Dossier : Six mois après la publication du rapport de l’Audit…

Le Public Accounts Committee dénonce les gaspillages à gogo  

Le rapport du Public Accounts Committee (PAC) a été rendu public ce mardi 19 septembre. Cela après dix-huit mois de travail, où  les comptes de divers départements du gouvernement ont été épluchés. Présidé par Aurore Perraud (PMSD), le PAC a mis l’accent sur le rapport de l’Audit de mars dernier, en vue d’éliminer les lacunes majeures qui ont été décelées, afin d’assurer une meilleure gestion de l’État. «The objectives of the recommendations contained in this Report are, admittedly, to ensure that the shortcomings highlighted be addressed with the degree of importance they deserve and not to fall on deaf ears », a souligné le PAC.

Divers départements du gouvernement sur la sellette

Force policière : Fraudes et irrégularités pour les années 2009 à 2013

C’est avec beaucoup d’intérêt que le PAC a évoqué dans son rapport le cas du policier soupçonné d’avoir détourné Rs 33 millions de la caisse de la police. Anomalie de taille : après avoir été suspendu de ses fonctions, le policier perçoit toujours son salaire, car à ce stade l’enquête n’a toujours pas été bouclée. À ce jour, uniquement Rs 10 millions ont pu être récupérées.

Le PAC recommande à la force policière d’accélérer l’enquête sur cette fraude et de traduire le ou les coupable(s) devant la justice le plus rapidement possible.

Aussi, le PAC préconise de faire appel à des experts financiers qui pourront conseiller la force policière sur la mise en place d’un système de contrôle interne et d’un système informatisé, la séparation des tâches et met l’accent sur la formation du personnel administratif et financier.

Le PAC recommande également le remplacement sans frais ou le remboursement total du véhicule opérant à distance acquis au coût de Rs 12,9 millions en septembre 2014, bien que des défauts étaient visibles. Actuellement inutilisable, le fournisseur avait proposé de remplacer le véhicule, moyennant un coût supplémentaire de Rs 1,5 million. D’ailleurs, la police n’a jusqu’à présent pas procédé avec le remplacement du véhicule, en dépit des recommandations du State Law Office (SLO).

Projet School Net II

Le comité critique la décision du ministère de l’Éducation et celle des Technologies, de l’information et de la communication en ce qui concerne le School Net II Project, d’avoir payé la totalité du montant de Rs 88,5 millions, avant même que le système ne soit complètement opérationnel.

Selon le PAC, le gouvernement a investi Rs 135 millions pour l’acquisition de 26 100 tablettes pour les étudiants de la Form V en juillet 2014. Un deuxième contrat a été octroyé en mai 2015 pour un nouvel achat de 23 400 tablettes additionnels, pour un montant de Rs 108,5 millions.

En septembre 2015, le ministère avait attribué le contrat à hauteur de Rs 122,5 millions pour le projet School Net II à un contractant du privé, afin de fournir une connectivité à haut débit et de connecter toutes les écoles secondaires à Maurice et à Rodrigues, les bibliothèques publiques et le Mauritius Institute of Education au Government Online Center (GOC).

Alors que l’élément ‘hardware’ du projet devait être réalisé sur 3 phases pour 163 sites différents pour un montant de Rs 88,5 millions. Le contrat était pour une d’une durée de 12 mois et 54 à 55 sites devaient bénéficier d’une connectivité et de commandé tous les 4 mois pour chaque phase.

Le comité fait ressortir que le projet n’a pas été surveillé de près par les officiers du Central Informatics Bureau.  Le paiement de Rs 22,1 millions a été approuvé, entraînant une variation de Rs 0,9 millions bien que la Division des systèmes centraux d’information ait confirmé que les tests de télécommunication avaient échoué pour 23 des 54 sites sur les 55 au cours de la mise en œuvre de la phase I.

Les termes du contrat n’étaient pas clairs pour le paiement de la location de connectivité Internet internationale s’élevant à 34 millions de roupies pour 24 mois après que le système a été mis en ligne.

Le PAC révèle aussi qu’il y a eu un manque de coordination entre le ministère de l’Éducation et celui des TICs.  Et d’ajouter que la plupart des tablettes ne sont plus opérationnelles en raison des problèmes de  connectivité.

Le comité demande qu’une évaluation urgente de la qualité des travaux achevés soit entreprise et qu’une nouvelle portée des travaux soit définie de manière à ce que les travaux en cours soient achevés en interne ou par un entrepreneur compétent pour optimiser le retour sur investissement.

Ministère du Transport : 588 cas de sous-paiement des ‘licence fees’

Le rapport révèle que la NTA a échoué à mettre en œuvre un mécanisme adéquat pour que les propriétaires de véhicules se conforment strictement aux procédures relatives aux modifications de moteurs. Par conséquents, 5 163 cas de falsification ont été référés à la police pour enquête. Le comité déplore que les responsables de la NTA n’aient pas fourni une mise à jour sur l’issue des cas faisant l’objet d’une enquête.

Par ailleurs, le rapport avance 588 cas de sous-paiement des ‘licence fees’,  entraînant un déficit de Rs 1,9 millions.

Une enquête demandée sur le ‘Student Identity Pass’

Le PAC demande à ce qu’une enquête soit menée auprès du ministère des Transports et des Infrastructures publiques pour avoir prolongé le contrat des cartes d’étudiants au même fournisseur sur une période consécutive de trois ans et ce contre l’avis du Public Procurement Office.

L’école Beaugeard : destrcution de patrimoine et gaspillage

La rénovation de l’ancienne école primaire Beaugeard, classé comme bâtiment du patrimoine, a été qualifiée comme un projet de gaspillage total des fonds publics. Environ Rs 14 millions ont été dépensées pour la rénovation et la plupart des matériaux achetés ont été volés alors que le reste ne peut plus être utilisé. Le PAC est d’avis que des mesures doivent être entreprises pour la préservation des monuments historiques et qu’il faut avoir un contrôle strict par le ministère sur les matériaux enlevés par les entrepreneurs de travaux. Ils ont aussi recommandé une restructuration du département en charge des projets d’infrastructures. 

Rs 489 millions d’arrérages sur les baux de terres

Rs 489 millions d’arrérages, dues au gouvernement, ont été notées pour l’année se terminant au 30 juin 2016. Une perte de revenus s’élevant à Rs 424 859 998 a été constatée en raison d’une négligence du ministère par rapport aux procédures de signature des contrats des baux.  Des facilités de paiement avaient été accordées à 14 détenteurs de baux au coût de Rs 82,281,410.53.

Afin d’assurer le suivi des dossiers et de résoudre ce problème, le comité propose que le ‘Digital State Land Register’ devrait être pleinement opérationnel. Ils préconisent aussi la mise sur pied d’un nouveau ‘Revenue Collection System’’ afin d’assurer le transfert des revenus auprès de la MRA pour assurer le suivi des dossiers.

Heritage City : pas de lancement d’appel d’offres

Le rapport a révélé qu’un contrat de Rs 155 millions avait été alloué à une compagnie privée sans passer par les procédures de lancement d’appel d’offres. Vers la fin d’août 2016, Rs 40 millions ont été déboursées à Stree Consulting, mais un manque de suivi quant à ce paiement est à déplorer.

Aussi, Rs 7.2 millions ont été payées aux membres du ‘board’ de la compagnie The Heritage City, qui  est une compagnie étatique, malgré que le projet Heritage City a été mise de côté. De plus, cette compagnie n’a pas fourni d’‘Annual Report au Registrar of Companies au 31 juillet 2019.

Surpaiement du loyer à la SICOM Tower

Le rapport a révélé que le gouvernement devait louer des emplacements d’une superficie de 161 036 pieds carrés de la SICOM Tower mais que 137 000 pieds carrés ont été alloués au gouvernement par la SICOM Tower. Cela démontre qu’on a payé en surplus pour 24 036 pieds carrés. Qui plus est, il a été noté que plusieurs de ces bureaux n’ont pas été utilisés et que les officiers concernés n’ont pu fournir des explications quant à ces bureaux inutilisés.

Bal des ‘Grants’

Rs 172 millions ont été offertes comme ‘Grants’ aux institutions sous ce ministère sans qu’il y ait eu un suivi. Ainsi, pas de ‘grant memorandums’ parfois,  et dans les cas où ce document a été signé, les conditions n’ont pas été suivies à la lettre.

Il a ainsi été recommandé qu’une ‘full inquiry’ soit effectuée pour faire la lumière sur le Heritage City Project et de revoir les procédures pour avoir un ‘Grant’.

*****************

Hors-texte

Rodrigues Regional Assembly

L’île Rodrigues n’a pas été oubliée dans le rapport du PAC. Une délégation était là-bas pour passer  en revue la période du 1er janvier 2015 au 30 juin 2017. Le comité a ainsi décelé les anomalies suivantes ayant trait aux terres de l’État à Rodrigues :

  • L’absence d’un ‘Master State Land Register’;
  • Des informations incomplètes quant aux baux (‘leases’) ;
  • Pas d’améliorations dans les revenus ;
  • La lenteur des applications ;
  • Une manque des directives pour une meilleure gestion ;
  • Des arrérages sur les revenus.

De ce fait, les recommandations sont axées plus sur le renforcement du personnel pour remédier  à ces problèmes. Le Rodrigues Cadastral Office doit s’équiper de personnel compétent qui pourra y apporter une contribution positive.

L’achat de l’hôtel Pointe Venus, un établissement délabré

L’hôtel Pointe Venus avait  été acquis pour la somme de Rs 55 millions en marge du projet Technopole. Pendant une visite des lieux, les officiers du PAC ont été choqués de l’état délabré de cet hôtel, et ainsi, un terme a été mis au projet.

Une enquête urgente a été recommandée et provision doit être faite pour le maintien de ce lieu pour qu’il puisse être revendu.

 Réactions

Radha Krishna Sadien : « Il faut remonter jusqu’aux responsables »

Pour Radha Krishna Sadien, président de la Government Service Employees Association (GSEA), il faut cibler les responsables qui sont directement liés à ces gaspillages des fonds publics, que ce soit des conseillers, les fonctionnaires, les hauts cadres, voire les politiciens. « Il est vrai que le PAC vient dénoncer les manquements au niveau administratif, surtout ne ce qui concerne l’utilisation des fonds publics. Il doit y avoir une enquête afin de remonter jusqu’aux responsables de ces exemples de  mauvaise gestion, sinon le rapport n’a pour but que de calmer l’opinion publique et ne tiendra pas la route », affirme-t-il

Le syndicaliste est d’avis qu’il faut mettre un mécanisme rigoureux afin que ceux ayant été reconnus coupables de ces gaspillages « bizin kapav reponne ». Radha Krishna Sadien suggère que la société civile doit également avoir le droit de faire partie du PAC pour pouvoir soumettre des recommandations. Il recommande ainsi qu’une structure bien organisée prenne des mesures objectives afin d’éviter tout gaspillage et déplore que cet argent gaspillé aurait pu être utilisé à bon escient pour aider les personnes nécessiteuses.

Il affirme également que le PAC doit avoir le pouvoir de prendre les actions nécessaires afin de faire primer la transparence envers le public.

Aadil Ameer Meeah : « Le PAC note les mêmes anomalies chaque année, mais rien ne change »

Le député  du MMM estime que rien ne changera, malgré le rapport annuel de la PAC. « Ce rapport est publié justement pour éclairer où il y a des maldonnes et s’il y a eu des mauvaises décisions de la part de l’État. Cela dans le but de rectifier ces maldonnes pour une meilleure gestion. Cependant, on note les mêmes erreurs chaque année, ce qui veut dire que rien ne change malgré les recommandations de ce rapport. » Il dira aussi que des sanctions doivent être prises dans tous les cas de maladministration.

Aadil Ameer Meeah est aussi d’avis qu’on est très en retard comparé à l’Afrique ou encore l’Inde. « Cela fait plus que 30 ans que les ‘standing orders’ n’ont pas été changés. On a créé un ministère de la Bonne gouvernance qui a pour but de tâcler ces anomalies justement, mais la réalité est tout le contraire. C’est bien que ce ministère ait été créé, mais il doit aussi ‘deliver the goods’. »

À la question de savoir si le PAC doit être plus indépendant ou s’il doit avoir plus de pouvoirs, le député répondra pour la seconde option. « Ce comité est déjà indépendant malgré les ingérences politiques. Toutefois, si on veut qu’il soit plus efficace, plus de pouvoirs doivent lui être dévolus. Ce sera un grand pas en avant si le PAC puisse débattre son rapport au parlement en toute autonomie », estime-t-il.