[EDITO] La démagogie pour parvenir à ses fins

Pourquoi diantre Pravind Jugnauth et son ministre des Finances Renganaden Padayachy s’obstinent-ils à comparer la crise actuelle avec celle de 2008 alors que le contexte n’est pas le même ? Faut-il lui rappeler que la crise de 2008 était survenue à un moment ou les réformes économiques enclenchées par le gouvernement de l’Alliance Sociale commençaient à porter ses fruits ? À l’époque, il était même question de « early harvest » et de « bumper crop » avant que la récession au niveau mondial ne vienne jouer au trouble-fête.

Grosso modo, le pays était suffisamment armé pour affronter cette précédente crise provoquée par l’écroulement de la banque d’affaires new-yorkaise Lehman Brothers en septembre 2008. Certes, le Stimulus Package avait créé son lot de mécontentement et on concède volontiers que certaines mesures auraient pu être revues, ajustées ou sinon évitées. Mais le pays a su néanmoins se montrer résilient et s’en est sorti sans qu’il n’enregistre de récession. C’est un fait indéniable, n’en déplaise à certains.

Pravind Jugnauth, alors dans « caro canne », avait dû sans doute le reconnaître lui-même pour avoir accepté le soutien et les votes des Travaillistes pour se faire élire aux élections partielles de Quartier Militaire / Moka en mars 2009. Si le Stimulus Package le répugnait tant, pourquoi avait-il accepté de jouer à « l’opposition loyale » au Parlement suivant cette même élection ? Où était sa conscience quand il avait ensuite contracté une alliance avec le PTr-PMSD pour les législatives de mai 2010 ? Pourquoi, quand il lui fallait accéder au pouvoir, avait-il perdu le raisonnement qu’il semble avoir subitement retrouvé ces jours-ci ? L’ivresse du pouvoir rend-il aussi sourd, muet, aveugle et sans amour-propre ?

Son obsession persistante à tout vouloir jeté sur le dos des Travaillistes l’amène parfois à se tirer une balle dans le pied sans qu’il ne le réalise, à moins qu’il ne veuille vraiment faire de la démagogie. C’est tout aussi démagogique de nous faire croire que le Covid-19 Bill et le Quarantine Bill votés vendredi ne visent qu’à nous protéger et nous sortir de la crise alors qu’ils ne font que torpiller nos libertés, nos droits, et nous rendant encore plus vulnérables.

Le gouvernement pourra, lui, s’emparer des réserves de la Banque de Maurice à sa guise pour financer ses dépenses alors que 100 000 familles ou plus se retrouveront les poches vides, incapables de faire joindre les deux bouts ou de se nourrir. Des centaines de milliers d’autres foyers verront leurs salaires fondre comme du beurre au soleil face au taux d’inflation qui grimpera en flèche. La situation sera rendue encore plus difficile avec une contraction prévisible de 7 à 11% de notre PIB pour 2020. On fera face à une crise sociale comme on n’en a jamais connu.  

Notre économie n’est ni assez robuste ni résiliente comme elle l’avait été en 2008 pour faire face à une nouvelle crise économique encore bien plus profonde. Fragilisée par la gestion catastrophique des affaires du pays sous le précédent mandat, l’économie mauricienne avait déjà été poussée au bord du précipice avant même qu’elle ne soit effleurée par le Covid-19. Ce qui explique l’urgence du gouvernement de voter les amendements contenus dans le Covid-19 Bill. Car il sait qu’il n’aurait pas eu une seconde chance pour se donner les moyens, aussi illogiques et irrationnels soient-ils, pour se tirer d’affaire. Le timingjoue aussi en sa faveur puisqu’il est propice pour empêcher tout soulèvement social.

Le peuple ne peut que s’indigner sur la Toile, car descendre dans la rue est un luxe que personne ne peut se permettre en ce temps de confinement, d’autant que l’amende pour « breach of curfew » passe à Rs 200 000 et 5 ans d’emprisonnement. Le gouvernement a bien calculé son jeu en nous liant les mains, les pieds et en nous obligeant à avaler des couleuvres.