[Féminicide à Morcellement Saint-André] Un amour toxique, une vie brisée : le cruel destin de Natasha Cornet

La série noire des violences conjugales continue d’endeuiller le pays. Dimanche 27 octobre, le corps sans vie de Natasha Vidushi Cornet, 35 ans, mère de trois enfants, a été retrouvé sur une berge du canal Ville-Bague, à Morcellement Saint-André. Elle aurait été étranglée par son mari, Aumananshing (ou Aumanand Singh) Cornet, âgé de 37 ans, un récidiviste déjà connu des services de police pour des antécédents de violence domestique et de délits divers.

Une dispute fatale

Selon les premiers éléments de l’enquête menée par la CID de Pamplemousses, le couple se serait disputé alors qu’ils rentraient d’une visite à l’hôpital SSRN. La querelle aurait dégénéré, l’homme accusant son épouse d’être à l’origine de ses récents démêlés avec la police. Pris d’une violente colère, il l’aurait étranglée avant d’abandonner son corps dans une zone isolée à Powder Mill Road, non loin de la route principale.

Le corps de la victime a été retrouvé allongé sur la berge, les pieds dans l’eau, par deux jeunes hommes, dont son fils aîné de 17 ans, que le suspect avait lui-même contacté pour lui avouer son geste. À proximité, les enquêteurs ont découvert deux téléphones portables, une lettre manuscrite et un sac en plastique. Le véhicule du suspect, une Mitsubishi noire et rouge, a été retrouvé à quelque 150 mètres du lieu du drame, moteur éteint, clé encore sur le contact.

L’autopsie, pratiquée par le Dr Prem Chamane, a confirmé que la mort est due à une compression du cou, confirmant la thèse du meurtre.

Une femme battue, piégée par la peur et l’amour maternel

Natasha Cornet, bijoutière de profession, vivait depuis plusieurs années sous la menace constante de son mari. D’après sa mère, Veena Jootun, la jeune femme avait à plusieurs reprises quitté le domicile conjugal après des épisodes de violence, avant d’y retourner « pour le bien de ses enfants ».

En avril dernier, Natasha avait déposé une plainte pour agression contre son époux après qu’il l’eut menacée avec un couteau, puis frappée avec une tasse. Elle avait obtenu un Protection Order, avant de le retirer un mois plus tard, sous la pression familiale et après une médiation. Mais malgré ces signaux d’alerte, le drame n’a pu être évité.

Un bourreau déjà connu des services de police

Aumananshing Cornet n’en était pas à ses premiers démêlés avec la justice. Fiché au poste de police de Goodlands, il avait été arrêté à plusieurs reprises, notamment pour possession de graines de cannabis, vol et même agression en détention en 2017. Sans emploi stable, il dépendait financièrement de son épouse, qu’il battait régulièrement pour lui soutirer de l’argent.

Après le meurtre, il aurait tenté de se donner la mort avec une arme tranchante avant d’être retrouvé par la police et conduit à l’hôpital SSRN, où il est placé sous surveillance. Dès son rétablissement, il devra être inculpé pour meurtre devant la cour de Pamplemousses.

Une famille brisée

Natasha laisse derrière elle trois enfants, âgés de 17, 15 et 10 ans, désormais confiés à un proche. L’une de ses filles devait passer un examen ce mardi, au lendemain des funérailles de sa mère.
Ce drame survient moins de quinze jours après le meurtre de Danaa Laeticia Malabar, poignardée par son mari, accentuant la colère et l’indignation face à la recrudescence des féminicides à Maurice.

L’appel des autorités

La ministre de l’Égalité des genres, Arianne Navarre-Marie, a exprimé sa consternation. Elle a rappelé que la victime avait obtenu un Protection Order avant d’y renoncer : « Ce genre de drame nous pousse à redoubler de vigilance. Nous appelons toutes les victimes de violence domestique à se manifester et à ne pas rester seules. » Elle a également exhorté les proches à signaler tout comportement violent avant qu’il ne soit trop tard.

Domestic Abuse Bill : vers un cadre légal renforcé contre la violence familiale

Les récents féminicides ont ravivé la nécessité de renforcer la lutte contre la violence domestique à Maurice. Le Domestic Abuse Bill, en cours de finalisation, vise à combler les failles du cadre actuel, souvent jugé insuffisant pour protéger les victimes.

En 2024, 5 758 cas de violence domestique ont été enregistrés, selon les données de Statistics Mauritius, contre plus de 7 000 en 2023. Derrière ces chiffres, des drames humains se répètent. Les meurtres de Natasha Cornet et de Danaa Malabar, toutes deux tuées par leurs époux, ont mis en lumière les limites du système, notamment l’inefficacité du Protection Order lorsqu’il est retiré ou mal appliqué.

Le nouveau texte veut élargir la définition des abus à toutes leurs formes – physique, psychologique, sexuelle ou financière – et inclure les partenaires non mariés. Il introduit aussi le Protection Notice, une mesure d’urgence que la police pourrait délivrer avant la décision du tribunal, et le principe du signalement obligatoire pour certains professionnels.

Le projet de loi prévoit enfin une meilleure coordination entre les institutions et un suivi des auteurs de violences, afin d’éviter les ruptures dans la chaîne de protection. Mais au-delà du cadre légal, c’est un véritable changement de mentalité qui s’impose : éducation, sensibilisation et soutien doivent accompagner la loi pour briser le cycle de la peur et du silence.

Le Domestic Abuse Bill se veut ainsi un tournant décisif dans la lutte contre un fléau qui continue de toucher des milliers de femmes chaque année à Maurice.