Fuite de documents Le rôle de Shamila Sonah-Ori intrigue

  • Celle qui a remis le document fuité reçu de Prakash Maunthrooa à Me. Désiré Basset est aussi celle qui avait agi comme « electoral agent » de Pravind Jugnauth aux dernières élections générales et dont les dépenses font justement l’objet de la ‘Private Prosecution’ de Suren Dayal contre le PM

Dans la ‘private prosecution’ qu’intente Suren Dayal à Pravind Jugnauth, un coup de théâtre est survenu devant la Cour suprême ce vendredi 29 octobre, qui a interloqué tous les protagonistes de cette affaire. Ce sont les hommes de loi de de Pravind Jugnauth qui ont attiré l’attention du chef-juge Asraf Caunhye, qui présidait cette séance, sur une « anomalie », plus précisément sur la fuite d’un document officiel de la Cour, contraignant ce dernier d’ouvrir une enquête pour y faire la lumière. L’affaire a été renvoyée au 11 novembre.

En effet, un document, faisant partie du dossier de la cour de district de Port-Louis relatif à cette ‘private prosecution’, a atterri entre les mains de Prakash Maunthrooa, un ‘Senior Adviser’ de Pravind Jugnauth, on ne sait trop comment. Ce dernier l’a ensuite remis via WhatsApp à Shamila Sonah-Ori, avouée proche de Pravind Jugnauth (qui n’a toutefois pas été engagée par le Premier ministre dans cette affaire), qui l’a ensuite remis à Me Désiré Basset, avocat de Pravind Jugnauth dans cette même affaire.

Ce document est une lettre de Me Antoine Domingue, avocat de Suren Dayal, au Directeur des poursuites publiques (DPP), l’informant de la présente ‘private prosecution’ lancée contre nul autre que le Premier ministre. Copie qu’il avait remis à la magistrate Bholah, qui préside cette ‘private prosecution’ à la cour de Port-Louis.

Là où le bât blesse : ce n’est pas une copie certifiée ou officielle d’un document que la cour remet aux hommes de loi dans une affaire. Ce document aurait apparemment été scanné ou pris en photo. Il contiendrait des annotations manuscrites de la magistrate qui entend cette affaire, ce qui indique que ce n’est pas une copie officielle remise aux parties.

Shamila Sonah-Ori, interrogée par Me Désiré Basset, avocat de Pravind Jugnauth, a expliqué en cour que c’est Prakash Maunthrooa qui lui a remis ce document. Apparemment, ce dernier lui aurait expliqué qu’il avait simplement reçu ce document comme une pièce jointe d’un courriel, sans qu’il ne connaisse l’expéditeur.

Intrigues

Cette fuite de documents soulève plusieurs interrogations. Comment un document se trouvant sous « lock and key » dans une cour de district a-t-il pu atterrir dans le bureau du conseiller Prakash Maunthrooa au ‘Prime Minister’s Office’ (PMO) ? Quel intérêt le conseiller du Premier ministre avait-il pour s’ingérer dans une affaire qui ne le concerne nullement ? Cette affaire est suivie de près par les membres du barreau épris de transparence, de justice, et surtout de respect du judiciaire.

On se rappellera que Prakash Maunthrooa avait été poursuivi avec Siddick Chady dans l’affaire Boskalis mais qu’il avait été acquitté tandis que Siddick Chady a été condamné à purger une assez longue peine de prison, contre laquelle il essaie de faire appel devant le Privy Council. Entretemps, Prakash Maunthrooa a, lui, déjà retrouvé son poste de conseiller au Bureau du Premier ministre.

Autre intrigue : le rôle joué par l’avouée Shamila Sonah-Ori dans cette affaire. Sa présence aux côtés des hommes de loi de Pravind Jugnauth n’est pas passée inaperçue en Cour. Pourtant, elle n’agit pas comme avouée officielle dans la ‘Private Prosecution’ qu’a intentée Suren Dayal contre Pravind Jugnauth, l’« instructing Attorney » de Me. André Basset, avocat de Pravind Jugnauth, étant Me. André Robert. D’ailleurs, elle était aussi présente au bureau du chef juge Asraf Caunhye quand ce dernier a rencontré les hommes de loi engagés dans cette affaire, jeudi. Le hic, c’est que Shamila Sonah-Ori est celle qui avait agi en tant qu’agent électoral de Pravind Jugnauth aux dernières élections générales de 2019. Or, la pétition électorale de Suren Dayal a justement trait aux dépenses relatives à ces élections. Raison pour laquelle son présent rôle dans l’affaire de fuite de documents interpelle.

Shamila Sonah-Ori est d’ailleurs connue comme étant une proche de Lakwizinn à qui elle rapporterait, selon certaines sources, fidèlement les travaux de la Cour liés à la présente affaire. L’on se souviendra qu’elle était pressentie par le Premier ministre pour diriger l’‘Electoral Supervisory Commission’ (ESC) et l’‘Electoral Boundaries Commission’ (EBC). Ce qui avait alors soulevé un tollé dans le pays, au point où elle avait fini par renoncer à ces postes, en évoquant, dans une lettre adressée à l’ancien Président de la République Barlen Vyaporee le 30 mai 2018, une « politisation à outrance de sa nomination ». Elle confirmera cependant ses connexions avec Lakwizinn en se présentant comme agent électoral de Pravind Jugnauth aux élections de décembre 2019.