[EDITO] Lakwizinn : Shadow and shady government

Par Zahirah RADHA

Le pays est à un tournant décisif de son histoire et de sa destinée. Il a besoin d’un nouveau souffle et d’une nouvelle impulsion. Tant sur le plan social et économique que sur le plan de l’ordre, de la paix et de la démocratie. La suppression des réseaux sociaux en cette fin de campagne électorale, sous prétexte que la sécurité nationale est menacée, est signe que la dictature s’installe. Mais pas que. Elle est synonyme d’une peur viscérale de perdre le pouvoir. Elle prouve aussi l’obstination acharnée de ce gouvernement d’assassiner la liberté d’expression. D’autant plus que les révélations de Missier Moustass sont damning contre le gouvernement et lèvent le voile sur des complots allégués de nature sinistre qui se passent dans les arcanes du pouvoir, plus précisément par un gouvernement parallèle. La situation, il faut le dire, est sans précédent.

Les Moustass Leaks, qui chamboulent la routine en cette fin de campagne électorale, ne font que confirmer à quel point le pays est gangrené par la mafia. Une mafia institutionnalisée dont personne ne pouvait imaginer l’ampleur. Une mafia qui dicte sa propre loi. Un Commissaire de police et une clique de policiers qui semblent agir comme des hors-la-loi, des ministres qui complotent, un conseiller qui tente d’orchestrer un ralentissement du réseau internet, des combinards qui sévissent dans l’ombre, des affairistes qui raflent des contrats faramineux, des terres de l’État et même des fonds de la MIC, un gouvernement qui espionne et épie toute une population… La ligne rouge a depuis longtemps été franchie par le gouvernement MSM de Pravind Jugnauth.

Pire, il y a, d’un côté, une économie parallèle contrôlée par des barons de drogue. Ceux-là même qui échappent systématiquement au contrôle de la police et autres autorités, en raison des connexions occultes avec des proches du pouvoir, et même certains policiers mafieux. Et de l’autre, il y un gouvernement parallèle administré par Lakwizinn. Un ‘shadow and shady government’ composé d’hommes et de femmes non-élus, à la solde d’une cheffe qui a le contrôle absolu sur l’Hôtel du gouvernement, le cabinet ministériel, les Casernes centrales, et les institutions. Un gouvernement parallèle qui n’a aucune légitimité politique ou constitutionnelle mais qui a néanmoins pris le pays en otage. On a ainsi vu, selon un document révélé par Sunday Times la semaine dernière, l’épouse du Premier ministre choisissant qui mettre à la porte d’Air Mauritius en raison de leurs affinités politiques présumées, selon les dires de Sherry Singh…

Ce ne sont évidemment là que le tip of the iceberg. Missier Moustass a fait son lot de révélations, les unes les plus choquantes que les autres. Mais un nouveau gouvernement, une fois en place, divulguera sans doute d’autres squelettes dans le placard. Il faudra alors des enquêtes pour déterminer la vérité. Pas comme celles initiées par le MSM et ses alliés uniquement pour se venger de Navin Ramgoolam et ses ministres en 2014. Non. Celles-là sont toutes, ou presque, tombées à l’eau, malgré les complots mesquins et l’acharnement du gouvernement Jugnauth, comprenant aussi Roshi Bhadain qui prétend maintenant être Monsieur Propre. Mais pour qu’il y ait des enquêtes en bonne et due forme, il faut d’abord donner un bon coup de karcher pour nettoyer et débarrasser les institutions clés du pays des parasites qui les infectent. N’oublions pas que ce sont les hommes et les femmes qui font les institutions. Il faut que celles-ci soient dirigées par des personnes compétentes et intègres, et dont la conscience professionnelle n’est pas à vendre. D’où l’importance d’une ‘Constitutional and other Appointments Authority’, comme préconisée par l’Alliance du Changement.

Au-delà des enquêtes et des sanctions contre ceux qui ont mis notre pays, notre économie, notre démocratie et nos institutions en péril, un prochain gouvernement doit aussi veiller à rompre avec la mauvaise gouvernance et à remettre le pays sur la voie du développement et du progrès. Il faut créer de nouveaux piliers, relancer la production, augmenter la richesse, réduire la dette publique, réduire le coût de la vie, ranimer l’espoir des jeunes, redonner aux institutions leurs lettres de noblesse, consolider la démocratie, prévenir les fléaux dont la drogue qui ronge notre société, créer des opportunités égales pour tous… Tant nos attentes sont nombreuses, tant la tâche du nouveau gouvernement sera lourde. À une semaine des prochaines élections générales, nous osons espérer que ce changement viendra. Et que le pays respirera de nouveau.