[EDITO]Certificat d’incompétence

“Elle est peut-être une novice en politique, mais elle a du cran”. C’est ce que nous avions écrit dans ces mêmes colonnes le 12 janvier 2020 en parlant de la ministre Kalpana Koonjoo-Shah. Elle venait alors d’annoncer que l’âge légal du mariage passerait à 18 ans. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Et le moins que nous puissions dire aujourd’hui, c’est que nous sommes déçues. Parce que, hormis la ‘Children’s Act 2020’, elle n’a jamais fait preuve d’une « genuine concern », que ce soit pour la violence domestique, l’avancement de la cause féminine ou encore moins pour le sort des enfants laissés à l’abandon ou qui sont hébergés dans des ‘shelters’. Le récent rapport du ‘Public Accounts Committee’ (PAC) vient d’ailleurs de lui octroyer un certificat d’incompétence.

Ce rapport est choquant, voire accablant, contre le ministère que gère Kalpana Koonjoo-Shah. Dix ‘shelters’ sur 23 opèrent sans permis. Et pourtant, ces ‘shelters’ illégaux, pour ne pas dire marrons, sont bien financés par l’État ! Une situation scandaleuse qui est acceptée, tolérée et même justifiée par le ministère de l’Égalité des Genres sous prétexte que trois mois ne sont pas suffisants pour satisfaire tous les critères requis pour l’obtention d’une licence. Des critères qui sont, rappelons-le, définis par ce même ministère ! C’est à ne plus rien y comprendre. La ministre Koonjoo-Shah, responsable des ‘policy decisions’, n’est-elle pas censée veiller à ce que la loi soit respectée et que les règlements sont appliqués par le ministère dont elle a la charge ? Comment a-t-elle pu fermer les yeux sur une telle situation ? Peut-elle nous expliquer comment des enfants sont-ils censés être en sécurité dans ces ‘shelters’ qui ne peuvent être qualifiés comme des « places of safety » tels que requis par la loi, n’ayant ni de ‘fire certificate’ ni des permis relatifs aux normes sanitaires, entre autres ?

Même au niveau des ‘Child Day Care Centres’, des violations flagrantes sont observées. Sur 371 centres, 210 ne sont pas enregistrés, mais continuent d’opérer impunément. Et la ministre Kalpana Koonjoo-Shah n’y trouve rien à redire. C’est de l’incompétence à son comble. Elle a pourtant droit à un salaire princier à la fin de chaque mois. Pour quoi faire ? Chômer ? Rien que pour cette irresponsabilité criminelle, elle mérite d’être sanctionnée et révoquée tout de go. Ce qui est encore plus désolant, c’est qu’elle donne, à travers sa légèreté, la vague impression de n’être qu’un simple vase à fleurs (des fleurs, elle sait comment en lancer d’ailleurs, comme elle l’avait démontré en pleine séance parlementaire en mai 2021), soit cette image stéréotypée de la femme que la grande majorité de Mauriciennes n’incarnent plus fort heureusement.

Aujourd’hui, les femmes veulent davantage s’imposer et se faire entendre, d’autant qu’il est de plus en plus question de renouveau, de réinvention et de changement. Mais les élues du gouvernement semblent, elles, figées dans le temps. Elles n’ouvrent leurs bouches que pour tarir d’éloges leur jeune Premier ministre. Elles se font toutefois toutes discrètes quand il s’agit de débattre, de dialoguer ou de sensibiliser sur les problèmes de société, la corruption et la bonne gouvernance, entre autres. En témoigne le refus de la députée Subhasnee Luchmun-Roy d’évoquer la situation post-inondations à Vallée-des-Prêtres avec notre journaliste. Celle qui voulait servir d’exemple pour les jeunes femmes en politique est désormais muette et préfère que ce soit le ministre Bobby Hurreeram ou le lord-maire qui nous parlent alors qu’elle est censée connaître et communiquer sur les problèmes qui touchent à sa circonscription. Est-ce ce genre de jeunes femmes, type « sois belle et tais-toi », que nous voudrions suivre en politique ?

Nous l’avons dit dans le passé et nous le répétons aujourd’hui alors que les célébrations en marge de la Journée internationale de la femme se poursuivent. Il est important de faire ressortir que l’‘empowerment’ des femmes en politique, n’implique pas uniquement une représentation adéquate de la femme au sein des diverses instances des partis politiques et au Parlement. Il faut aussi une prise de conscience en termes de la qualité des femmes qui sont d’abord alignées et présentées comme candidates et qui sont éventuellement nommées députées, PPS ou ministres. Le but final quand on parle de représentativité féminine n’est pas qu’on ait des vases à fleurs au sein de l’hémicycle, mais qu’on ait des femmes valables et capables de hausser le ton quand et où il le faut. Quitte à ce que leur prise de position ne plaise dans leur propre camp. Et même s’il faut tenir tête à leur leader ou collègues. C’est ce qu’il nous manque cruellement sur le plan politique actuel.

Entretemps, que les Kalpana Koonjoo-Shah, Subhasnee Luchmun-Roy et autres se trouvant dans le même panier au gouvernement nous montrent la voie du type de femmes que nous ne voulons absolument pas voir dans le paysage politique. Surtout parce qu’elles ne font point honneur aux positions qu’elles assument.