Dans un jugement rendu mercredi, les juges Veronique Kwok Yin Siong Yen et Renuka Dabee siégeant à la Cour suprême de Maurice ont annulé une décision du Public Bodies Appeal Tribunal (PBAT) à l’encontre d’un haut fonctionnaire occupant les fonctions de secrétaire permanent par intérim, concluant que le PBAT avait outrepassé ses attributions en statuant sur un point qui n’était pas à l’ordre du jour du procès.
L’affaire opposait le fonctionnaire, alors Acting Permanent Secretary au ministère de l’Économie Bleue, des Ressources Marines, de la Pêche et de la Marine marchande, au PBAT et à la Public Service Commission (PSC). Suite à des allégations de harcèlement portées par une employée du département administratif du ministère, l’appelant avait écopé d’un blâme sévère en novembre 2022. Après avoir exercé un recours auprès de la PSC, laquelle a confirmé la sanction, il s’était tourné vers le PBAT. Ce dernier a aussi rejeté son appel en décembre 2023.
Lors de l’audience, le président du PBAT a soulevé de sa propre initiative –proprio motu– un point qui ne figurait ni parmi les moyens d’appel ni dans les arguments des parties : une carte de visite de l’appelant mentionnant le titre de « Permanent Secretary », alors qu’il occupait officiellement les fonctions à titre intérimaire. Le président du PBAT a qualifié cela de « très grave », insinuant une fausse représentation. Bien que le tribunal ait reconnu que ce point ne faisait pas partie de l’affaire, il en a pourtant tiré une conclusion de fond dans sa décision, qualifiant le fonctionnaire de fautif et recommandant une action disciplinaire complémentaire.
Dans leur jugement, les juges Veronique Kwok Yin Siong Yen et Renuka Dabee, ont rappelé avec fermeté les limites de la compétence d’un tribunal quasi-judiciaire. Elles ont notamment souligné que le rôle du PBAT était strictement d’évaluer les motifs de l’appel, et non d’introduire de nouvelles allégations. Le tribunal a de surcroît recommandé des mesures disciplinaires contre le haut cadre, sans qu’aucune preuve ne justifie une telle démarche.
La cour a également pointé un manquement aux principes d’impartialité, le président du tribunal ayant exprimé à deux reprises que le comportement de l’appelant était “très mauvais”, traduisant une opinion préconçue.
Se référant à une jurisprudence du Judicial Committee du Privy Council du Royaume-Uni en 2024, la Cour suprême a réitéré qu’un tribunal n’a pas à défendre activement ses propres décisions dans un recours en révision. Son rôle est de rester neutre, afin de ne pas compromettre son indépendance institutionnelle.