Après Pravind Jugnauth et Renganaden Padayachy, le ‘blue eyed boy’ de l’ancien Premier ministre bientôt inquiété par la FCC
Ce qui devait être un projet de rénovation touristique à Rodrigues se transforme en nouveau scandale financier. Le Premier ministre Navin Ramgoolam a révélé ce mardi, à l’Assemblée nationale, que les coûts de rénovation du Cotton Bay Hotel, à Pointe Coton, ont explosé pour atteindre plus d’un milliard de roupies, soit 58 % de plus que l’estimation initiale. Pis encore : des contrats ont été signés sans approbation préalable. « Nous nous retrouvons avec un projet qui devait coûter Rs 650 millions, mais qui devrait finalement coûter aux contribuables Rs 1 024 956 038, soit une augmentation d’environ 58 % », a déclaré le chef du gouvernement en réponse à une question du député Arvin Babajee.
L’hôtel, construit en 1991 et disposant de 60 chambres, devait bénéficier d’une rénovation complète, avec la construction de 32 chambres supplémentaires, ainsi que l’amélioration des espaces publics, des infrastructures techniques et du système de drainage. Le 15 mars 2023, le conseil d’administration de Pointe Coton Resort Hotel Co. Ltd approuve un budget de Rs 650 millions hors TVA. Pourtant, dès le mois de juin, les choses dérapent. « La lettre d’attribution du contrat a été signée, au nom de Pointe Coton Resort Hotel Co. Ltd, par Ken Arian, directeur, sans approbation préalable du conseil d’administration », a révélé le Premier ministre.
Le contrat, d’un montant de Rs 683,5 millions (hors TVA), est attribué à Laxmanbhai and Co. (Mauritius) Ltd le 12 juin 2023, avant même que le conseil ne donne son aval. Ce n’est que le 16 juin que le conseil valide cette décision, et le 18 septembre que la ratification officielle intervient – soit trois mois après la signature. Des travaux supplémentaires, chiffrés à Rs 28,3 millions, viennent ensuite alourdir la facture, portant le montant total du chantier à Rs 711,8 millions. À ce jour, Rs 650,7 millions ont déjà été versées à l’entrepreneur. Mais ce n’est pas tout. 28 fournisseurs ont obtenu des contrats pour l’achat de mobilier, d’équipements de cuisine et de buanderie, ainsi que pour l’installation d’une usine de dessalement. Montant total : Rs 86,3 millions, dont Rs 78,1 millions déjà décaissées. En parallèle, Rs 15,9 millions ont été versées à 22 prestataires de services (communication, formation, systèmes IT, assurances), et Rs 83,9 millions à 12 consultants, dont Etwaro & Associates Ltd.
« À ce jour, Rs 788 347 569, hors TVA, ont été versées à l’entrepreneur, aux prestataires de services et aux consultants », a précisé Navin Ramgoolam. Fustigeant la gestion du projet sous l’ancienne administration, le Premier ministre a dénoncé : « C’est un exemple typique de la manière dont les projets étaient menés sous l’ancien régime. » Et d’ajouter : « Compte tenu de ces faits particulièrement troublants – notamment les irrégularités dans le processus d’attribution – l’affaire est désormais entre les mains de la Financial Crimes Commission pour enquête. »
Ce qui devait être un projet de relance pour le tourisme à Rodrigues s’est donc transformé en affaire d’État, exposant au grand jour de graves manquements en matière de gouvernance, de transparence et de gestion des fonds publics. Et comme l’a souligné le Premier ministre, ce énième scandale commis sous l’ancien gouvernement MSM fait désormais l’objet d’une enquête de la FCC. Après Pravind Jugnauth et Renganaden Padayachy, ce sera bientôt au tour de Ken Arian d’être inquiété par cette instance, tout comme l’est Rajiv Servansingh, ancien directeur de la STC dans l’affaire ayant trait à l’allocation d’un contrat pétrolier de Rs 30 milliards à MMG.
Dérives et irrégularités
Il n’y a pas que l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth ou l’ex-ministre des Finances Renganaden Padayachy qui sont concernés par des enquêtes. Tout le réseau opérant sous le système mafieux du MSM est actuellement en train d’être démasqué. Un à un, ces personnages clés soupçonnés d’avoir abusé de leur position pour commettre des irrégularités sont convoqués à Réduit Triangle.
Le gouvernement promet de mettre de l’ordre et de sanctionner les fautifs. Pas dans un esprit de vengeance. Mais dans l’intérêt du pays. Car ceux ayant commis de tels crimes financiers contre le pays et les contribuables, résultant dans la précarité de l’état de notre économie, méritent de payer pour leurs fautes, si les allégations qui pèsent contre eux sont avérées.
Outre Sattar Hajee Abdoula (voir article plus loin), Ken Arian incarne l’archétype de ces personnages controversés qui ont prospéré dans les coulisses de l’ancien pouvoir. Son parcours, jalonné d’irrégularités et de zones d’ombre, mérite une analyse approfondie qui révèle les mécanismes d’un système mafieux où l’influence politique se convertit en avantages personnels considérables.
Ken Arian a eu une ascension fulgurante sous l’ancien régime. De Senior Adviser de Pravind Jugnauth, il s’est vu propulsé comme CEO d’Airport Holdings Ltd. Cette position lui conférait un pouvoir d’influence considérable sur Air Mauritius qui était déjà fragilisée. Des témoignages faisaient état de pressions exercées pour imposer des décisions stratégiques controversées, notamment concernant l’acquisition d’appareils et le choix de certaines routes aériennes, aggravant ainsi la situation financière précaire d’Air Mauritius.
Le projet du Cotton Bay Hotel représente peut-être l’exemple le plus flagrant des dérives associées à Ken Arian (voir plus loin). Ce complexe hôtelier controversé à Rodrigues aurait bénéficié d’un traitement de faveur scandaleux, selon les révélations du Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, à l’Assemblée nationale mardi.
Un autre aspect problématique relevé par la presse mauricienne concerne le cumul de fonctions et les conflits d’intérêts flagrants. En tant que conseiller spécial du Premier ministre tout en occupant simultanément des postes exécutifs dans des entreprises publiques, Ken Arian se trouvait dans une position où il pouvait influencer des décisions gouvernementales bénéficiant directement aux entités qu’il dirigeait.
L’implication de Ken Arian dans l’affaire de la lettre anonyme visant Ameenah Gurib-Fakim révèle des méthodes particulièrement troublantes. Une opération qui témoigne l’instrumentalisation des institutions à des fins partisanes, pratique qui semble avoir été une constante dans le mode opératoire de Ken Arian et du MSM.