Détenu pendant 467 jours pour une substance qui n’était pas de la drogue : Plus de Rs 56 millions réclamées comme dommages moraux

Un jeune de 27 ans, Shah-Baaz Choomka, dit avoir subi un véritable calvaire aux mains de l’ADSU. Il a été arrêté, battu et torturé avec un ‘shocker’ électrique, et a passé 15 mois en détention dans des conditions inhumaines et dégradantes avant que le rapport du ‘Forensic Science Laboratory’ (FSL) ne vienne établir que la substance pour laquelle le jeune avait été arrêté n’était finalement pas de la drogue. Dans une mise en demeure servie à l’État et au Commissaire de police, entre autres défendeurs, le jeune homme réclame plus de Rs 56 millions.

Avant son arrestation, Shah-Baaz Choomka, 27 ans, était étudiant en comptabilité à l’université Curtin à Moka. Le jeune homme, que nous avons rencontré en présence de son avocat, Me  Sanjeev Teeluckdharry, affirme qu’il ne veut plus poursuivre ses études en raison du traumatisme qu’il a subi et qui le hante encore. En effet, il souffre aussi de dépression grave.

Toute cette histoire remonte au 13 juin 2020. Le jeune Shah-Baaz Choomka se trouvait en compagnie d’une femme dont il venait de faire la connaissance, dans un pensionnat à Trou-aux-Biches. Vers 10 h 30 ce jour-là, il entendit frapper à la porte, et la voix d’une femme qui lui disait qu’il n’avait pas pris de savonnette et de serviette. Elle demandait au client d’ouvrir la porte. Celui-ci devait lui dire qu’il n’en avait pas besoin car il avait ses propres savonnette et serviette.

Mais quelques minutes après, il entendit des coups sans arrêt sur la porte qui s’ouvrit à la volée. Une dizaine d’hommes pénétrèrent dans sa chambre, dont certains étaient encagoulés. Les hommes commencèrent à le tabasser brutalement et sans répit. En dépit de ses supplications et de ses cris, ses agresseurs ne s’arrêtèrent point. Leur brutalité continuait de plus belle.

Au même moment, un des hommes retira du sac à main de la femme, G.J, des colis. Le jeune Shah-Baaz apprenait alors de ses agresseurs que ces colis contenaient de la drogue. Sa torture continuait de plus belle et ses agresseurs voulaient qu’il avouât que ces colis qui, selon eux, contenaient de la drogue, lui appartenaient.

Selon la mise en demeure, le plaignant avait reçu un choc électrique dans ses parties intimes avec un ‘shocker’. Les policiers devaient même plonger sa tête dans la cuvette des WC, et tiraient la chasse d’eau sans arrêt.

Menotté, le plaignant avait été transporté à bord d’un fourgon de la police. Les policiers devaient continuer à l’agresser jusqu’à son arrivée aux Casernes centrales. Aux Casernes, on avait continué de l’agresser avec des chocs électriques et avec des coups de matraque.

Ses agresseurs devaient même le forcer à chanter pendant qu’une policière filmait la scène en rigolant. Selon le plaignant, les officiers de police Appasamy et Vydelingum lui demandaient de les faire amuser, sinon ils continueraient à le torturer. Il dit avoir été profondément humilié. Les policiers devaient totalement ignorer sa version des faits, à l’effet qu’il ne savait rien à propos de ces colis.

Transféré dans une cellule après, le plaignant dit avoir été agressé par l’Inspecteur Appasamy à l’aide d’un bâton de serpillère. Sa requête de se faire assister par son homme de loi a été rejetée. Son portable ayant été saisi, il ne pouvait informer ses parents. Une fouille avait été effectuée à son domicile à Pointe-aux-Piments, mais rien d’incriminant n’a été trouvé.

Transféré à l’ADSU de Rose-Belle, il avait été de nouveau torturé pour avouer qu’il est bien le propriétaire de ces colis. Ce qu’il a refusé de faire. Les policiers l’ont obligé à apposer sa signature sur une enveloppe contenant son portable et sur une autre contenant ces colis qu’ils disaient être de la drogue. Dans un premier temps, il devait refuser de signer cette deuxième enveloppe, mais un officier de police l’avait alors menacé en ces termes : « To envi gagn kout torche [NdlR : appareil à impulsion électrique] encore ? ». Il avait alors obtempéré afin de ne plus être torturé.

La police a ensuite logé trois charges provisoires contre lui relatives au trafic de drogue, notamment possession d’héroïne, d’amphétamine et de drogue synthétique avec l’intention de distribuer ces substances. Elle avait objecté à la remise en liberté du prévenu pour des raisons non valables, selon son avocat. Pour lui, la police agissait délibérément pour priver son client de sa liberté.

Il avait comparu devant la ‘Bail & Remand Court’ (BRC), où le ‘presiding magistrate’ de cette instance, qui a été cité comme codéfendeur, devait rejeter sa demande de remise en liberté provisoire le 29 septembre 2020. Malgré une directive de la Cour suprême en date du 1er mars 2021, qui l’invitait à reconsidérer son ‘ruling’, le magistrat devait camper sur sa position dans un autre ‘ruling’ le 6 avril 2021.

Shah-Baaz Choomka avait été incarcéré à la ‘New Wing’ mais par la suite, il fut transféré à la prison de Beau-Bassin en raison de son état de santé le 2 juillet 2020.  Il avait été détenu dans des conditions inhumaines et éprouvantes où sa sante a été gravement affectée. Depuis sa libération, il souffre d’infection et d’un système immunitaire affaibli.

Ce n’est que le 24 septembre qu’il a été relâché après que le ‘Forensic Science Laboratory’ (FSL) ait certifié que les substances saisies n’étaient pas de la drogue. Ce qui fait que Shah-Baaz Choomka a passé 467 jours en détention sans aucune raison valable. Qui plus est, le FSL avait inexplicablement tardé à soumettre son rapport. Me Sanjeev Teeluckdharry avait demandé une copie du rapport du FSL, mais sans succès.

Après tous les agissements de la police dans cette affaire, son client a finalement été libéré 15 mois après son arrestation et n’a payé aucune caution, sauf une somme de Rs 1 150 comme frais de dossier, et aussi il doit se présenter chaque lundi entre 6h et 18h au poste de police de Triolet. La charge finale retenue contre lui est libellée comme suit : « attempt to possess dangerous drugs », ni plus ni moins. Selon son avocat, il s’agirait là d’un « abuse of prosecutorial powers  and a coulourable device to further persecute him ».

Pour toutes ces raisons, la défense réclame des dommages « in solido » de tous les plaignants précités. Ils ont un mois pour se plier à la demande formulée par voie de cette mise en demeure, faute de quoi la défense logera une plainte en Cour suprême pour rechercher réparation. La mise en demeure, rédigée par l’avoué Vasanta Atmarow, est dirigée contre l’État à travers l’Attorney General, le Commissaire de police, le Directeur des poursuites publiques, l’inspecteur Appasamy et le sergent Vydelingum, ces deux derniers postés à l’ADSU de Rose-Belle. Le ‘presiding magistrate’ de la ‘Bail & Remand Court’ (BRC), la ‘National Human Rights Commission’ (NHRC), l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) et le directeur du ‘Forensic Science Laboratory’ (FSL) ont été assignes comme codéfendeurs. Plus de Rs 56 millions sont réclamées « in solido » car selon la défense, le plaignant a subi de graves préjudices alors qu’il était innocent.

À noter qu’aucune charge n’a été retenue contre la dénommée G.J ni a-t-elle fait l’objet d’un interrogatoire malgré le fait que ces produits illicites ont été saisis dans son sac à main, ce qui laisse la porte ouverte à toutes sortes d’interrogations.

ASH