Ce mardi 10 décembre, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a présenté à l’Assemblée nationale un rapport accablant sur l’état de l’économie, dévoilant les conséquences désastreuses de la gestion de l’ancien régime. Qualifiant cet héritage de « catastrophique », il a dénoncé des manipulations des chiffres, des dépenses irresponsables et une accumulation de dettes qui ont plongé le pays dans une situation financière critique.
Manipulation des chiffres
Les données manipulées par l’ancien régime ont contribué à masquer une réalité économique bien plus précaire.
Année | PIB nominal publié (Mds Rs) | PIB révisé (Mds Rs) | Différence (Mds Rs) |
2023 | 662.9 | 641.3 | -21.6 |
2024 | 734.8 | 698.5 | -36.3 |
• Croissance économique gonflée : Les chiffres du PIB ont été artificiellement augmentés. Par exemple, le PIB nominal de 2023 a été révisé à la baisse de 22 milliards de roupies, tandis que les taux de croissance des secteurs clés, comme la construction, étaient manifestement surestimés.
• Recouvrement post-COVID lent : Contrairement aux affirmations de l’ancien régime, l’économie mauricienne a pris plus de temps que ses pairs à se remettre de la crise liée à la pandémie.
• Dépréciation du PIB en USD : Malgré une reprise nominale, le PIB en dollars américains reste inférieur à son niveau pré-pandémique.
Inflation et dépréciation de la roupie
Période | Inflation cumulée (%) |
2022-2024 | 23.0 |
Seychelles | 2.4 |
L’inflation à Maurice a atteint des niveaux inquiétants, culminant à 10,8 % en 2022 avant de redescendre à 3,7 % en 2024. Cependant, cette baisse ne reflète qu’un effet de base, les prix restant élevés, ce qui érode considérablement le pouvoir d’achat des ménages. Entre 2019 et 2024, plusieurs produits essentiels ont vu leurs prix augmenter de façon dramatique :
– Riz : +34 %
– Poulet congelé : +70 %
– Huile de cuisson : +68 %
La dépréciation de la roupie, qui a perdu 46 % de sa valeur face au dollar depuis 2014, est une cause majeure de cette inflation. En augmentant les coûts d’importation, elle a amplifié la hausse des prix des biens importés. Cette situation a été aggravée par une politique monétaire inadaptée, où les taux d’intérêt locaux n’ont pas suivi les tendances internationales, créant un écart qui a attiré les capitaux vers des actifs étrangers. Ce désalignement a renforcé les pressions sur la monnaie et exacerbé l’inflation.
Évolution de la dette publique
Période / Contribution | Montant (Rs milliards) | Commentaire |
Décembre 2014 (point de départ) | 238,0 | Dette publique brute représentant 59,5 % du PIB |
Juin 2024 | 559,1 | Dette publique brute atteignant 83,4 % du PIB, dépassant le seuil statutaire de 80 % |
Augmentation totale (2014-2024) | 321,0 | La dette a plus que doublé, soit une hausse moyenne annuelle de Rs 32 milliards |
Ex-BAI, Betamax, Neotown | 26,9 | Compensations payées liées à ces cas |
Dépenses liées au COVID-19 | 29,6 | Dépenses extraordinaires pour répondre à la pandémie |
Impact de la dépréciation de la roupie | 19,8 | Augmentation de la valeur de la dette externe |
Projets inutiles et éléphants blancs | Non précisé | Exemple : Metro Express, nécessitant des subventions continues |
Ratio prévu en 2025 | 84,5 % | Dette publique brute prévue à Rs 612,8 milliards en juin 2025 |
• Explosion de la dette publique : De 2014 à 2024, la dette publique brute a doublé pour atteindre 559 milliards de roupies, soit 83,4 % du PIB, dépassant le plafond statutaire de 80 %.
• Projets inutiles : Des dépenses colossales sur des projets qualifiés de “éléphants blancs” ont contribué à alourdir la dette.
• Déficit budgétaire masqué : Le déficit réel pour 2023-2024 était de 5,7 % du PIB, bien supérieur aux estimations officielles de 3,9 %.
Ajustements liés aux GBC dans les exportations de services
Ces ajustements mettent en lumière une surestimation systématique des contributions des GBC, révélant une dépendance excessive de l’économie mauricienne à ce secteur.
Année | Exportations de services (initial, Rs Mds) | Exportations de services (révisé, Rs Mds) |
2021 | 129,6 | 102,2 |
2022 | 210,6 | 176,7 |
2023 | 243,9 | 199,5 |
Gestion calamiteuse de la Mauritius Investment Corporation (MIC)
La gestion de la MIC illustre une politique économique désordonnée, où des décisions précipitées ont accru les risques financiers.
Aspect | Détails |
Création | 2020, en réponse à la crise COVID-19 |
Financement | Émission de Rs 81 milliards par la Banque de Maurice, sans utiliser les réserves officielles |
Objectif principal | Soutenir les entreprises affectées par la crise économique |
Montant approuvé pour investissement | Rs 66,1 milliards |
Montant décaissé | Rs 57,4 milliards (dont Rs 25 milliards pour Airport Holdings Ltd) |
Solde restant | Rs 23,6 milliards |
Critiques | Utilisation de l’impression monétaire, augmentant les pressions inflationnistes et les risques de crédit pour la Banque de Maurice |
Impact sur la Banque de Maurice | Exposition à un risque de crédit significatif et impact potentiel sur la rentabilité en cas de pertes |
Futur de la MIC | Audit approfondi prévu pour déterminer des solutions appropriées |
• Financement inflationniste : Rs 81 milliards ont été injectées par la Banque de Maurice via l’impression monétaire, alimentant l’inflation.
• Investissements risqués : Rs 25 milliards ont été allouées à Airport Holdings Ltd, exposant le pays à des risques financiers élevés.
• Opacité et manque de redevabilité : L’absence d’audit approfondi alimente les craintes d’une mauvaise gestion.
Air Mauritius et autres entreprises publiques
Les entreprises publiques, autrefois des symboles de fierté nationale, témoignent aujourd’hui de graves dysfonctionnements.
Entreprise | Déficit ou pertes | Situation | Détails supplémentaires |
Air Mauritius | Rs 16,5 Mds (déficit cumulé) | Insolvable selon la loi | Accumulation des déficits depuis 2020 en raison de l’impact du COVID-19 et des pertes liées à la vente d’avions |
Metro Express Ltd | Rs 1,2 Mds/an dès 2026-2027 | Incapable de rembourser ses prêts | Prêt de Rs 15,98 Mds sous la ligne de crédit de l’Inde |
Wastewater Management Authority (WMA) | Rs 2,15 Mds (arriérés) + Rs 3,46 Mds (prêts) | Incapable de rembourser ses dettes | Déficit annuel pour 2023-2024 : Rs 527 millions |
Central Water Authority (CWA) | Rs 2,1 Mds (arriérés) + Rs 3,43 Mds (prêts) | En difficulté financière chronique | Déficit annuel pour 2023-2024 : Rs 300 millions |
National Transport Corporation (NTC) | Rs 100 M (prêt de sauvetage) | Vieille flotte de bus réduisant les revenus | Besoin urgent d’investissements pour renouveler la flotte |
Airport of Rodrigues Ltd (ARL) | Rs 781,2 millions (pertes cumulées) | Déficit annuel moyen de Rs 80 millions | Équité négative de Rs 41,9 millions |
Mauritius Multisports Infrastructure Ltd | Rs 5,28 Mds (coût total) | Dépendance à des subventions | Subvention récurrente : Rs 101 millions pour 2024-2025 |
State Trading Corporation (STC) | Rs 3,41 Mds (déficit stabilisation des prix) | Dépendance aux subventions | Déficit prévu pour 2025 : Rs 2,15 Mds |
Faiblesses du marché du travail
• Sous-utilisation des compétences : En 2023, 23 % de la main-d’œuvre était sous-employée, soulignant un grave décalage entre l’offre et la demande de compétences.
• Chômage structurel : Les taux de chômage des jeunes et des femmes restent élevés, limitant les perspectives de croissance.
• Émigration massive : La fuite des cerveaux continue d’épuiser les talents locaux.
Impact sur les générations futures
• Fardeau intergénérationnel : Chaque nouveau-né mauricien hérite désormais d’une dette de 500 000 roupies.
• Erosion de la fiscalité : Les ‘Special Funds’, autrefois une réserve pour les urgences, sont aujourd’hui presque vides.
Les révélations du rapport témoignent de l’ampleur des défis auxquels fait face le pays. Le gouvernement actuel s’engage à restaurer la stabilité économique à travers un plan rigoureux de consolidation budgétaire et une gestion transparente des ressources publiques. Toutefois, cette tâche herculéenne nécessitera la collaboration de tous les Mauriciens pour redresser l’économie et assurer un avenir meilleur aux générations futures.
Navin Ramgoolam : « Ils ont hypothéqué l’avenir de nos jeunes ! »

Dans de son discours marquant à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a mis en lumière les dérives économiques de l’ancien gouvernement, qualifiant son héritage de « catastrophique ». Il a dénoncé une gestion imprudente et des pratiques qu’il a qualifiées de « criminelles envers les générations futures ». «Ils ont grossièrement exagéré les taux de croissance pour faire croire à un boom économique. C’était en réalité un dangereux stratagème politique qui a scellé leur sort », a-t-il ajouté.
Le Premier ministre a aussi pointé du doigt l’explosion de la dette publique, qui a atteint un niveau jamais vu, avec des conséquences graves pour les générations futures : «Chaque nouveau-né hérite aujourd’hui d’une dette de 500 000 roupies. C’est un crime contre nos enfants et nos petits-enfants. »
Il a également dénoncé les révisions majeures du PIB annoncées par Statistics Mauritius : « Le PIB nominal pour 2023 a été réduit de 22 milliards de roupies et celui de 2024 de plus de 36 milliards. Ces manipulations sont un affront à la confiance de la population. »
En conclusion, Navin Ramgoolam a promis des réformes ambitieuses pour restaurer la stabilité économique et alléger le fardeau laissé par l’ancien régime : «Nous allons reconstruire notre économie, mais cela demandera du temps, des sacrifices, et une unité nationale sans faille. »