En Inde, le dernier round contre la polio

Les bouches s’ouvrent, les unes après les autres. Les gouttes de vaccin perlent, par milliers. Impossible de déambuler dans la capitale indienne sans remarquer ces ­attroupements d’enfants autour des bannières « Polio Sunday » jaune et bleu. Dans la gare de Delhi, dans les cours d’école, dans les trains, aux ­arrêts de bus, dans les temples hindouistes, bouddhistes, sikhs ou encore dans les mosquées : pas moins de 709 000 postes de vaccination sont ­déployés dans l’ensemble du pays.

Sans parler des voitures munies de haut-parleur qui sillonnent les routes pour informer les familles les plus démunies. « Pas un enfant de moins de 5 ans ne doit nous échapper à l’issue de ces cinq journées de vaccination nationales », insiste le docteur Sucheta Bharti, une petite femme énergique, responsable du bon déroulement de cette opération pour le district de Madipur, au nord-ouest de Delhi. Des enfants de moins de 5 ans, l’Inde en compte plus de 170 millions.

Le centre de santé du docteur Bharti ressemble, ce matin d’avril, à une ruche par un beau jour de printemps. Quelque 250 travailleurs sociaux, infirmiers, médecins et volontaires viennent récupérer des glacières pleines de vaccins ainsi que les cahiers de recensement de la population, puis repartent dans les différents quartiers pour une vertigineuse opération de porte-à-porte.

Les abeilles de cette ­ruche sont quasi exclusivement des femmes habitant le district, qui participent bénévolement à cette opération. Parmi ces butineuses, Suman et Bharati, dont le rayon d’action compte l’un des quartiers les plus pauvres du district.

Munies d’un grand cahier noir dans lequel sont enregistrés le nom et l’âge de tous les enfants, elles progressent dans ces ruelles étroites, évitant les rigoles d’eaux sales. Devant chaque porte, elles crient des prénoms. Les enfants arrivent de toutes parts, les ­mères apportent les nouveau-nés. Personne ne pose de question. Personne ne refuse les gouttes.