Derrière les sourires, les chansons romantiques et les vidéos attendrissantes diffusées sur TikTok, la réalité de Danaa Laeticia Malabar était bien différente. Trois jours après sa disparition, cette jeune mère de 25 ans a été retrouvée morte mercredi matin dans une maison abandonnée à Curepipe. Son époux, Brandon Malabar, tiktokeur suivi par des milliers d’abonnés, a reconnu l’avoir poignardée avant de l’abandonner sur place. Ce drame, survenu dans le silence d’un foyer fragilisé, met en lumière le contraste brutal entre les images idéalisées partagées en ligne et la violence conjugale qui peut se dissimuler derrière les apparences.
Sur les réseaux, le couple apparaissait uni et complice. Ensemble, ils dansaient, riaient, partageaient des moments de tendresse. Cette image partagée en ligne leur avait valu une certaine notoriété et une communauté convaincue d’assister à la vie quotidienne d’un couple épanoui. Mais loin des caméras, les tensions s’accumulaient. Selon ses proches, Danaa vivait dans une relation devenue toxique. La mise en scène publique contrastait violemment avec la réalité de son quotidien : celle d’une femme confrontée à la jalousie, aux violences et au contrôle de son compagnon.
Pour sa famille, Danaa était « la gentillesse incarnée ». « Elle était tellement et naïve. Elle croyait en l’amour, et c’était une femme fidèle qui restait à la maison, s’occupait de sa belle-mère, de ses enfants, et ne sortait qu’avec son mari. Après son meurtre pourtant, ce dernier l’a salie et a beaucoup menti sur son compte », confie sa tante.
Le dimanche 12 octobre, après une énième dispute, Danaa quitte le domicile de sa mère avec son mari. Ce sera la dernière fois qu’elle sera vue vivante. Pendant que ses proches la recherchent, Brandon publie une vidéo sur TikTok, lançant un appel à l’aide et demandant à ses abonnés de relayer le message. Ce geste, devenu viral, apparaît aujourd’hui comme une tentative de détourner les soupçons.
Quelques jours plus tard, il passe aux aveux. Il affirme ne pas avoir voulu la tuer et parle d’un « geste de colère » et d’une perte de contrôle. Mais les faits sont là : Danaa a été poignardée à deux reprises. Son corps a été retrouvé abandonné dans un bâtiment désert, loin du tumulte des réseaux où leur couple s’exposait si souvent.
Selon sa tante, la famille était consciente des difficultés dans le couple. À plusieurs reprises, il avait été conseillé à Danaa de quitter son mari après des disputes. « Il jouait très bien son rôle d’homme gentil. Il savait la convaincre, et elle le croyait », confie-t-elle. Elle raconte aussi avoir remarqué un jour un gros hématome sur le bras de Danaa dans une vidéo en ligne — un signe qui l’avait profondément inquiétée et qu’elle avait aussitôt signalé à sa sœur, la mère de la victime.
« C’est un bon acteur. Il montrait à tout le monde que tout allait bien, mais nous savions qu’il y avait des problèmes », ajoute-t-elle. Pour la famille, le choc reste immense : « On voit ces histoires à la télévision, sur les réseaux sociaux, mais quand ça arrive chez vous, c’est une épreuve très très difficile. » Elle lance aujourd’hui un appel aux femmes à reconnaître les signaux de danger et à ne pas confondre amour et emprise : « Ce n’est pas de l’amour quand quelqu’un vous bat, vous contrôle et vous fait souffrir. Bizin kité alé ! »
Le meurtre de Danaa ne constitue pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une réalité trop fréquente : celle de femmes enfermées dans des relations marquées par la violence, où la peur et la honte réduisent au silence. Ses proches évoquent des disputes récurrentes, des tensions constantes et des signaux qui, comme souvent, ont été ignorés ou minimisés.
Ce drame rappelle que les réseaux sociaux, en magnifiant des vies filtrées et idéalisées, peuvent dissimuler des situations de détresse. Ils créent parfois une illusion de bonheur qui efface les signaux d’alerte. Derrière la mise en scène, la douleur devient invisible.
L’affaire Danaa Malabar soulève des questions profondes sur la perception et la prise en charge de la violence domestique. Les campagnes de sensibilisation existent, les lignes d’écoute sont en place, mais de nombreuses victimes continuent de souffrir dans l’ombre. À Maurice, comme ailleurs, la banalisation des comportements violents dans le couple reste un problème culturel et social majeur.
Danaa laisse derrière elle deux enfants qui resteront à jamais marqués par ce terrible drame.
