins.

Toutefois, Sunil Dowarkasing, écologiste, est catégorique : la mort des dauphins n’est pas une coïncidence, et ne peut être dissociée du naufrage du Wakashio. « Il est impossible que ce soit une coïncidence, tous ces dauphins morts juste après cette catastrophe », lance-t-il. Pour lui, il est important de permettre les autres acteurs, non-gouvernementaux, de faire un suivi de cette affaire, cela pour éviter des « one-sided reports ». Les doutes se persisteront si des contre-autopsies ne sont pas effectuées, maintient-il.

Il avance une explication possible pour cette hécatombe. La proue du Wakashio a été coulée, mais s’est-on assuré qu’elle a été nettoyée convenablement ?  Y-a-t-il toujours des résidus toxiques dans cette épave au fond de la mer ? « Si cette épave n’a pas été nettoyée, c’est évident qu’il y aura des répercussions nocives », affirme-t-il.

« Les dauphins sont des animaux intelligents. En cherchant refuge, ils sont venus sur nos côtes », poursuit l’écologiste. Toutefois, d’autres animaux marins ont peut-être perdu la vie, sans que nous le sachions, et ce que nous avons vu n’est que le minimum.

L’impact se fera ressentir pendant des années

Par ailleurs, quel sera l’impact à long terme de ce déversement d’huile dans nos lagons ? Beaucoup d’écologistes se montrent pessimistes, et ont fait ressortir que « Ce n’est que le début ». Que doit-on comprendre par là ?

Sunil Dowarkasing nous apporte quelques éclaircissements sur ce sujet. Il nous fait comprendre que ce qui s’est passé  à Mahébourg s’est déjà produit ailleurs. Se basant sur cela, il affirme que certains impacts de la catastrophe vont persister pendant des décennies.

Il prend l’exemple d’un naufrage qui avait eu lieu en 2004 en Alaska. À peu près la même quantité d’huile avait été déversée en mer. Or, 16 ans après cet incident, les effets secondaires existent toujours.

Pour le Wakashio, Sunil Dowarkasing pense que certains effets seront ressentis pour les prochains 5 ou 6 ans. Tout dépend de la quantité d’hydrocarbures qui s’est infiltrée dans la vie marine. Des évaluations doivent être ainsi faites pour déterminer la gravité de cette infiltration dans les eaux. Toutefois, il y aura des réactions biologiques et chimiques qui ne seront pas visibles.

Un processus de restauration doit être mis sur pied

Est-il trop tard ? Que peut-on faire pour atténuer les dégâts ?

Sunil Dowarkasing affirme qu’un processus important de restauration doit être ainsi mis sur pied, mais qu’il faudrait une approche plus scientifique.

Il faut faire un « assessment » des dégâts d’abord, et il faut un travail plus structuré. « C’est un travail de longue haleine. On entend dire qu’il y a 103 experts, mais on ne sait pas qui fait quoi », lâche l’écologiste. Il demande ainsi à ce qu’il y ait plus de  transparence durant la restauration du lagon.

Le lagon est vaste, ce qui nécessite un ‘zoning’, ou l’élaboration d’une carte des différentes zones. De plus il faut avoir un ‘constant monitoring’,  par un rapport de l’état du lagon chaque trois ou six mois, par une équipe permanente.

À ce moment, nous pourrions savoir comment restaurer nos lagons. Par exemple, on saura s’il faudrait replanter les mangroves.

 

 

Les effets des hydrocarbures sur la santé des gens

Est-ce que le déversement du fioul peut affecter la santé des riverains et d’autres personnes ? Nous avons fait le point avec le Dr. Oaris, directeur de la Chisty Shifa Clinic.

Selon lui, l’huile n’est pas à 100 % toxique mais dégage des effluves, avec de différents niveaux de toxicité, qui peuvent se révéler dangereux pour les gens qui ont déjà des maladies respiratoires, comme par exemple les asthmatiques.

Mais pour des adultes n’ayant pas de problème de santé, il n’existe pas trop de risques de contracter des maladies, s’ils ne sont pas exposés à ces effluves tous les jours. Il note toutefois que ceux qui respirent ces émanations tous les jours peuvent, à long terme, avoir des complications de santé.

En ce qui concerne les symptômes tels que la nausée ou le vertige, cela est parfaitement normal, notamment pour des personnes délicates qui n’arrivent pas à supporter les effluences du mazout.

Il rassure en affirmant qu’on ne va pas contracter le cancer du jour eu lendemain. Il faudrait que les gens respirent cet air toxique pendant des mois et des mois pour qu’il y ait une chance de développer le cancer. « A long terme, oui, avoir le cancer est possible », nous explique le médecin.

Pour éviter toutes sortes de maladie, le Dr Oaris demande à ce que les parents soient vigilants, et ne laissent pas leurs enfants s’aventurer près des zones affectées. Il faudrait aussi éviter de ne pas respirer cet air contenant des relents d’hydrocarbures, et de porter un masque, qui va filtrer en partie les émanations de fioul.

 

Un ennemi invisible : le ‘Very Low Sulphur Oil’

Il est bon de noter que nous avons affaire à un ennemi invisible : le ‘Very Low Sulphur Oil’ (VLSO). C’est un nouveau type de carburant sur le marché, qui est un produit très toxique, encore plus toxique que les fiouls qu’utilisent ordinairement les bateaux. C’est un produit qui a fait son entrée sur le marché mauricien depuis deux ans. De ce fait, les données sur cette hydrocarbure sont rares, et il est ainsi difficile de savoir comment cette huile réagit avec la vie marine.

 

Neevedita Nundowah