‘Freedom of Information Act’ de LPM : Les points saillants et quelques lacunes

‘Linion Pep Morisien’ (LPM) a présenté durant la semaine écoulée son ‘draft proposal’ sur un ‘Freedom of Information Act.’ Si un tel projet de loi apportera indéniablement une culture de transparence, certaines critiques peuvent néanmoins être émises contre le ‘draft proposal’ de LPM.

‘Linion Pep Morisien’ (LPM)a dévoilé durant la semaine écoulée son‘draft proposal’ pour un ‘Freedom of Information Act’. Mais avant de promulguer cette loi, le ‘draft proposal’ fait ressortir qu’il faudrait amender la Constitution, notamment la section 12, qui garantit la liberté d’expression, en ajoutant que chaque citoyen a le droit de demander et de recevoir une information détenue par l’État ou par ses préposés. Ainsi, la liberté à l’information est un droit fondamental.

La philosophie derrière ce ‘draft proposal’ : agrandir le champ des droits humains en créant un droit général à l’accès aux informations détenues par les autorités publiques, ce qui mènera à une culture de transparence et de bonne gouvernance.

Ci-dessous, les grandes lignes du ‘draft proposal’ :

  • Le citoyen lambda aura un droit de demander une information (‘right to request and receive information’), sauf en ce qui concerne certaines exceptions précises et n’aura pas à présenter aucune raison pour justifier sa demande.
  • Si l’autorité publique qui a reçu la demande d’information refuse de fournir cette information, le demandeur pourra interjeter un appel devant la Cour suprême ou demander une ‘judicial review’ à cette instance.
  • Sont concernées : toutes les autorités publiques, les corps paraétatiques, les commissions et autres comités, ainsi que les conseils d’administration.
  • Les entités privées sont aussi concernées, et doivent ainsi dévoiler leurs informations sur demande, du moment qu’elles reçoivent une manne financière de l’État.
  • Ce sera un délit pour tout fonctionnaire de refuser d’accéder, sans justification aucune, à une demande d’information en bonne et due forme. Outre des sanctions administratives, ils seront passibles d’une amende de Rs 100 000 ou d’une peine d’emprisonnement ne dépassant pas dix ans.
  • Indépendamment des demandes d’information, les autorités publiques devront disséminer toute information dans l’intérêt public, comme leurs activités et leurs projets futurs. En outre, ils auront le devoir de publier les dotations et les donations, leurs comptes audités, les noms des membres du personnel sur qui pèse une accusation criminelle, ou qui sont en mission à l’étranger et tout cas avéré de fraude.
  • Les rapports des commissions d’enquêtes seront rendus publics un jour après que le Président ou le speaker de l’Assemblée nationale ait reçu une copie certifiée.
  • La loi ne s’applique pas au Président de la République, ni aux rencontres entre chefs d’État s’il n’y a pas d’accord contraignant pour Maurice.
  • Toutefois, certaines informations ne pourront être divulguées au public, incluant celles ayant trait à la défense nationale, la sécurité du pays et les relations internationales ; tout document dont la divulgation constituerait un outrage à la Cour ou au Parlement ; toute information pertinente à une enquête criminelle ou qui révèlerait le nom d’un témoin sous protection ; les informations ‘commercially sensitive’ ; ou encore les informations de nature personnelle ou de nature médicale. Les délibérations du Conseil des ministres sont exemptes pour une période de 15 ans.
  • La loi protègera les ‘whistleblowers’ ou lanceurs d’alerte, ces personnes qui exposent les maldonnes au sein d’une institution, en interdisant toute sanction à leur égard.
  • Un ‘Information Commissioner’ sera nommé, qui sera indépendant du gouvernement, et qui aura des pouvoirs d’investigation en cas de destruction de ‘records’. Ce dernier devra présenter un rapport annuel à l’Assemblée nationale, où toute une semaine, la ‘transparency week’, sera consacrée à ce rapport.

Le ‘draft proposal’ inclut aussi une liste non exhaustive des organismes publics, dont Airports of Mauritius, la Banque de Maurice, la MBC, le MES, la Mauritius Ports Authority, la State Informatics Ltd, entre autres.

Quelques lacunes

Certains faits sautent toutefois aux yeux. Ainsi, l’on remarquera qu’elle ne mentionne pas la presse spécifiquement comme demandeur d’information, mais ne mentionne uniquement que le citoyen lambda. La clause 25 du ‘draft proposal’ mentionne bien la protection des ‘whistleblowers’ mais ne mentionne aucune protection en ce qui concerne les journalistes qui refuseraient de divulguer leurs sources d’informations. Qui plus est, rien n’est dit sur le respect à la vie privée, comme l’avait préconisé Geoffrey Robertson QC, dans son rapport préliminaire en avril 2013.

Ce juriste, rappelons-le, avait eu pour mission de rédiger un rapport sur la réglementation de la presse à Maurice à la demande de l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam. Un rapport préliminaire avait ainsi été rédigé en avril 2013 portant sur une meilleure régularisation des médias et sur la liberté de la presse.

La principale recommandation de Geoffrey Robertson QC avait ainsi trait à la libre circulation de l’information à travers une ‘Freedom of Information Act’ afin de permettre l’accès aux médias et à tout citoyen aux documents et aux informations du gouvernement. L’on notera que le juriste britannique avait traité les médias comme une entité indépendante des simples citoyens comme demandeur d’informations, contrairement au ‘draft proposal’ de ‘Linion Pep Morisien’. Il avait aussi mis une certaine emphase quant à la protection accordée aux journalistes qui voudraient protéger leurs sources d’informations, ce qui semble faire défaut à l’actuel ‘draft proposal’.

Geoffrey Robertson avait en gros adopté une approche plus compréhensive et holistique, dont les lois régissant les médias et la protection de la vie privée, vu que la ‘Freedom of Information Act’ ne doit pas être une loi en isolation : elle doit être complémentaire d’autres lois, dont celles qui régissent les médias ou encore qui protègent la vie privée.

Mais avec l’avènement de gouvernement Lepep en 2014, le projet avait été mis au rencart. Il convient aussi de noter que l’Alliance Lepep avait inclus dans son manifeste de 2014 une ‘Freedom of Information Act’ qui a depuis été rangée dans un tiroir.