[EDITO] My eye !

Par Zahirah RADHA

Micro-ondes, karcher, dholok, couette, poubelle… Tous les cadeaux – et moyens – sont bons en cette période préélectorale pour les ministres de prouver leur altruisme et de faire campagne. Pendant ce temps, les scandales, eux, se poursuivent. Et là, surprise, surprise, les karchers distribués si généreusement par Bobby Hurreeram ne suffiront pas pour nettoyer les « dal fané » et autres casseroles sales du gouvernement, accumulés durant ces deux derniers mandats. Le manque de sincérité du régime actuel pour lutter contre la corruption est évident. Et il fait tomber le masque de Pravind Jugnauth à chaque fois qu’il prétend la combattre. La dernière preuve en date : l’absence d’action et de sanction dans le conflit d’intérêts allégué impliquant le ministre Kavy Ramano.

Avant lui, le ministre de l’Agro-industrie et Attorney General Maneesh Gobin avait obtenu la clémence du chef du gouvernement dans l’affaire Stag Party. Le précédent, bien d’autres avaient également été défendus et soutenus par le Premier ministre. Sauf dans l’affaire Saint-Louis lorsqu’il avait agi promptement contre Ivan Collendavelloo. Cette différence de traitement saute aux yeux. Mais puisque le leader du Muvman Liberater (ML) a systématiquement porté une visière, probablement de couleur orange, depuis sa révocation comme DPM, il n’y voit que du feu. Il s’est ainsi contenté, pratiquement tout au long de ce mandat, de réchauffer son siège et de jouir de son salaire princier de député, sans rien faire.

D’ailleurs, quatre ans après le démarrage en trombe d’une enquête par la défunte ICAC dans le sillage de l’affaire Saint-Louis en juin 2020, rien n’a transpiré jusqu’ici. Tout dernièrement, il était même question qu’Ivan Collendavelloo soit exonéré de tout blâme. Mais à cinq mois de la dissolution automatique de l’Assemblée nationale, ce dernier attend toujours d’être fixé sur son sort. Le président du ML, Toolsiraj Benydin, l’a d’ailleurs dit de vive voix cette semaine. « Tous les membres du ML sont impatients, car nous attendons depuis trop longtemps que notre leader Ivan Collendavelloo soit disculpé », a-t-il lancé. Pourtant, son leader n’a jamais été arrêté dans cette affaire, contrairement à Shamshir Mukoon, ancien directeur par intérim du CEB. Les charges provisoires contre ce dernier ont été rayées en Cour le mardi 25 juin 2024, les preuves contre lui étant jugées insuffisantes. Quatre ans plus tard, l’ICAC n’avait pu déposer une accusation formelle contre lui. Ce qui en dit long sur la façon dont les enquêtes sont menées par cet éléphant blanc qui bouffait des millions et des millions de roupies annuellement et qui continuera de le faire sous la forme de la FCC.

Entretemps, Sherry Singh a pu démissionner comme CEO de Mauritius Telecom, faire des révélations fracassantes mais non-aboutissantes, subir le courroux du gouvernement, faire l’objet d’enquêtes mal ficelées et voir les charges retenues contre lui et son épouse rayées. Lutter contre la corruption, dites-vous ? My eye ! Qui le croira, à l’exception des quelques chatwas, n’en déplaise à la députée Sandra Mayotte, qui n’aime pas ce mot, tandis que Bobby Hureeram clame, lui, haut et fort qu’il en est un ? Que ce soit l’ex-ICAC ou la police, ces deux institutions tombant sous la tutelle du Premier ministre ont lamentablement failli dans leurs responsabilités. Leurs dossiers ont à maintes reprises été critiqués en Cour. Sans que les responsables et les enquêteurs de ces institutions ne se ressaisissent. D’ailleurs, dans aucun autre pays au monde le Premier ministre n’aurait toléré qu’un directeur général d’une commission anti-corruption fasse lui-même objet d’allégations quant à la rénovation de son bureau ou encore que le Commissaire de police soit accusé de « using his office or position for gratification for himself and his relatives ». Mais chez nous, Pravind Jugnauth le tolère. Et ce, sans aucune gêne.

Le gouvernement dit et fait à la fois tout et son contraire. La population, elle, observe. En rogne. Des voix s’élèvent de plus en plus. Dans les rues. Sur les réseaux sociaux. Sur les ondes des radios privées. Même les fonctionnaires s’y mettent. Surtout après les pressions et menaces exercées sur eux pour qu’ils assistent, à contrecœur, à la fonction premierministérielle dimanche dernier. Et d’autant plus que le gouvernement botte toujours en touche sur la révision de la relativité salariale, une carte maîtresse qu’il réserve probablement pour la dernière minute, avant la dissolution du Parlement. Ce qui aura un effet boomerang. Car plus personne ne veut être le dindon de la farce. Ni les employés du service civil. Ni les travailleurs du secteur privé. Ni les personnes vulnérables. Personne.