[Dialyse à Maurice] Un parcours semé d’embûches pour les patients

L’île Maurice fait actuellement face à un problème préoccupant concernant la prise en charge des patients nécessitant une dialyse. Approximativement 1 500 sont concernés. Cette situation met en lumière des défaillances dans le système de santé et soulève des inquiétudes quant à la qualité des soins prodigués aux patients souffrant d’insuffisance rénale. Bose Soonarane, secrétaire de la Renal Disease Patients Association (RDPA), nous expose les défis auxquels ils sont confrontés.

Selon lui, le processus normal de préparation à la dialyse implique l’implantation d’une fistule artério-veineuse, ce qui nécessite une intervention chirurgicale mineure suivie d’une période de cicatrisation de 6 à 8 semaines. Cette méthode est considérée comme la plus sûre et la plus efficace pour les patients dialysés à long terme. Cependant, la situation actuelle à Maurice est loin d’être idéale. Un nombre alarmant de patients, estimé à une cinquantaine selon Bose Soonarane, se trouve actuellement sur liste d’attente pour cette intervention dans les hôpitaux publics. En conséquence, ils sont contraints de se voir poser des cathéters au niveau du cou ou dans la jambe pour leur dialyse, une solution temporaire qui comporte des risques significatifs pour leur santé. « Le souci, c’est que le cathéter est un corps étranger introduit dans l’organisme, ce qui comporte de gros risques d’infection », explique-t-il. Ces infections peuvent aller d’une simple complication traitée par antibiotiques à une septicémie potentiellement mortelle.

Le problème semble être généralisé à travers l’île, touchant tous les centres de dialyse. Le secrétaire de la RDPA estime que cette situation pourrait s’expliquer par l’absence ou le départ en retraite d’un ou de plusieurs chirurgiens vasculaires à Maurice, ainsi qu’à une mauvaise gestion de la part du ministère de la Santé qui aurait laissé la liste d’attente s’allonger de manière incontrôlée. Les perspectives à court terme sont peu encourageantes. Selon les informations fournies par le ministère de la Santé, la situation pourrait persister jusqu’à la fin de l’année, voire jusqu’au début de 2025, compte tenu du temps nécessaire pour l’implantation des fistules et leur cicatrisation. Cette attente prolongée expose les patients à des risques continus et inacceptables.

Face à cette crise, le ministère de la Santé semble envisager des solutions temporaires. Selon Bose Soonarane, une des propositions serait de faire venir les patients à l’hôpital du Nord, afin que l’implantation de la fistule soit faite par un chirurgien cardiaque. Bien que cette solution puisse sembler répondre à l’urgence de la situation, elle n’est pas sans conséquences. « Pu deshabille St Pierre pu habille St Paul la », souligne-t-il. Cette solution ne fait que déplacer le problème, potentiellement au détriment des patients cardiaques. Bose Soonarane évoque une autre option, mais coûteuse : « Il est possible de faire cette intervention dans le secteur privé, mais cela coûte plus de Rs 30 000, ce qui n’est pas à la portée de tous. Quand les hôpitaux publics sont censés offrir des soins gratuits, pourquoi les patients devraient-ils se tourner vers le privé ? Ce n’est pas normal. »

Service dégradé sous Jagutpal, contrairement à sous le règne de Navin Ramgoolam

Bose Soonarane évoque le fait qu’il existe désormais des médicaments qui permettent de corriger le taux de sucre et d’empêcher la fonction rénale de se dégrader. Mais il soulève des inquiétudes concernant l’efficacité et la qualité de ceux fournis dans les hôpitaux publics mauriciens. « Il s’agit souvent de contrefaçons ne respectant pas les normes, choisis principalement pour leur faible coût. Cette situation a conduit à une perte de confiance dans le système de santé public, poussant de nombreux patients à se tourner vers le secteur privé pour leurs médicaments, malgré les coûts de plus en plus élevés », explique le secrétaire de la RDPA. Il souligne l’importance de fournir des médicaments de qualité, certifiés par des organismes reconnus tels que la Food and Drug Administration (FDA). Concernant la dégradation des services proposés dans les hôpitaux, il met directement en cause Kailesh Jagutpal, le ministre de la Santé. « Avant, les patients dialysés recevaient des produits de qualité sous le gouvernement travailliste, avec Navin Ramgoolam au pouvoir. Aujourd’hui, la situation s’est dégradée. Pravind Jugnauth promet des médicaments gratuits, mais comment cela va-t-il fonctionner en pratique ? Les pharmacies privées pourront-elles gérer autant de prescriptions ? »

La situation actuelle met en lumière la nécessité d’une refonte complète du système de santé mauricien. Il est urgent d’augmenter la capacité d’implantation des fistules artério-veineuses, d’améliorer la qualité des médicaments fournis, et de mettre en place des stratégies de prévention plus efficaces pour les maladies chroniques telles que le diabète et l’hypertension, qui sont souvent à l’origine des insuffisances rénales. Face à ces défis multiples, Bose Soonarane et son association appellent à une action immédiate et concertée de la part des autorités sanitaires mauriciennes. L’objectif est clair : garantir des soins de qualité et sécurisés pour tous les patients dialysés de l’île, et plus largement, améliorer l’ensemble du système de santé pour le bénéfice de tous les Mauriciens.