[Fraude à la MIC] Comment des fonds publics ont financé des sondages électoraux et des dépenses somptuaires

La Mauritius Investment Corporation (MIC), une institution créée en 2020 par la Banque de Maurice (BoM) pour soutenir les entreprises touchées par la pandémie de COVID-19, se retrouve au cœur d’un scandale financier et politique majeur. Ce fonds, alimenté par les réserves de la BoM avec une injection de 2 milliards de dollars (environ Rs 81 milliards), a été critiqué pour sa gestion opaque et les nombreuses irrégularités observées dans l’attribution des financements. Si certains économistes ont exprimé des inquiétudes concernant l’impact de ces investissements sur l’inflation et la stabilité monétaire, une autre facette du scandale est liée à l’utilisation abusive des fonds publics dans des projets douteux.

Un exemple marquant de cette mauvaise gestion est l’affaire Pulse Analytics, une société de sondages en ligne. Fondée par Stéphane et Mary Queenie Adam, elle est accusée d’avoir détourné Rs 45 millions de la MIC pour financer des dépenses somptuaires et des sondages électoraux biaisés. Ces sondages, publiés avant les élections générales récentes, attribuaient une victoire anticipée à l’Alliance Lepep, contribuant à une manipulation de l’opinion publique. Les Adam auraient obtenu ces fonds via Menlo Parks Ltd, une société liée à Pulse Analytics, pour un projet d’intelligence artificielle. Bien que ce projet ait été jugé “hautement risqué” lors de l’évaluation initiale par la MIC, la demande a été approuvée après des interventions présumées d’influents personnages politiques, y compris l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegolam.

L’enquête menée par l’Anti-Money Laundering Unit (AMLU) a permis de perquisitionner le domicile des fondateurs de Pulse Analytics, où des documents et équipements électroniques ont été saisis pour établir des preuves de transactions douteuses. Selon les enquêteurs, ces fonds auraient été utilisés pour financer des séjours dans des hôtels de luxe, des billets d’avion en première classe, et des achats à Dubaï, loin des objectifs initiaux du projet.

En parallèle, des liens de ce scandale avec l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, sont également mis en lumière. Ce dernier est accusé d’avoir exercé des pressions sur le CA de la MIC pour que le financement de Pulse Analytics soit approuvé. Un ordre d’interdiction de quitter le territoire a d’ailleurs été émis à son encontre, et il devra répondre à des accusations de favoritisme et de mauvaise gestion.

Cette affaire illustre de manière frappante les dysfonctionnements au sein de la MIC, qui a investi des fonds dans des projets jugés peu viables à long terme et souvent liés à des proches du gouvernement. Parmi les financements controversés de la MIC figurent des sommes importantes versées à des entités comme Mauriplage Beach Resort Ltd, liée à l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth, ainsi que Luxury Retirement Village Ltd, propriété d’un autre proche du couple Jugnauth. Ces investissements ont alimenté des soupçons de conflit d’intérêts et de népotisme, et des enquêtes sont en cours pour déterminer l’ampleur des malversations.

Cette situation met une fois de plus en lumière la gouvernance défaillante sous l’ancien gouvernement de Pravind Jugnauth, caractérisée par des scandales financiers, des investissements controversés et une gestion opaque des fonds publics. Alors que des inculpations sont attendues dans cette affaire, la nécessité de renforcer la transparence et la responsabilisation au sein des institutions apparaît plus urgente que jamais. Le nouveau gouvernement de l’Alliance du Changement, dirigé par Navin Ramgoolam, s’attèle à récupérer les fonds détournés et à réparer les dégâts infligés à l’économie mauricienne.