[Exode de jeunes talents mauriciens] Ils ne voient pas d’avenir à Maurice

La fuite des cerveaux est devenue un phénomène préoccupant à Maurice. De plus en plus de jeunes choisissent de quitter leur île natale pour s’installer à l’étranger, attirés par des opportunités économiques plus prometteuses. Ce phénomène pose un défi majeur pour la croissance économique du pays et soulève des questions cruciales sur la capacité de Maurice à retenir et à valoriser ses talents. Quelques-uns de nos jeunes patriotes qui sont partis sous d’autres cieux se sont confiés à nous…

Akmeez : « Pena ouvertir dan sekter aviation Moris »

Akmeez, agent d’exploitation au sol, a quitté Maurice pour le Canada, faute d’opportunités dans l’aviation locale. « Mo travay dans l’aviation, ek mo finn fer mo letid dan sa domenn-la. Bann konpagni aviasion Moris pa ofer sa job-la, ek pena ouvertir  dan sa sekter-la. Si ti ena, mo pa ti pou kit Moris», affirme-t-il, soulignant le besoin de réorganiser le système éducatif et de recrutement pour encourager le développement professionnel.

Umar Bam Oaris : « Démoralisant de travailler sous quelqu’un qui ne comprend pas votre métier »

Umar Bam Oaris est consultant en affaires et technologie au Canada. Même avec ses nombreuses années d’expérience, et après avoir travaillé dur pour gravir les échelons, son salaire ne reflétait pas ses efforts quand il était au pays. « C’est frustrant de réaliser que, malgré tout le travail et les sacrifices, je ne pouvais pas accomplir mes projets de vies, comme acheter une maison ou fonder une famille », explique-t-il. « J’ai eu la chance de pouvoir partir, mais je pense à tous ceux qui reste coincés ici, sans moyen de s’épanouir », ajoute-t-il. Au Canada, Umar a pu obtenir une meilleure rémunération, mais aussi une reconnaissance de son travail et un respect pour son expertise. « Travailler sous la direction de quelqu’un qui ne comprend même pas votre métier, c’est démoralisant », confie Umar.

Camilla : « Les choix de carrière sont limités ici »

Camilla, chercheuse en chimie organique en Angleterre, vivait chaque jour au travail comme un rappel amer que ses efforts n’étaient pas reconnus lorsqu’elle vivait à Maurice. Malgré des performances jugées excellentes, son salaire restait figé, sans aucune perspective d’augmentation ou de promotion. « C’était décourageant, surtout quand je voyais des collègues moins compétents accéder à des postes que j’aurais pu occuper », explique-t-elle, avant d’ajouter que les choix de carrière en chimie à Maurice étant limités, elle a décidé d’explorer des opportunités à l’étranger. « C’était difficile de tout quitter, mais j’ai compris que mon avenir ne pouvait pas être sécurisé ici. J’ai choisi de partir pour investir en moi-même et trouver un environnement où mes compétences seraient réellement valorisées. »

Yaadav Damree : « Revoir les salaires et valoriser des métiers essentiels comme la plomberie, l’électricité et l’agriculture »

Yaadav Damree, avocat, conseiller au Laventure Village Council & au Flacq District Council, estime que de nombreux jeunes Mauriciens quittent le pays en quête de meilleurs salaires, insatisfaits de leurs revenus locaux malgré leurs qualifications. Il appelle le gouvernement à valoriser des métiers essentiels comme la plomberie, l’électricité et l’agriculture pour attirer les jeunes. Il insiste également sur l’importance de reconnaître non seulement les diplômes, mais aussi l’expérience pratique dans le processus de recrutement. « La fason ki sistem ledikasyon ete Moris li pa vréman « career oriented ». Avan ki ou swazir ou kour ouswa deside ki direksion ou anvi batir ou carrière, ou bizin kone si ena enn carrière dan pei la, pou garanti enn travay apre tou sa lane letid-la », avance-t-il. Il encourage les ‘decision makers’ à adapter le système pour préparer les jeunes aux secteurs d’avenir, garantissant ainsi un emploi et réduisant l’exode des talents.

Un appel à l’action

Une enquête d’Afrobarometer montre que les jeunes Mauriciens attendent du gouvernement plus d’attention à la création d’emplois, à la gestion de l’économie, et à la lutte contre la corruption. Cependant, leur faible participation aux processus politiques limite leur impact sur les décisions concernant leur avenir.

La fuite des cerveaux révèle un manque de vision à long terme du pouvoir en place. Pour inverser cette tendance, une refonte des politiques économiques et sociales est essentielle. Il est crucial de moderniser les programmes de formation pour mieux répondre aux besoins du marché du travail et d’encourager l’esprit d’entreprise chez les jeunes. De plus, leur inclusion active dans les processus décisionnels doit devenir une priorité pour freiner l’exode des talents et assurer un avenir prometteur pour Maurice.

Facteurs mis en cause :

• Taux de chômage élevé : Parmi les jeunes de 15-24 ans, le taux de chômage atteignait 20,9% en 2023, malgré des niveaux d’éducation plus élevés que leurs aînés.

• Coût de la vie élevé : Combiné à des salaires stagnants, il rend difficile la réalisation d’un avenir financier stable à Maurice.

• Opportunités limitées : Beaucoup de jeunes Mauriciens se retrouvent sans emploi ou avec des opportunités qui ne correspondent pas à leurs qualifications.

• Meilleures conditions à l’étranger : Les jeunes professionnels pensent souvent qu’ils peuvent mieux réussir ailleurs, où les conditions de travail, la rémunération et les perspectives de carrière sont plus attractives.

Destinations préférées

Le Canada, Dubaï, Singapour, et certains pays européens