Ce qui semblait être une banale question parlementaire — portant sur la date de relocalisation de l’Economic Development Board (EDB), l’identité du propriétaire du nouveau siège, les conditions du bail et le montant du loyer — s’est transformé, ce mardi 13 mai 2025, en révélations explosives. En répondant à une interpellation du député Nitish Beejan à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Navin Ramgoolam a mis en lumière un contrat particulièrement lucratif, conclu sous l’ancien régime, au bénéfice d’un entrepreneur bien connu pour sa proximité avec Lakwizinn.
Derrière cette opération, présentée comme une simple réorganisation logistique, se cache en réalité une manœuvre immobilière à plus de Rs 112 millions — dont le principal gagnant est Avinash Gopee, qui dirige le groupe Nundun Gopee, déjà bien ancré dans les réseaux politico-économiques du pays.
Le transfert du siège de l’EDB au 7 Exchange Square, à Ébène, s’est opéré en décembre 2022. Ce qui intrigue d’emblée : l’appel d’offres pour cet immeuble a été lancé en octobre 2018, alors que le bâtiment n’était même pas encore construit. Tous les autres soumissionnaires ont été disqualifiés, et c’est PSH Investment Ltd qui a raflé la mise. Son propriétaire ? Avinash Gopee, via sa société mère NG Holdings Ltd, selon les informations obtenues auprès du Corporate and Business Registration Department.
Le bail initial, signé en août 2019, prévoit la location de 5 000 m² de bureaux et de 130 places de parking pour une période minimale de dix ans. Bien que l’occupation effective n’ait commencé qu’en décembre 2022 (avec près de deux ans de retard), l’EDB a déjà déboursé Rs 104,9 millions en loyers, auxquels s’ajoutent Rs 7,2 millions en frais de syndic. Un second bail a été signé en mai 2024 pour 170 m² supplémentaires et deux places de parking, à un tarif encore plus élevé : Rs 1 147 par m². Une augmentation de plus de 80 % du tarif initial qui interroge sur la gestion des fonds publics.
Les conditions contractuelles s’avèrent particulièrement avantageuses pour le bailleur. Jusqu’en novembre 2027, l’EDB peut certes mettre fin au bail… mais elle devra continuer à honorer les loyers jusqu’à la fin de la période initiale de dix ans. Autrement dit, une clause de sortie quasi inapplicable, sauf à accepter de gaspiller l’argent public. Ce n’est qu’à partir de novembre 2027 qu’un désengagement avec préavis devient possible, sans pénalités.
« Encore un exemple de favoritisme sous le précédent gouvernement », a lancé Navin Ramgoolam au Parlement, dénonçant des pratiques douteuses et une proximité entre certains hommes d’affaires et l’ancien régime. Si les noms ne sont pas explicitement cités, le message est clair : cette relocalisation porte la marque d’une stratégie de faveur, organisée bien en amont.
Avinash Gopee n’en est pas à son premier contrat public. À la tête du groupe Nundun Gopee Co. Ltd, il a bénéficié d’une série de projets immobiliers liés à des entités publiques — hôpitaux, bâtiments administratifs, projets Smart City, etc. Son nom revient aussi dans plusieurs dossiers controversés : des prêts avantageux de la Mauritius Investment Corporation (MIC), des facilités bancaires généreuses, ou encore la location de bâtiments à des institutions de l’État, parfois avant même leur aménagement. Son profil d’« enfant chéri » du précédent régime n’est donc pas nouveau dans les cercles politico-économiques.
Au-delà de l’indignation que ces révélations suscitent, des questions clés restent sans réponse : pourquoi le marché a-t-il été attribué à une seule société, sans réelle concurrence ? Comment justifier une telle flambée des loyers entre les deux baux ? Et surtout, pourquoi l’État a accepté des clauses aussi rigides et désavantageuses ?
En attendant des éclaircissements, les contribuables, eux, paient. À ce jour, plus de Rs 112 millions ont été englouties dans cette opération immobilière. Et l’addition ne fera que grimper dans les années à venir.