[EDITO] Argent, pouvoir et famille

Par Zahira RADHA

Double-pay les dimanches pour les services essentiels, augmentation au compte-gouttes de la pension de vieillesse, hausse en quatrième vitesse du salaire minimum, allocations CSG à tout bout de champ, révision salariale mal ficelée… Le gouvernement MSM de Pravind Jugnauth est ponctué par le money politics. En panne d’idées nouvelles et novatrices tout au long de ses deux mandats, il pense pouvoir, en cette fin de règne, acheter la conscience du peuple pour se maintenir au pouvoir pour un autre mandat encore. Or, c’est ce même money politics qui sonnera le glas de Pravind Jugnauth et de son gouvernement. Pour plusieurs raisons.

Primo, parce qu’il y a un trop grand laps de temps entre les promesses et leur réalisation, comme la pension de vieillesse qui n’a été concrétisée qu’à la dernière année du mandat actuel, et ce en deux occasions selon la tranche d’âge des bénéficiaires. Secundo, parce que les travailleurs des services essentiels ont dû patienter pendant plusieurs mois avant de pouvoir toucher le fameux double-pay pour les dimanches, et ce après qu’une politique sélective en ait privé une bonne partie d’entre eux, accroissant ainsi leur frustration. Tertio, parce que la question de la relativité salariale n’a toujours pas été résolue, en dépit du réalignement salarial préconisé hâtivement pour répondre aux exigences électoralistes. Quarto, parce que le paiement du PRB, qui viendra un an avant l’échéance prévue, soit en janvier 2025 au lieu de janvier 2026, ne sera payé qu’en décembre 2025, soit dans 16 longs mois ! Et on ne sait pas encore quelles seront les modalités de ce paiement, s’il sera effectué d’un seul trait ou par tranches. Et quinto, parce que les allocations CSG, qui seront tôt ou tard supprimées, sont versées aux bénéficiaires au petit bonheur, sans date fixe et sans garantie de paiement.

Le peuple en a marre d’être ainsi pris pour le dindon de la farce. D’autant qu’à l’inverse de l’alliance PTr-MMM-ND qui s’engage à stabiliser la valeur de la roupie et le pouvoir d’achat, le gouvernement MSM n’a fait que déprécier délibérément la valeur de la roupie pour gonfler artificiellement les réserves de la BoM, et favoriser la consommation et l’inflation. Par conséquent, malgré l’argent qu’il puise à gogo dans les fonds des contribuables, alimentés principalement par la taxation prélevée directement des poches des consommateurs, pour le leur redistribuer, le porte-monnaie du peuple reste désespérément vide. Car tout l’argent qu’il prétend distribuer aux différentes catégories de la population n’est en réalité qu’une illusion monétaire. Ce money politics version illusion monétaire est cependant un couteau à double tranchant qui coûtera cher au gouvernement de Pravind Jugnauth aux prochaines élections. Les Mauriciens n’ont pas seulement vu clair dans son jeu, ils ont également payé le prix de ce jeu malsain. Et l’expérience a été plutôt amère, voire très amère même.

Outre le money politics, Pravind Jugnauth mise aussi sur ses projets – et le nom de son père – pour vanter ses réalisations. Ainsi, après la statue de SAJ érigée à grands frais au Port-Louis Waterfront alors qu’elle ne ressemble en rien à son défunt père,  le nom de SAJ a aussi été donné à un autopont, le SAJ Bridge, et au nouvel hôpital de Flacq. Pourquoi ? Sans doute pour marquer les esprits et pour rivaliser avec les Ramgoolam, dont le Père de la Nation Sir Seewoosagur qui a marqué de façon indélébile l’histoire du pays. D’ailleurs, un autre Jugnauth a fait sa réapparition lors de l’événement inaugural : Ashock, demi-frère de SAJ, renié par la famille de ce dernier lorsqu’il avait manifesté sa colère quand le contrôle du MSM lui avait échappé au profit de son neveu Pravind en 2006.

Le linge sale de la famille Jugnauth avait alors été lavé en public, Lady Sarojini s’invitant dans la partie pour dénoncer le traître Ashock. L’oncle et le neveu se sont affrontés pour la première fois comme opposants à l’élection partielle au no. 8 en 2009, après que le siège de l’oncle fut déclaré vacant, ayant été reconnu coupable de bribe électoral. La hache de guerre semble désormais avoir été enterrée entre les Jugnauths. Il se chuchote que la fille d’Ashock pourrait même être candidate au no. 7, dans la circonscription de son défunt oncle et où Lady Sarojini serait ces jours-ci très active. La magistrate était d’ailleurs présente à la cérémonie d’inauguration de l’hôpital SAJ, une fonction éminemment politique, en dépit du poste qu’elle occupe et qui exige une impartialité sans faille. Évidemment, lorsqu’il s’agit du gouvernement, tout est permis. Surtout lorsque le pouvoir et des intérêts familiaux sont en jeu.

S’il est vrai qu’il y a aussi des fils et des filles à papa au sein de l’alliance PTr-MMM-ND, cette situation n’est cependant en rien comparable à celle du MSM et des Jugnauths où les rênes du parti et du primeministership sont automatiquement transférés du père au fils et où des postes clés sont partagés entre oncles, tantes, et cousines. La gestion du pays n’est pas l’affaire d’une famille. Le pays n’est pas le MSM. Le pays n’est pas le Sun Trust. Tout ne se résume pas à l’argent, au pouvoir et à la famille Jugnauth.