Snober un Eliézer François ressemble au renvoi de Mandela à Robben Island
Texte : Quand l’ordre et la paix laissent à désirer (Le Mauricien du 14.8.2024)
Commentaire de Democracy Watch : Relisons cette lettre d’Eliézer François, député de 1967 à 1982, ministre des Terres de 1976 à 1982, observateur averti de notre actualité politique, osant dire tout haut ce qu’il pense. Il est de ceux ayant toujours quelque chose de sensé à nous dire, du moins quand nos derniers journaux lui ouvrent leurs hospitalières colonnes. Il se réfère à une déclaration de Pravind Jugnauth, rapportée par Le Mauricien du 4.6.2024 : « L’instauration du law and order relève autant de la population que de la police et du gouvernement ». Mais depuis, on recrute beaucoup de policiers. Élections imminentes obligent. Eliézer François prévient qu’il ne nourrit aucune haine contre notre police. Plusieurs de ses proches en font d’ailleurs partie. Mais il se croit obligé de se plaindre publiquement du mauvais accueil qu’il reçoit à la station de police d’Abercrombie. Le 4.7.2024, il s’y fait le devoir de signaler un dangereux cas d’obstruction routière. On lui promet de faire le nécessaire. Mais le mal persiste. Empire même. Il relance ses avertissements, comme l’exige son devoir de citoyen. C’est pour se rendre compte que, non seulement les policiers concernés font la sourde oreille, mais qu’il devient aussi leur emmerdeur N°1. Survient la manifestation de Zenfan Ross-Bois (pour que ceux-ci puissent obtenir un emploi au sein de la Cargo Handling Corporation). S’ensuit l’arrestation du président, Johnny Latour. Quand Eliézer François se rend à la police d’Abercrombie pour prendre des nouvelles de ce détenu provisoire, un policier se permet de le menacer de l’enfermer pareillement. Pire encore, la police lui attribue des menaces de trouble de l’ordre public qu’il n’a jamais prononcées. Cela lui vaut pourtant une interpellation et la privation de son passeport.
Depuis la parution de cet article, quinze jours ont passé sans susciter la moindre réfutation. Nous pouvons donc conclure que « qui ne dit mot consent ». Nous savons que maints policiers sont quotidiennement confrontés à des exagérations d’individus, plus ou moins déséquilibrés, qui prennent un malin plaisir à entraver le travail des défenseurs de l’ordre et de la paix. Mais l’on ne saurait ranger un sage de la stature d’Eliézer François en pareil registre. Sa vaste et longue expérience, tant parlementaire que ministérielle, plaide en sa faveur. La population s’attend à ce que tout policier digne de ce nom, tienne compte de doléances aussi responsables. Soutenons même que tout chef d’une réelle force policière, a fortiori un ministre de l’Intérieur qui se respecte, aurait jugé bon de prendre contact, personnellement ou par collaborateur interposé, avec un tel sage pour en savoir plus sur cette polémique et recueillir son précieux avis sur la question. Cela démontrerait seulement que le pouvoir est à l’écoute de ce que pense la population. L’A.B.C. de toute démocratie bien comprise. Quand on maltraite un Eliézer François, qu’en serait-t-il d’un Ti-Dimounn, ne disposant pas d’un bon acte de naissance ? La mésaventure qu’a vécue ce politicien continuant malgré son âge avancé à défendre les droits des habitants de Maurice, n’est pas sans rappeler ce temps honni de l’oligarchie et du colonialisme le plus abject car anglais, quand seuls avaient voix au chapitre ceux ayant leurs grandes et petites entrées au pouvoir, tellement exclusif d’alors. Hier, il fallait montrer patte blanche pour accéder au château du Réduit ou à l’Hôtel du Gouvernement. Depuis l’orange sied mieux que le blanc d’avant-guerre. Mais l’oligarchie reste l’oligarchie. Il y a toujours ceux devant lesquels les chefs de département s’aplatissent et les autres qu’on menace de cachot. Nous ne pouvons obliger aucun ministre, aucun haut fonctionnaire, d’avoir des égards pour la sagesse citoyenne d’un Eliezer François. Mais quand on snobe un Mauricien aussi émérite, c’est Nelson Mandela qu’on renvoie à Robben Island. Puissent les générations futures nous pardonner cette lâcheté tellement vile.
Nous acceptons que seulement 4% de 504 000 tonnes de déchets soient recyclées
Texte: Environnement. Gestion des déchets. Kavy Ramano : « Mare-Chicose est un mal nécessaire… Ce n’est pas normal que Maurice recycle seulement 4% des 504 000 tonnes annuelles de déchets entassés désormais verticalement » (Le Mauricien du 14.8.2024)
Commentaire de Democracy Watch : Intéressante et prometteuse constatation du ministre chargé de la sauvegarde de la nature. Malheureusement, elle vient tardivement car les prochaines législatives sont imminentes. Nous ne pouvons même pas dire « mieux vaut tard que jamais » car réel est le risque que le successeur de KR prenne autant de temps que lui pour parvenir au même constat en… 2029. N’importe quel écolier, pour peu qu’on sollicite son avis, vous répondra que si 4% est insuffisant, il suffit d’augmenter rapidement ce pourcentage, en cherchant prioritairement ce qui, dans la loi de l’offre et de la demande, bloque cet exercice de recyclage de nos déchets, pourtant prioritaire. Il ne faut pas non plus être grand clerc pour deviner que si les entrepreneurs et opérateurs ne se bousculent pas au portillon, c’est parce que la rentabilité de tout exercice de recyclage de déchets demeure tristement incertaine, alors que les tabous à surmonter sont plus élevés que l’Everest. Mais comme cette opération est éminemment d’utilité publique, l’État, autrement dit les députés que nous avons plébiscités le 7.11.2019, se devait prioritairement de prévoir les subsides publics requis mais durablement garantis, pour décider des entrepreneurs à oser se lancer dans une véritable œuvre de salut public, mais désespérément aventureuse. Ce n’est même pas un problème financier car les ministres savent déjà siphonner l’argent des contribuables, même à des fins partisanes. Et quand le privé fait le mort, le secteur public doit prendre l’initiative. L’extension verticale de ce dépotoir indique suffisamment que nous avons atteint un stade de non-retour et que, sans solution innovante, nous décuplons les risques d’une pollution du sous-sol concerné, pouvant devenir irrémédiable, y compris pour le lagon du Grand-Port. Qui veut la fin veut les moyens. Tout gouvernement, voulant sincèrement améliorer cette piètre performance de seulement 4% de 504 000 tonnes annuelles de déchets, se doit donc d’aider les volontaires à cette urgente œuvre de salut public à surmonter leurs appréhensions financières.
Il y a aussi un problème à résoudre urgemment de l’autre côté de la chaîne. Il s’agit de l’habitude citoyenne du tri des déchets domestiques. Qui veut, en août 2024, trier ses déchets domestiques, en vue de faciliter leur recyclage, ignore trop souvent où il doit déposer ses déchets en plastique, en verre, en papier ou en métal. Des supermarchés, offrant jadis de vastes poubelles pour ces différents déchets, les ont éliminées, car dans certains cas les déchets déjà triés étaient ramassés ensemble dans le même camion ! Pourquoi des bâtiments publics, disposant d’aires de stationnement suffisamment vastes, ne donneraient-ils pas le bon exemple, en mettant à la disposition du public ces grandes poubelles pour déchets dûment triés par les citoyens les plus consciencieux ? L’école peut aussi être d’un grand secours. Elle peut initier ses élèves aux avantages du tri des déchets. Elle peut les inciter à déposer des déchets domestiques dans l’enceinte scolaire elle-même. Elle peut les encourager en leur offrant un gadget pouvant les inviter à faire ce pas décisif. Laissons à ces enfants le soin de désigner l’objet convoité pouvant les aider à devenir de futurs citoyens responsables. Des prix trimestriels suffisamment substantiels à remettre à l’école la plus performante pourraient aider les directions scolaires concernées à sortir le grand jeu pour ne pas être surpassées par la concurrence. Et si cela marche dans le primaire, pourquoi ne pas l’étendre au préscolaire, au secondaire et même à la formation universitaire et technique ? Et repenser le ramassage d’ordures par les collectivités locales. Et leur recyclage. L’imagination au pouvoir peut résoudre bien des problèmes qu’on pensait désespérément insolubles. Il s’agit après tout de la bonne vieille politique de la carotte, précédant judicieusement celle du rotin bazar.
Par DWM Team